Interview
MABATIM.INFO : Bonjour et merci d’avoir accepté cet entretien. Pour commencer, une remarque en forme de question : « Jacquot », ça ne sonne pas très rabbin. Vous m’expliquez ?
Jacquot Grunewald : C’est pourtant ce qui figure sur mon acte de naissance. Mes parents m’ont donné un prénom hébraïque, Pinh’as. Mais en français, cela se dit Phinéas. C’est ainsi que le troisième grand prêtre des Hébreux, le petit-fils d’Aaron, est nommé dans la Bible chrétienne. Mes parents se sont dit qu’on ne pouvait pas imposer ça à quiconque, a fortiori à leur enfant, alors ils ont cherché autre chose. Ils ont pensé à Jacques et ont préféré Jacquot, parce que cela se rapproche plus de Jacob, je suppose.
M.I : Vous êtes né à Strasbourg, vous avez été rabbin, vous avez fondé et dirigé l’hebdomadaire Tribune juive, vous êtes chevalier des Arts et des Lettres et vous avez écrit de nombreux livres publiés chez des éditeurs prestigieux : Ils sont fous, ces juifs, chez Albin Michel en 1993, Orthodox Street, chez Ramsay en 1998, Chalom Jésus, lettre d’un rabbin d’aujourd’hui au rabbi de Nazareth, en 2000, à nouveau chez Albin Michel, où vous avez également publié deux autres romans : L’Homme à la bauta, en 2002 et La Tentation du rabbin Fix, en 2005. Le Bonheur de vivre à Jérusalem, un essai autobiographique, est paru chez Maren Sell, en 2007 et aujourd’hui, vous publiez Israël sur sa terre : Ce qu’en disent les Palestiniens. Ce titre a-t-il vocation à informer ou à provoquer ?
J.G. : Non, non, pas à provoquer ! Je vous fais remarquer que « Israël sur sa terre » est un fait, dont j’apporte les preuves indéniables pendant toute la première partie, des preuves archéologiques, historiques, religieuses et même juridiques et cadastrales. D’autre part, traduire, décrypter « ce qu’en disent les Palestiniens » n’est pas la même chose que leur donner la parole. Bien sûr, c’est mon point de départ. D’ailleurs, je voulais donner comme sous-titre « le narratif palestinien », mais on m’a dit qu’en français, « narratif » ne serait pas compris. En tout cas, le fait que les Juifs soient sur leur terre en Eretz Israël et y aient maintenu une présence ininterrompue depuis 3000 ans (même parfois en très petit nombre) est attesté de mille et une façons irréfragables. Ce n’est pas compatible avec le narratif palestinien, ou plutôt, le narratif palestinien est incompatible avec la vérité historique.
Mais les Arabes dits palestiniens ne sont pas les seuls à ignorer ces faits basiques. La plupart des gens qui ont une connaissance superficielle du judaïsme et d’Israël croient que le « retour » des Juifs sur leur terre date de la première alyah, dans les années 1890.
Je ne provoque pas, j’informe.
M.I : J’ai trouvé votre livre remarquable, clair, pédagogue, argumenté, érudit et même, à l’occasion, plein d’humour… À qui s’adresse-t-il ? Aux Juifs ? Aux Palestiniens ? Aux non-juifs ? Aux sionistes ? Et quel est votre objectif ? Hasbara ? Dialogue ?
J.G. : Je n’espère pas convaincre les Palestiniens. Si j’avais eu cette ambition, j’aurais appris l’arabe au lieu d’écrire des livres. Je n’ai pas eu assez de temps pour faire les deux !
En fait, dans ce livre, je donne des informations, toutes vérifiables, à partir desquelles se développera, peut-être, une meilleure compréhension des faits. La première pierre qui mène à une reconnaissance est la connaissance. Je n’ai pas écrit un livre déraisonnable.
Il n’est pas interdit de penser que certains de ceux qui l’auront lu pourront amorcer un dialogue avec des Palestiniens, je veux dire des individus, pas des institutions. Je pense à Sari Nusseibeh, qui avait monté une initiative de négociations avec des Israéliens (ce qui, aujourd’hui, lui vaudrait un séjour en prison), à Mohammed Dajani, ce professeur d’études américaines à l’université al-Qods, qui a amené quelques étudiants palestiniens visiter Auschwitz, en 2014… Il y en a, des gens comme ça, qui sont assez intelligents pour raisonner, pas seulement faire résonner leur idéologie. Mon espoir est qu’ils fassent également la part des faits.
