Lettre ouverte à Alain Finkielkraut qui prétend que « Le problème d’Israël c’est Netanyahou et non le Hamas »

Par Pierre Lurçat
[29 avril 2024]

Cher Alain Finkielkraut,

En lisant votre récente interview au Figarovox, j’ai eu la même réaction que celle de ma grand-mère (qui parlait la même langue que la vôtre), lorsqu’elle apprenait une nouvelle attristante : « Oï a Broch ! ». Hélas, nos grands-mères respectives ne sont plus de ce monde, pas plus que nos parents, et je me plais à penser que vos propos concernant Israël seraient mieux informés et plus sages, si vous aviez écouté les conseils de vos parents, étant enfant. Car nous savons bien que les mauvaises fréquentations mènent inéluctablement aux mauvaises idées et aux mauvaises actions.

Or, à force d’inviter dans votre émission « Répliques » des personnages aussi peu fréquentables que Jean-Pierre Filiu (dont le blog hébergé par Le Monde déverse chaque semaine son venin contre Israël) ou Alain Gresh (qui fut jadis journaliste au Monde diplomatique et ami personnel de Tariq Ramadan, célèbre prédateur sexuel et prédicateur proche des Frères musulmans), vous finissez par penser (presque) comme eux… (Ce qui ne veut évidemment pas dire que vous êtes comme eux).

Ainsi, lorsque vous écrivez que

« Netanyahou est le problème parce qu’il bloque toutes les issues, ferme toutes les portes, sabote consciencieusement toutes les solutions. Alors même que Tsahal plaide pour le retour de l’autorité palestinienne à Gaza, le premier ministre israélien s’y refuse obstinément. Pourquoi ? Parce qu’il perdrait aussitôt le soutien des extrémistes de son gouvernement »,

vous n’énoncez pas seulement un truisme du prêt-à-penser occidental actuel concernant Israël, mais vous confortez aussi les lecteurs du FigaroVox dans les opinions les plus détestables concernant notre pays.

Et lorsque, poursuivant sur votre lancée, vous affirmez :

« Un dirigeant, comme son nom l’indique, donne une direction, or Netanyahoune dirige Israël vers rien de discernable. L’homme qui, le soir de l’attaque iranienne, s’est courageusement réfugié dans la maison ultra sécurisée d’un ami milliardaire, ne gouverne plus pour ce qu’il croit être le bien d’Israël, mais pour la survie de sa majorité… »,

vous ajoutez l’insulte à la calomnie. Car voyez-vous, cher Alain Finkielkraut, en matière de courage physique, Benjamin Netanyahou n’a de leçon à recevoir de personne, y compris de vous. (Vous n’avez même pas eu celui de venir nous rendre visite au lendemain du 7 octobre, contrairement à votre camarade de l’ENS, Bernard-Henri Lévy, qui est venu immédiatement pour affirmer sa solidarité, sans attendre, comme vous, d’être invité par l’Institut français).

Notre Premier ministre, auquel vous faites reproche de s’être réfugié dans une « maison ultra sécurisée », a maintes fois fait preuve de son courage dans sa vie, depuis l’époque de la Sayeret Matkal1 où il a servi comme ses deux frères, et jusqu’à ces dernières années, lui et sa famille subissant des attaques quotidiennes de la part de ces manifestants de Kaplan dont vous semblez partager la détestation totalement irrationnelle à son encontre.

Si vous lisiez moins l’édition anglaise du Ha’aretz ou Le Monde, vous sauriez qu’il est très malvenu de lui faire ce reproche.

Votre fascination pour la gauche israélienne et pour ce que vous vous obstinez à appeler le « camp de la paix » (comme s’il y avait en Israël un « camp de la guerre »…) a quelque chose de presque religieux, à l’instar de la fascination que vous avez récemment avoué ressentir pour la « proposition chrétienne ».

