« Révolution au paradis » de Yéhuda Moraly

J’ai entamé en lectrice volontaire l’œuvre impressionnante de Monsieur Yéhuda Moraly, intriguée surtout par son titre : Révolution au Paradis, qui en fait, s’est révélée être un cumul ahurissant de faits, de dates, d’actes, de personnalités qui se sont laissées emporter par le tsunami de l’antisémitisme à toutes les époques et dans toutes ses formes et aspects. L’auteur produit en fait un dépeçage d’un film, entre autres, « Les enfants du paradis », le plus beau film du cinéma français, le plus beau scénario de Prévert, le plus beau film de Carné élu, en 1995, le meilleur film du premier siècle du cinéma.

Une phrase qui englobe toute l’œuvre :

Le Franc-maçon, c’est le Juif et le Juif c’est le Diable,

nous dit Jean Marquès-Rivière.

Il faut avouer que la traversée a été rude, pénible, démoralisante et écrasante. On sort perclus d’hématomes inguérissables. Certains faits et événements nous sont connus, d’autres moins et la surprise de leur découverte est une chute vertigineuse vers l’abîme de la haine du juif, celle que nombreux d’entre nous ont eu le malheur de vivre ou d’observer de près sans être en mesure de relever le défi.

Mais c’est surtout une fureur indomptable qui, face à ce mal funeste, prédomine chez le lecteur, du plus pragmatique au plus insensible. Comment l’homme a-t-il réussi à atteindre ce niveau de bassesse, d’inhumanité ? Comment et par quel maléfice a-t-il oublié que le juif n’est autre que le reflet de lui-même, qu’il est son frère, son semblable… Le juif est génétiquement un être humain comme tous les autres… Pourquoi en faire une créature odieuse, différente et dans quel but ? Le faire disparaître du monde ? Ridicule. Le chrétien aurait apparemment oublié que Jésus était juif avant tout et le musulman n’ignore sûrement pas que toute sa légende islamique et ses prétendus racines ont puisé leur socle dans le judaïsme… Comment ne pas être gagné par l’exaspération devant cette manipulation criminelle provenant de tant d’intellectuels ?

  • Voltaire, le maître à penser de la France qui – à l’article « Juif » du Dictionnaire philosophique – décrit le peuple juif comme un peuple « ignorant, paresseux et barbare qui joint depuis longtemps la plus indigne avarice à la plus détestable superstition et à la plus horrible haine pour tous les peuples qui les tolèrent et qui les enrichissent ».

C’est une revue méticuleuse sur « les films de propagande allemande en version française ». Il faut vaille que vaille cacher le juif, rayer sa présence en faisant usage de la clandestinité…

  • La première du film Les enfants du paradis eut lieu le 9 mars 1945, au cours d’un gala organisé au profit des blessés de guerre. Et dans le générique figurent, accompagnés de la mention « dans la clandestinité », les noms de deux artistes juifs, le décorateur Alexandre Trauner et le musicien Joseph Kosma. Héroïquement, Carné et Prévert n’ont pas renoncé, pendant l’Occupation, à leurs collaborateurs juifs et, au péril de leurs vies, les ont fait travailler « dans la clandestinité ».
  • Les quatre années de l’Occupation allemande (1940-44) correspondent en France, très paradoxalement, à une floraison d’œuvres dans tous les domaines. Sartre écrit L’Être et le néant (1943), Camus L’étranger (1942). Les pièces écrites ou montées pendant ces années-là sont souvent devenues des classiques : La Reine morte (Henri de Montherlant, 1942), Les mouches (Jean-Paul Sartre, 1943), Antigone (Jean Anouilh, 1944), Huis-Clos (Jean-Paul Sartre, 1944), La Folle de Chaillot que Jean Giraudoux écrit en 19421. Quant au cinéma, c’est un véritable âge d’or. Deux cent vingt films de long métrage, incontestablement parmi les plus beaux du cinéma français, quatre cents courts-métrages attestent la vitalité du cinéma dans un pays conquis, humilié et privé de tout.
  • Les films réalisés dans ces années bénies pour la création artistique donnent la première place à l’amour dans toutes ses déclinaisons (fou, naissant, bafoué, feint), à l’Histoire et à la fantaisie dans des scénarios où la moindre allusion à l’actualité est, pour des raisons plus qu’évidentes, soigneusement bannie. De pures fantaisies, donc, des drames historiques, détachés du réel, ce qui explique d’ailleurs la permanence, jusqu’à aujourd’hui, de l’immense fascination qu’ils exercent……

