Conte de Noël martien

Le torchon brûle entre Mars et la Terre

Des touristes martiens ont récemment exigé le remboursement de leur voyage sur Terre, au motif qu’ils n’avaient pas pu bénéficier du volet ethnologique qui figurait sur le programme de l’agence de voyages. Leur avocat a fait valoir que, en effet, les réalités terriennes n’avaient aucun rapport avec les descriptions publiées dans les guides édités par le ministère martien de l’éducation et du tourisme, ce qui a rendu impossible la compréhension des mœurs de la faune locale.

Cette situation nuisible ne doit pas se reproduire : l’apport financier du tourisme interplanétaire est indispensable au rééquilibrage des économies terrestres, en cette période post-covid.

Aussi, n’écoutant que mon planétriotisme, je me propose de fournir gracieusement la courte mise à jour ci-après aux autorités martiennes, afin d’encourager les navettes de touristes à reprendre la direction de notre planète bleue. Je précise que je suis légitime à le faire, puisque traductrice-interprète terrien-martien diplômée de l’Institut National des Langues et Civilisations Galactiques.

La faune terrestre

Longtemps divisée entre deux catégories (animale et humaine), chacune scindée en deux sexes (mâle et femelle), la faune mammifère terrienne organisait son existence, depuis le paléolithique, en fonction de caractéristiques naturelles : en général, les espèces laissaient les travaux les plus pénibles aux plus forts (les mâles, sauf exceptions, comme le lion, par exemple) et les femelles se chargeaient de la perpétuation de l’espèce et de ses tâches dérivées.

Au XXIᵉ siècle (durée solaire), sur la planète Terre, les fantasmes ont remplacé les lois de la nature

La distinction entre humain et animal s’est faite floue. Chez les premiers, plus évolués (bipédie, langage élaboré, pensée abstraite, rites mortuaires…) des « militants » refusent que leur espèce jouisse de droits supérieurs aux seconds. En martien, « militants » se traduirait par « irrationnels agressifs, laissés en liberté bien que pas soignés ».

Par ailleurs, au sein de l’espèce humaine, d’autres « militants » ont déclaré insuffisante la distinction entre mâles et femelles. Un vote a établi une hiérarchie des normes, où la volonté individuelle supplante les lois de la nature. Depuis, chaque humain peut décider de son/ses genre/s’et sexe/s en nombre illimité, sauf dans les territoires perdus de la démocratie, où seuls les mâles barbus sont habilités à prendre des décisions. (NDLT : ces territoires représentaient 55,1 % des pays et 50,6 % de la population de la Terre en 2020, selon le classement annuel du Democracy Index).

C’est dans ce cadre qu’un universitaire (spécimen probablement humain) a pu écrire :

« le genre linguistique des animés humains était motivé par leur genre social ».

Traduction en martien : les loup.ve.s aboient, la caravane trépasse.

L’évolution décrite ci-dessus a eu des effets individuels et collectifs. Au plan individuel, les relations intersexes ont été ramenées à des échanges de lettres d’intention suivies de formulaires de consentement signés en triple exemplaire devant notaire. Dans le registre collectif, un système codifié de négociations entre adversaires a remplacé la plupart des guerres par des décisions surréalistes. Ce système de juridiction internationale est arbitré par le Groupe-des-plus-nombreux (traduction approximative de la version originale terrienne : « groupe des non-alignés+Organisation de la Conférence Islamique »). Parmi les décisions qui stupéfieront les Martiens, un observateur a relevé celle-ci :

« Un homme qui a parqué un million de Ouïghours dans des camps, qui emprisonne les défenseurs des droits de l’homme, qui a écrasé le Tibet, qui a fait disparaître les lanceurs d’alerte sur le coronavirus et qui a étouffé la liberté à Hong Kong, siège aujourd’hui dans la plus haute instance des droits de l’homme aux Nations-Unies ».

Pour les étudiants en anthropologie que cela intéresserait, il s’agit de Hillel Neuer, directeur exécutif de UN Watch à propos du dirigeant chinois Xi Ping, le 12 novembre 2021.

Conséquence de cette évolution politico-sociale

L’une des premières conséquences est que les humains ne trouvent plus d’exutoire à leur libido. C’est pourquoi, depuis une vingtaine d’années solaires, ils se sont constitués en « meutes » ou « assoces » (en martien : sectes).

Cela se traduit, dans certains habitats verticaux extra-urbains, par des conflits inter-tribus, dont la violence est inversement proportionnelle au développement du langage chez les membres des groupes antagonistes.

Communication du Ministère martien des Affaires interplanétaires :

« Ces scènes sont à observer exclusivement depuis l’espace, sans quitter le vaisseau. L’assurance voyageurs standard du Ministère de l’Éducation et du tourisme ne couvrira en aucun cas les dommages collatéraux. »

Dans le reste des territoires, là où les créatures sont légèrement moins primates, les touristes peuvent assister à des manifestations rituelles agrémentées par des interprétations de chants religieux interprétés par les groupes les plus célèbres : les JustissPourAdama, avec leur soliste Assa dans son numéro de claquettes Louboutin, les LibéréLaPalestine dans leur costume de scène Keffieh et Pataugas et les SitépaTrans-Tétransphobe, les plus glamour en perruques et paillettes.

Il est possible de descendre du vaisseau pour une observation rapprochée, mais le Ministère recommande de contracter une assurance civile complémentaire.

La vie des intersectionnels humanoïdes se complique

L’intersectionnalité consiste à amalgamer le plus de meutes possible, afin que leur aboiement commun soit plus bruyant et donc plus efficace pour faire évoluer l’ensemble des sociétés humaines dans le sens de leurs intérêts particuliers. C’était une bonne idée au départ, d’autant qu’il était facile de convaincre les adeptes de chaque secte que l’ennemi de son ennemi était son ami et que l’union faisait la force.

Mais il est une caractéristique humaine difficile à comprendre pour les Martiens : plutôt que d’œuvrer au bien commun, les Terriens s’agrègent en nano-sectes unies contre la majorité afin d’obtenir des privilèges sectoriels. Les critères de différenciation entre les ligues nano-sectaires sont si diaphanes qu’ils sont invisibles à l’œil nu… même pour des créatures tri-oculaires comme les Martiens.

La raison ne suffit pas à expliquer la disproportion entre la paille de leurs points communs et la poutre de leurs incompatibilités : un des plus récents exemples de cette incongruité est l’alliance entre la secte des antispécistes et celle des islamistes. Leur Pacs tient exclusivement à une haine partagée du Boukémissaire, un bipède circoncis qui préfère l’étude à la brutalité.

Les antispécistes se trouvèrent fort dépourvus, le 12 décembre 2021, quand une nouvelle d’Iran fut venue, qu’un quart des députés du Madjliss (« parlement » en martien) réclamait l’interdiction, voire la destruction des animaux de compagnie, jugés inférieurs parce que leur dieu les réprouvait (le Figaro). NDLT : un dieu est une créature invisible dont il est obligatoire d’accepter es choix, les goûts et les opinions.

COMMUNIQUÉ URGENT DU MINISTÈRE MARTIEN DES RELATIONS EXTÉRIEURES

Devant le risque que la situation entre les différentes espèces peuplant la Terre dégénère et mette en danger les voyageurs interplanétaires, il est fortement recommandé aux Ptizommverts d’éviter cette planète instable et explosive.

LM♦

Liliane Messika, MABATIM.INFO

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