Du MRAP au MRAP

Le MRAP, du « Mouvement contre le racisme, l’Antisémitisme et pour la Paix » au « Mouvement contre le racisme et pour l’Amitié entre les peuples ».

Le MRAP fut fondé sur la base du MNCR, Mouvement National Contre le Racisme, créé en 1941 par des résistants qui pensaient que le combat pour libérer la France était inséparable de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme prônés par les nazis et le gouvernement de Vichy. Le MNCR s’employa pendant la guerre, en liaison avec les églises catholiques et protestantes, à sauver les enfants juifs de la déportation. Il publiait également deux journaux clandestins : J’accuse en zone nord et Fraternités en zone sud.

Pour l’anniversaire de ses 30 ans, le MRAP, dans son journal « Droit et Liberté » publia un entretien avec Alfred Grant sur l’origine du Mouvement. Alfred Grant un des fondateurs en 1942, sous l’occupation, du MNCR puis en 1949 du MRAP. Il s’attacha à expliquer dans cet entretien la filiation entre les deux mouvements.

Alfred Grant était le nom de guerre de Simon Cukier. Ce nom lui est resté, en France comme en Israël. Jusqu’à la fin de sa vie on ne l’appelait qu’Alfred. Pour lui, communiste, le combat contre l’antisémitisme, fondamental, passait par la revendication de la reconnaissance d’un peuple juif pas uniquement par le biais de la religion mais aussi par sa culture, ses modes de pensée et sa force d’implication1.

Directeur du dispensaire « l’aide médicale » au 14 rue de Paradis à Paris, il fut aussi secrétaire général du Secours Rouge International quand celui-ci devint en 1936 le Secours Populaire. Il prit en 1940 la direction de la MOI et de son mouvement « Solidarité » auquel appartenaient les fusillés du Groupe Manouchian. Alfred Grant participa à l’action armée contre les nazis. Il fut parmi les fondateurs et les dirigeants de l’UJRE (l’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide) et du MNCR dont les survivants furent les créateurs du MRAP. L’UJRE fit don de son journal « Droit et Liberté » au MRAP.

Le 1ᵉʳ mai 1948, droit et liberté publia un appel à la reconnaissance de l’État d’Israël et à la constitution de l’État arabe prévu par le plan de partage.

« Nous considérons que la mise en application immédiate du plan de partage est possible sans effusion de sang.

En la retardant on porte une atteinte dangereuse au prestige des Nations-Unies et à la cause de la paix. Contester le plan de partage serait également prendre une lourde responsabilité dans les massacres qui se préparent. Ceux qui ont payé un si lourd tribut à la dernière guerre méritent le soutien de tous les hommes de progrès pour la réalisation d’un État juif indépendant en Palestine. »

Droit et Liberté n°5 de mai 1948.

Le MRAP

Créé par des membres du Mouvement national contre le racisme (MNCR), de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICA, devenue LICRA par l’ajout du terme « racisme » dans son titre), des Francs-tireurs et partisans – Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI)8 et par diverses personnalités2, Il prend le nom de « Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et pour la paix »3.

Le premier congrès du MRAP eut lieu le 22 mai 1949 au Cirque d’hiver. Après le défilé des anciens déportés, des FFI, des FTP et des organisations adhérentes, un intermède musical était programmé, la Chorale Juive interpréta le Chant des Partisans Juifs, la Marseillaise et l’Hatikva, l’hymne israélien. En plus de l’UJRE se joignirent à la fondation du MRAP : l’Union des Sociétés Juives de France, la Commission Centrale de l’Enfance, le Comité Syndical de l’ORT et aussi les organisations sionistes : Hachomer Hatzaïr, Poalé Tzion et le Comité Populaire d’Aide à Israël.

Les participants prêtèrent un serment qui disait entre autres :

  • Nous saluons la naissance de l’État d’Israël qui à l’exemple d’autres peuples a su conquérir son indépendance et nous élevons contre toutes les intrigues et les manœuvres qui menacent l’indépendance et la sécurité de l’État d’Israël.
  • Nous ne permettrons pas qu’Israël soit transformé en tombeau de ses enfants.
  • Nous déclarons que nous ne pouvons pas être neutres à l’égard des assassins de millions d’êtres humains.
  • Nous qui avons vécu les horreurs de l’hitlérisme et les souffrances de millions de femmes et d’enfants martyrisés, brûlés, gazés et fusillés,
  • Nous qui avons défendu comme résistants, combattants ou engagés volontaires la terre de France contre la barbarie hitlérienne,
  • Nous qui dans les rangs des partisans avons aidé à porter des coups mortels à l’ennemi nazi,
  • Nous qui sommes fidèles à la mémoire de millions de martyrs, à la mémoire des héros légendaires du ghetto, à la mémoire des combattants de la Hagana,
  • Nous jurons de ne jamais être les alliés des nazis et d’être toujours au côté des combattants de la Paix et de la Démocratie,
  • Restons unis pour maintenir et renforcer le puissant front contre l’antisémitisme, le racisme et pour la Paix.