Un maquillage bien en place :

  • Ainsi, les très nombreux ouvrages déjà écrits sur le cinéma de la France occupée, ceux de Paul Léglise, Roger Régent, Raymond Chirat, Georges Sadoul, Jean-Pierre Bertin-Maghit, Jacques Siclier, François Garçon, Evelyn Ehrlich, Jean-Pierre Jeancolas, Edward Baron Turk, Pierre Darmon, René Château, s’accordent en général pour féliciter le cinéma français d’être resté étranger à toute propagande et « blanchissent » (c’était un mot très en usage à la Libération) le cinéma de fiction, réfugié dans l’Histoire, la comédie et les intrigues amoureuses pour éviter d’évoquer un présent douloureux. Sur l’exceptionnelle vigueur du théâtre français sous l’Occupation allemande, voir : Patrick Marsh, Le théâtre à Paris sous l’occupation allemande, Revue de l’Histoire du Théâtre, Paris, 1981 ; Serge Added, Le théâtre dans les années Vichy, Ramsay, Paris, 1992 ; Marie-Agnès Joubert, La Comédie-Française sous l’occupation, Tallandier, Paris, 1988 ; Kenneth Krauss, The Drama of Fallen France, State University of New York Press, New York, 2004.

Et comment non « Le meurtre purificatoire ». Car il faut purifier la planète de cette bête immonde qu’est le juif.

Propagande antisémite directe… Oui, en France, cette noble et puissante société qui sous son vernis trompeur n’envoie que de minuscules faisceaux de sa profonde corruption…

  • Entre 1940 et 1944, une série de mesures légalement instaurées par le régime de Vichy transforme les Juifs résidant en France en suspects, en coupables, en prisonniers et souvent en condamnés à mort. 16 août 1940 : annulation de la loi Marchandeau qui interdisait les attaques antisémites dans la presse. 3 octobre 1940 : le premier « Statut des Juifs » attribue aux Juifs une condition de citoyen de seconde zone. 4 octobre 1940 : les préfets sont autorisés à interner les Juifs étrangers dans des camps ou à les assigner à résidence surveillée. 7 octobre 1940 : annulation du décret Crémieux qui avait octroyé la nationalité française aux Juifs d’Algérie. Quelques mois plus tard, les Juifs ne pourront plus être médecins, avocats, dentistes, pharmaciens, élèves, étudiants. En zone nord, les Allemands prennent des mesures particulièrement sévères. Ainsi les entreprises des Juifs sont confisquées. Leurs comptes en banque bloqués. Les peintres juifs ne peuvent plus exposer. Les pièces de théâtre d’auteurs juifs ou les compositions de musiciens juifs sont interdites. Les Juifs ne peuvent plus entrer dans un restaurant, un théâtre ou un café. Ils n’ont plus le droit de se servir d’une cabine téléphonique, d’aller à la piscine, d’entrer dans une bibliothèque, de participer à une manifestation sportive. 7 juin 1942 : ils ont l’obligation de porter l’étoile jaune. Il leur sera ensuite interdit de sortir de chez eux, sauf quelques heures par jour, ce qui rendra leur arrestation, puis leur déportation plus facile.
  • Ces lois, d’une sévérité inouïe en France, « terre de liberté », sont accompagnées par une propagande directe qui semble avoir été soigneusement orchestrée. La presse, la radio, l’édition, les films allemands en version française, les films français de propagande, transforment le Juif en créature diabolique, responsable de tout, de la guerre, de la défaite, du marché noir et des bombardements. Je suis partout, La Gerbe, Au Pilori, Aujourd’hui – tous journaux financés par l’Occupant – ont fait de la collaboration avec l’Allemagne leur emblème. Ils exigent toujours plus de rigueur envers les Juifs, critiquent violemment le régime de Vichy en l’accusant de mollesse dans l’application des lois. Les autres journaux ont gardé leurs anciens titres, mais ils font soudain preuve d’un antisémitisme virulent. Même les quotidiens comme Le Petit Parisien, Paris-Soir, Le Matin, les Nouveaux Temps ironisent sur l’étoile jaune et les lois d’exclusion. J’ai pu consulter (clandestinement) des enregistrements de Radio-Paris. Les interviews, les cours, les chansons, les sketches, les reportages sur des camps de prisonniers montrent que la violence dans la haine antisémite atteint alors des sommets. Les émissions de Charles Dieudonné – Au rythme du temps » ou « Les Juifs contre la France » (cabaret antisémite) dont l’un des animateurs attitrés est Robert Le Vigan, ami de Céline, Prévert, Arletty, Madeleine Renaud et Jean-Louis Barrault – présentent sur le mode humoristique des chansons ridiculisant les Juifs et surtout, bravent la terrible menace que ceux-ci font peser, de 1940 à 1944, sur la France. Le livre de Diane Afoumado, L’Affiche antisémite en France sous l’Occupation (Berg International, Paris, 2008) rassemble des affiches et des tracts qui violent l’esprit des foules.