M.I : Des exemples ? Je vous propose certaines phrases que j’ai surlignées dans votre livre :
« C’est à la Transjordanie qu’Israël a enlevé ces terres en 1967 depuis lesquelles la Légion Arabe a tenté d’envahir Israël, malgré les mises en garde du Premier ministre Lévi Eshkol. Pour nombre de juristes, cette conjoncture confère à Israël plus qu’un strapontin pour asseoir sa légitimité en Cisjordanie. »
J.G. : Oui, les jeunes Français et beaucoup de leurs aînés sont persuadés que les Juifs ont volé un pays nommé Palestine aux Palestiniens, pour le remplacer par Israël. Un minimum de connaissances historiques leur permettrait de savoir qu’il n’y a jamais eu d’autre État que juif sur cette terre. Cela ne les rendrait pas sionistes pour autant, mais leurs exigences cesseraient d’être fondées sur des mythes ou des fantasmes.
M.I : Autre citation : « Le refus d’Ahmed Choukeyri, premier président de l’OLP, jusqu’à celui de Mahmoud Abbas, en passant par Arafat, donc de l’ensemble de la direction palestinienne, est l’expression sur le terrain du narratif palestinien. Ce narratif, qui dénie aux Juifs leurs droits sur leur terre, et qui prétend nier leur passé à Jérusalem ainsi que leur identité, rythme toutes les négociations refusées ou inachevées. Le (très) long discours du Président palestinien devant le Conseil central de l’OLP, convoqué le 14 janvier 2018, pour rejeter la résolution de Trump sur Jérusalem et à sa suite, le vote de ce même Conseil pour l’annulation des Accords d’Oslo, n’étaient qu’un remake de cette politique. »
J.G. : De la même façon qu’il existe un fantasme d’État palestinien chez la plupart des militants propalestiniens, le monde entier semble considérer que les Juifs, qui demandent de façon répétitive à « échanger la terre contre la paix » sont les faucons et que les colombes sont dans le camp palestinien. La réalité montre l’inverse. Cela ne change pas la situation aujourd’hui, mais pour évoluer, il faut que l’on prenne en compte la réalité, pas des fantasmes infantiles.
M.I : Allez, une petite dernière pour la route : « L’exclusivisme que les Palestiniens prétendent imposer à Jérusalem est à la fois contraire à son passé et à son destin. … Prodigieux narratif ! Les Palestiniens y deviennent des Cananéens et les Juifs des enfants des Khazars – Et pourquoi pas des Aztèques ou des Mohicans ? – bref, n’importe qui et n’importe quoi pourvu qu’ils n’aient pas de relation avec ces Juifs que connaissait Mahomet. »
J.G. : Dans toutes les citations que vous avez relevées, on observe qu’il y a d’un côté la réalité et de l’autre le narratif palestinien, qui s’en affranchit. Je place plutôt mon espoir dans une réalité qu’on n’a pas l’air de connaître en dehors des frontières d’Israël.
M.I : Qu’espérez-vous ?
J.G. : Je crois à deux peuples qui se partagent une terre qu’ils aiment l’un et l’autre, à deux États à condition qu’ils soient liés et conscients de vivre sur la même terre, sur une terre dont ils reconnaissent l’histoire. Il y a déjà une donnée révolutionnaire que révèlent les sondages : aujourd’hui, 50% des Arabes israéliens veulent s’intégrer à la société israélienne. On ne les y a pas assez aidés. Certes, ils sont représentés par des élus insupportables et déraisonnables, mais ils se sentent israéliens et n’ont pas envie de devenir palestiniens, même si un État palestinien voit le jour. Pour autant, ils n’oseront évidemment pas se balader en exhibant un drapeau israélien, ce serait un suicide social.
M.I : Une autre question qui n’a rien à voir, mais qui pique ma curiosité. Pourquoi quelqu’un qui a été publié plusieurs fois par Albin Michel fait-il éditer un livre par « Tsipa Laor, Jerusalem », dont le site internet est introuvable ? Vous avez été refusé par les Français de France parce que politiquement incorrect ?