Vos propos sont d’autant moins excusables que vous revenez d’un séjour en Israël, où vous n’avez pas seulement rencontré ceux qui pensent comme vous (ce qui est toujours agréable). Comme ce collègue de l’université de Tel Aviv qui vous a confié cette « perle » (puisque vous êtes devenu sur le tard pêcheur de perles) :

« Le problème d’Israël ce n’est pas le Hamas,
c’est Netanyahou »,

ou comme ces manifestants de Kaplan, qui ont pu vous expliquer tout le mal qu’ils pensent de notre Premier ministre. Non, vous avez aussi rencontré, comme me l’a confié un participant à ce déjeuner, un petit groupe d’Israéliens francophones de droite, qui auraient pu vous faire changer d’avis, si votre esprit n’était pas aussi fermé que la coquille d’une huître perlière…

Lors de cette rencontre privée à Raanana, vous avez même déclaré à un des participants que vous regrettiez de ne pas être venu à Jérusalem (l’Institut français vous ayant invité à Tel-Aviv et à Haïfa). Hélas, trois fois hélas ! Si vous aviez fait montre d’un peu plus de curiosité, au lieu de vous en tenir au programme fixé par les contraintes géopolitiques (et pétrolières, comme disait Golda Meir) du quai d’Orsay – qui ne reconnaît pas la souveraineté israélienne sur notre capitale, comme chacun sait – vous auriez pu venir visiter notre capitale et rencontrer, là encore, des gens qui pensent autrement.

Vous auriez même pu venir au Mur occidental, pour y verser quelques larmes sur l’état de la société française et sur le délitement de la langue de Molière que vous déplorez à juste titre.

Sans abuser de la patience de mes lecteurs, je ne résiste pas au plaisir masochiste de citer une dernière « perle » de votre interview au Figaro :

« En s’alliant avec les partis fanatiques d’Itamar Ben-Gvir et de Bezalel Smotrich, Benyamin Nétanyahou a commis une faute impardonnable. Il est, à ce titre et à quelques autres, le pire premier ministre de l’histoire d’Israël ».

C’est votre cuistrerie et votre prétention qui sont, cher Alain Finkielkraut, impardonnables, pour quelqu’un qui fait profession d’être intellectuel.

Le titre de « pire Premier ministre » de l’État d’Israël est certes disputé par plusieurs candidats, dont celui qu’apprécient vos amis de Kaplan, Yaïr Lapid, auquel il appartient sans doute, ou peut-être à un des deux Ehoud, Olmert ou Barak, mais certainement pas à Benjamin Nétanyahou.

Et si ce titre devait être décerné un jour, ce n’est certainement pas à vous, qui ne connaissez presque rien de notre pays, qu’il appartiendra de le faire. Retournez donc à vos moutons et à vos perles, cher Alain, et laissez à ceux qui vivent en Israël et qui courent le risque de cette « noble aventure » dont parlait Lévinas, le soin de choisir leurs dirigeants et leur avenir. PL

Pierre Lurçat, MABATIM.INFO


Lire aussi :
Lettre ouverte à Alain Finkielkraut et à quelques autres Juifs fascinés par l’Église, Pierre Lurçat [14 novembre 2022]

