« La mulâtresse Solitude » quand la légende devient l’histoire

Goyave, 30 septembre 2020

A propos du jardin extraordinaire.

André Schwarz-Bart a tiré sa révérence à notre monde le 30 septembre 2006.

Le 27 septembre 2020, soit 14 ans après son départ vers l’Ailleurs, dans le 17e arrondissement de Paris, a été inauguré un jardin qui porte le nom de son héroïne, « la mulâtresse Solitude. »

Du fond du cœur, je voudrais remercier tous ceux qui ont œuvré à la réalisation de ce noble et nécessaire projet.

Cependant, au prétexte qu’il ne faudrait pas créer la polémique, il ne m’appartient nullement de laisser s’installer et circuler des commentaires ou interprétations quelque peu inexacts. En effet, André Schwarz-Bart n’a pas révélé Solitude au monde pour la simple et bonne raison qu’il n’y avait rien à révéler hormis 3 lignes sujettes à caution dans un manuel d’histoire de 1858 évoquant l’existence d’une certaine esclave du nom de Solitude. Et ce nom de Solitude porté par une esclave le bouleverse au point qu’il entreprend de lui construire une biographie imaginaire dont se réfèrent maintenant tous ceux qui veulent évoquer son personnage.

Or voici, et c’est ici que se situe le miracle : son héroïne est si justement rendue qu’elle en devient plus réelle que réelle, échappe à l’auteur pour devenir un mythe, l’emblème même de la lutte contre l’esclavage et tout asservissement de l’homme par l’homme : l’éternelle résistante.

Quelle aventure grandiose et rare pour un écrivain ! Oui, maintenant Solitude existe bel et bien, elle est vivante, car l’auteur l’a tirée de l’anonymat ordinaire des 20 millions d’esclaves déportés aux Amériques ! Salut l’artiste ! De là-haut, je le sais, tu nous fais un clin d’œil quelque peu amusé : c’est que selon Paul Auster : « Pour pouvoir dire la vérité, il nous faudra une fiction ». Et c’est là que la légende devient l’histoire.

Fait à la Souvenance, Goyave, le jour anniversaire de la mort d’André Schwarz-Bart. SSB

Simone Schwarz-Bart, MABATIM.INFO

Voir aussi :
Une héroïne de papier statufiée, par Francine Kaufmann

4 commentaires

  1. Merci à Mabatim pour avoir laissé Simone Schwartz-Bart rappeler la Mulâtresse Solitude. Imaginaire ? Pour moi elle était terriblement vivante et actuelle. C’est à Sainte Rose, sur les hauteurs de Sofaïa que j’ai fait sa connaissance. C’était chez mon ami Jean-Pierre, il était mon frère noir comme j’étais son frère juif. En dégustant les ti’punch, nous évoquions en parallèle l’esclavage et le marronnage, Auschwitz et la résistance. Nous sommes allés ensemble sur la piste Delgrès et aux ruines du fort de Matouba, ce Massada de Guadeloupe.

    Delgrès. Au panthéon, auprès des tombes de Jaurès, Schoelcher et Félix Eboué on peut lire cette inscription : à la mémoire de Louis Delgrès : « Héros de la lutte contre le rétablissement de l’esclavage à la Guadeloupe, mort sans capituler avec trois cents combattants au Matouba en 1802, Pour que vive la liberté ».

    Les mouvements actuel des décoloniaux et de la cancel culture assassinent à nouveau Solitude. En voulant supprimer la mémoire de l’esclavage, ils effacent en même temps la lutte héroïque contre l’esclavage. Merci à vous madame Simone Schwartz-Bart, grande dame, de nous la remettre en mémoire.

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  2. J’ai découvert « le dernier des justes » il y a maintenant une cinquantaine d’années, ce fut un choc, et lui rendre hommage est si important au vu de toute son histoire et de sa vie avec Simone, respect pour vous, votre jazzman de fils, regret que vous n’ayez été présente pour cet hommage.

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  3. Merci beaucoup, Madame, pour ce rappel et cet hommage à un homme qui avait fait de la lutte contre toutes les exclusions, toutes les haines fondées sur la différence, le combat d’une vie. Du « Dernier des Justes » à « La mulâtresse Solitude », André Schwarz-Bart n’a eu de cesse de montrer et d’illustrer la similitude de la condition à laquelle sont voués des humains réduits à l’état d’objet de vindicte, de mépris et de violences, simplement pour ce qu’ils sont.
    Triste illustration de l’époque mesquine et manichéenne jusqu’à la caricature qui est la nôtre, son nom ne fut même pas cité lors de l’inauguration de ce jardin, et vous ne futes pas invitée à cette cérémonie.
    L’Histoire jugera cette imposture en forme d’effacement du nom.

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