Quant aux livres, ils sont nombreux. En pleine guerre, l’édition française est en tête de la production mondiale : 9.348 publications en 1943, plus que les États-Unis (8.320) ou la Grande-Bretagne. Un flot de livres paraît en zone occupée, dans toutes les grandes maisons d’édition, informant le public sur le « péril juif » : Comment reconnaître le Juif – 1, Synthèse de la question juive -2, Voltaire antijuif -3, La presse et les Juifs, Les tribus du cinéma et du théâtre -4, tous ouvrages qui font partie d’une série intitulée Les Juifs et la France ; Quand Israël se venge -5 ; Les Juifs et nous -6 ; Alphonse Toussenel, socialiste national antisémite -7 ; Arthur de Gobineau, inventeur du racisme -8 ; Les beaux draps -9 ; Qu’était le Juif avant la guerre ? Tout ! Que doit-il être ? Rien ! – 10 ; Les décombres – 11 énorme essai de 400 pages ; L’Amérique juive – 12 ; L’Église et les Juifs – 13 ; Forces de travail contre forces ploutocratiques – 14 ; La finance juive et les trusts – 15 ; Israël destructeur d’empires, un document prophétique et bien d’autres encore.

L’auteur : « Je n’évoquerai ici que l’un de ces textes, Les décombres de Lucien Rebatet, qui, en 1942, appelle à la destruction physique du peuple juif. Ce livre est le best-seller de l’Occupation. Plusieurs fois réédité, il provoque, en France, un enthousiasme semblable à celui suscité, en 1886, par La France juive de Drumont, huit ans avant l’Affaire Dreyfus.

Denoël et son prestigieux livre : « Rien n’avait plus compté devant la joie », juillet 1942

  • « Je retrouvais une Vienne allégée et nettoyée […] J’avais cru assez facilement, moi aussi, à des heurts de mœurs et de caractère entre Allemands et Autrichiens. Mais rien n’avait plus compté devant la joie […] de se mettre entre les mains du chef prestigieux qui chassait l’ennemi et liait votre destinée à un empire fier et vigoureux. J’avais voulu revoir le ghetto de Leopoldstadt […] Quelques secondes de « Hitlerjungen » venaient de terminer une petite expédition punitive. Les murs portaient de tous côtés d’énormes barbouillages : « Porc juif ! », « Maison juive – désinfection urgente. Chrétien ! Attention ! » Des juifs s’efforçaient de gratter ces stigmates ». D’autres dissimulaient peureusement leurs profils derrière des fenêtres. Je nageais dans une joie vengeresse. Je humais la vengeance de ma race. Cette heure-là me payait d’années d’humiliations ».

Horrifiée et c’est peu dire, après une lecture de cette œuvre. Pourtant, nul d’entre nous ne peut lui échapper… Il faut boire le vin jusqu’à la lie… Il faut absolument s’imprégner de son contenu afin de cesser de voir en cette France et cette Europe tant déifiées, exaltées ce qu’elles sont en réalité – lui ôter le masque.

Oui, je dois avouer être tombée de bien haut après avoir pris connaissance des menus détails de cette horrible époque, et de tant d’autres époques qui l’ont précédée et dont peu en sont conscients.

Nous avons instinctivement élu nos élites et les avons nommés « France », alors que cette communauté se réduisait à quelques noms à peine… Ils ne sont pas la France, la vraie, l’ultime… d’où ont poussé, comme un crime de lèse-majesté, quelques rares orchidées… avant d’être piétinées par la masse de gens du cru dont elle est majoritairement composée. Émile Zola qui avait pris la défense du soldat Dreyfus, n’avait-il pas été exilé ? Quel magnifique exemple de partialité, d’antisémitisme féroce !!!

Il faut lire absolument cette œuvre – qui nous est proposée par l’auteur en deux versions : Française et anglaise. TZ-D

Thérèse Zrihen-Dvir

(Source : Le Blog de Thérèse)

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