L’antisémitisme n’a pas disparu après la guerre malgré ce qu’ont prétendu des intellectuels et historiens. En témoignent ces quelques exemples :

  • Que ce soit à propos des spoliations : « Voulez-vous mettre à la rue nos malheureux sinistrés qui occupent des locaux que les locataires juifs avaient bravement désertés pendant l’Occupation ? […] Eh bien, non ! Entre la peste hitlérienne et le choléra juif, les Français n’ont pas à choisir. Pour que la France soit libre, heureuse, prospère, il ne faut plus sur son sol ni un boche, ni un traître, ni un Juif. ».
  • Où du retour des Juifs : « La France aux Français et les Juifs en Palestine !!! On a résisté à l’invasion. Lutté contre l’occupation. Combattu pour la libération. A-t-on consenti à tous ces sacrifices pour voir le Juif prioritaire de tous les avantages refusés aux Français ? Le Juif maître de la Presse, de la Finance, de la Radio, etc. Eh bien non !!! Pour une France propre, « Retroussons nos manches » et commençons par l’expulsion des Juifs »4.

L’action du MRAP, à ses débuts, fut efficiente contre les fascistes anciens collaborateurs des nazis, contre la presse antisémite, contre les discriminations raciales, pour le soutien aux personnes discriminées comme Pierre Mendès-France ou Jean-Pierre Pierre-Bloch, pour une loi contre l’apologie du racisme.

La guerre de juin 1967 appelée guerre des Six jours entre Israël et ses voisins arabes marqua un tournant, une rupture dans l’histoire du MRAP. L’URSS de Brejnev qui soutenait Nasser et les pays arabes rompit ses relations avec Israël. Les organisations proches du Parti Communiste, dont le MRAP, suivirent encouragés par les discours du président de Gaulle dont le fameux « les Juifs, un peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur… ».

L’antisémitisme a disparu, il est fondu dans l’antiracisme

En 1989, le MRAP change de nom. Il garde son sigle mais cesse de signifier Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et pour la paix pour devenir le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples. L’antisémitisme a disparu, il est fondu dans l’antiracisme. Et quand Mouloud Aounit est élu président du MRAP, le combat antiraciste mute pour devenir celui contre l’islamophobie et pour la délégitimation de l’État d’Israël :

« L’antisémitisme ne figure pas, en France, parmi les plus visibles des discriminations raciales. Ce sont la colonisation et la guerre d’Algérie qui laissent les traces les plus lourdes : Algériens, Maghrébins sont les premières victimes, devant les Africains5 ».

Proche de Tariq Ramadan et des Frères Musulmans de l’Union des organisations islamiques de France, Mouloud Aounit amplifie la dérive du combat antiraciste vers le communautarisme. Il entraîne le MRAP dans une action contre Robert Redeker qui était menacé de mort pour un article hostile à l’islamisme. Sous sa présidence, le MRAP s’affirme avec l’UOIF en faveur du port du voile à l’école et du rétablissement du délit de blasphème6. Il participe à la marche des Indigènes de la République. Il s’est porté partie civile avec le CCIF et la LICRA contre Georges Bensoussan, accusé d’islamophobie puis relaxé. « Les liaisons dangereuses du MRAP », un article du Nouvel Observateur de 2004 et un rapport de NGO Monitor de 2008 décrivent en détail cette dérive7.

Avec beaucoup d’autres, Albert Memmi qui en était une figure phare a démissionné du comité de parrainage du Mrap :

« J’ai collaboré avec le Mrap durant des décennies, je me sépare de lui avec tristesse à cause de ses actuelles dérives ; l’antiracisme et la tolérance ne doivent pas amener à la complaisance, sinon à la complicité avec des mouvements et des personnalités rétrogrades et xénophobes ».

Mouloud Aounit fut débarqué en 2008 de la présidence du MRAP, mais il fut nommé en 2011 président d’honneur.

Cependant l’attitude du MRAP vis-à-vis d’Israël n’a pas évolué. Le MRAP s’affiche toujours avec BDS pour le boycott commercial, scientifique et culturel d’Israël. Soutien du rapport d’Amnesty International condamnant Israël pour un prétendu « apartheid », le MRAP va plus loin, il ajoute une position mensongère, clairement antisémite :

« Les non-juifs d’Israël (palestiniens ou non) vivent sous les lois de l’État d’Israël, dont ils sont citoyens discriminés ; pour eux on peut parler d’apartheid comme pour l’Afrique du Sud8 ».

Pour le prétendre il faut ne pas connaître Israël et les Israéliens et être complètement guidé par ses a priori.

Depuis l’entrisme des organisations communautaristes et islamistes et la présidence de Mouloud Aounit, les fondateurs du MRAP, issus de la résistance au nazisme, ont été trahis, leurs idéaux d’humanisme et de laïcité issus de la résistance ont été bafoués.

Malheureusement, le MRAP n’est pas un cas isolé. Bien des associations dites « humanitaires9 » ont été noyautées par des organisations politiques, communautaires et religieuses. Elles ont suivi la même pente descendante, elles ont perdu toute objectivité et toute crédibilité. KF

Klod Frydman, MABATIM.INFO


1 D’après des souvenirs personnels et le Maitron (dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et social).

2 Dont le peintre Marc Chagall, Albert Lévy

3 Wikipedia

4 Documents cités dans « Des signes de résurgence de l’antisémitisme dans la France de l’après-guerre (1945-1953) » par Anne Grynberg – Les Cahiers de la Shoah 2001/1 (no 5), pages 171 à 223.

5 L’Humanité, jeudi 6 septembre 2001.

6 Le 13 janvier 2005 sur France 3 – l’Express

7 NGO Monitor : Les liaisons dangereuses du MRAP

8 MRAP : Critiquer la politique d’Israël est un droit

9 On peut citer Amnesty International, La Ligue des droits de l’Homme, Oxfam, CDH, etc.

3 commentaires

  1. Une fois de plus, rien n’est sûr, sinon la haine du Juif et de son État-nation. Aucune gloire à cela, mais il est salutaire de toujours l’avoir à l’esprit.

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