J.G. : Tsipa Laor n’a pas de site Internet, parce que cette maison d’édition, que j’avais créée il y a quelques années, était en sommeil. Mais quand j’ai proposé cet ouvrage à Albin Michel, mon interlocuteur a fait un bond d’horreur à l’idée de publier un livre sur ce sujet. Bien sûr, les questions idéologiques ont joué. Plusieurs essais que j’ai présentés à d’autres éditeurs ont reçu le même accueil. Et puis là-dessus est arrivé le virus, alors j’ai décidé de le publier moi-même en ressuscitant Tsipa Laor et en passant par les services de publication d’Amazon.
M.I : Quand avez-vous fait votre alyah ?
J.G. : Je suis arrivé en 1986, en pleine première Intifada, mais je continuais de publier Tribune Juive en faisant des allers et retours entre Jérusalem et Paris. J’imaginais pouvoir être un pont entre la France et Israël. Mais je n’étais ni ici ni là-bas. Alors mon alyah véritable, je la situe en 1990, quand j’ai cessé les allers-retours.
M.I : Avez-vous encore beaucoup de contacts avec la France ? Avez-vous l’impression que l’opinion française change vis-à-vis d’Israël ?
J.G. : J’ai des contacts, mais pas assez pour me rendre compte réellement d’une évolution générale. En revanche, je peux vous faire part d’une expérience que j’ai vécue et qui se renouvelle très régulièrement. Je suis l’interlocuteur de groupes de pèlerins chrétiens, qui arrivent de France et souhaitent échanger avec un rabbin israélien. Nos rencontres durent une heure, une heure et demie. Je leur fais une petite introduction de cinq, dix minutes, puis je leur passe la parole afin qu’ils me posent des questions à leur gré. À la fin de la session, c’est moi qui leur pose une question, toujours la même : « Est-ce que ce que vous avez vu en Israël correspond à ce que vous en attendiez, d’après ce que vous aviez vu dans les médias français ? » Et là, chaque fois, c’est un cri unanime et spontané : « Pas du tout, au contraire ! » Ces chrétiens constatent l’abime qui sépare la réalité des narratifs propalestiniens véhiculés par les médias français. J’espère que d’autres aussi comprendront peu à peu que c’est dans la réalité et pas dans les fantasmes que se règlera ce conflit.
M.I : Votre livre devrait aider.
J.G. : À condition qu’il soit lu ! Ce n’est pas grâce à la promotion inexistante qu’en fait Amazon que cela risque d’arriver. Vous pouvez conseiller à vos lecteurs de l’envoyer à leur député, en précisant qu’il a été écrit par un ancien président de l’Assemblée des Français de l’étranger. Pas pour convaincre le député de devenir sioniste, mais pour qu’il s’informe du réel. Car réellement, l’étranger parmi les nations, c’est toujours Israël ! LR♦
Pour MABATIM.INFO : Liliane Messika
Interview réalisée le 7 juin 2020, par téléphone.
L’invention politique de la Fallastine est une mystification territoriale, dénominative et cartographique.
Tout le monde honnête le sait, les antisiomites le nient, les ignorants répètent ce que les journagandistes leur serinent, la plupart des Français (innocents) s’en foutent.
Ceux que cela intéresse pourront lire l’article complet sur l’excellent blog
https://perditions-ideologiques.com/2020/06/19/linvention-politique-de-la-palestine-une-mystification-territoriale-denominative-et-cartographique/comment-page-1/#comment-139
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Les Palestiniens connaissent-ils BALAK et ce qu’il advint de ses craintes et de ses prétentions? Beau projet de film pour Arte!
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Monsieur Jacquot Grunwald , ce que vous dîtes est intéressant ,mais essayez de convaincre le français moyen qui a étudié l histoire et la géographie en regardant la télévision ,est courageux et nécessite beaucoup d énergie.
Je pense qu avec toute la vitalité en vous ,le même effort au profit des Juifs moyens qui s informent sur Israël en regardant le JT de 20 h sera plus productif .
Sur la « poignée « de Juifs qui restent en France ,si rien n est fait y compris par l etat Juif ,la grande majorité de cette communauté disparaîtra !
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