1 Unité d’élite de Tsahal (NDLR)


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11 commentaires

  1. Bravo pour cet article.
    Le Premier ministre, évidemment élu démocratiquement comme tous les autres en Israël, et qui a eu jusqu’à présent le plus longtemps la responsabilité de la survie d’Israël, même plus longtemps que David Ben Gourion, c’est incontestablement Benjamin Netanyahou en dépit de toutes les calomnies que les « services » des Etats-Unis et de l’Union européenne tentent de répandre pour éliminer ce frère cadet du héros d’Entebbe tué à la tête de ses soldats. Par tous les moyens on tente de lui faire endosser un habit d’extrémiste, de chef d’un gouvernement « d’extrême droite », alors que sous sa direction depuis si longtemps et sous celle de quelques autres la stratégie de l’Etat d’Israël semble se réduire à « Messieurs les terroristes génocidaires, tirez les premiers ». Tandis que tous ces « services » complétés par l’ONU, l’UNRWA et si possible la CPI tentent d’achever cette stratégie par « Messieurs les Israéliens, surtout ne tirez pas ».
    Face à cette incroyable coalition pour faire disparaître le seul Etat juif de cette planète, il est absolument vital pour ses habitants, dont Finkielkraut, Attali et d’autres ne font heureusement pas partie, de réfléchir dès maintenant à l’avenir lointain de cet Etat en espérant qu’il n’est pas trop tard.
    Israël est un tout petit point lumineux presque invisible sur la mappemonde, au milieu d’un océan de barbares qui n’ont jamais cessé de vouloir l’engloutir et qui y arriveront un jour si nous ne changeons pas de fond en comble notre stratégie après cette guerre déclenchée par le Hamas et même avant qu’elle ne se termine car elle sera peut-être très longue.
    Il n’y a peut-être pas de pays plus dissemblables qu’Israël et la défunte Union soviétique. Bien sûr, l’un est vivant, l’autre ne l’est plus. L’un est une démocratie, l’autre pas. L’un peut être traversé à pied d’ouest en est à hauteur de Netanya en une après-midi, l’autre était l’Etat le plus étendu du monde, de Kaliningrad (ex-Königsberg) au détroit de Bering. L’Union soviétique connaissait un antisémitisme d’Etat quand elle n’avait pas besoin de ses Juifs et était devenue ennemie d’Israël dès que l’Etat juif à peine né ne lui était plus d’aucune utilité pour affaiblir l’empire britannique. Donc un Etat soviétique très peu sympathique mais l’Occident qui s’opposait à lui pendant la « guerre froide » vaut-il tellement mieux aujourd’hui ?
    Simhat Torah du 7 octobre 2023, ce n’est pas du tout Yom Kippour d’octobre 1973, mais à l’échelle de notre tout petit pays c’est pleinement le 22 juin 1941 toutes proportions gardées, l’attaque surprise perpétrée par Hitler, l’opération Barbarossa qui marque le début de la Shoah. Le pays à l’époque le plus étendu du monde et notre Etat minuscule ont en commun d’avoir été envahis par les pires barbares portés par cette planète. Au fil des années 1949 et suivantes, l’Union soviétique s’est dotée de ce qu’il lui fallait afin que personne ne s’avise de recommencer Barbarossa. Pour survivre, il faut chez nous qu’au sud, au nord, à l’est et même à l’ouest nous soyons parfaitement équipés et enfin crédibles, ce qui rend absolument vitales des politiques radicalement nouvelles.   

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  2. Finkielkraut  est consternant, décevant, inconscient des dégâts qu’il provoque.

    Quel gâchis. A oublier.

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  3. évidemment pierre lurcat a mille fois raison et les autres aussi.
    et Finkielkraut s’est déshonoré et discrédité auprès d’une grande partie des personnes qui soutiennent Israël et qui savent très bien ce que représentent Sinwar et Abbas , en proférant des monstruosités et des comparaisons folles sans compter le mal qu’il a fait tout comme Attali dont certains ont pu se demander si ce dernier n’avait pas un problème cognitif.la question pourrait même se poser pour Finkielkraut et autres Anne Sinclair ,Pierre Nora et Dominique schnapper sortes de has been de la gauche socialiste actuellement en pleine dégénérescence.
    Un grand mal a été commis par Finkielkraut et ce n’est pas la première fois hélas .
    il suffit de voir ce qui a été dit hier par pascal praud sur cnews reprenant et approuvant les outrances grotesques et scandaleuses contre Benjamin Netanyahou et citant le même Abominable Attali.
    Gilles William Goldnadel n’a pas été très brillant sur ce coup rappelant qu’il était critique vis à vis de Netanyahou depuis avant le 7 octobre et signalant quand même dans son style inimitable mais un peu obscur que les déclarations d’Attali étaient bien loin de refléter l’opinion dominante chez les juifs de France.
    cependant , mais j’ai peut être tort , je pense que Pierre aurait pu être plus fort dans sa réplique en rappelant d’une part les accomplissements économiques et diplomatiques de Netanyahou , sa résistance et sa pugnacité (hélas insuffisante mais on est dans le domaine de l’impossible)contre ceux qui veulent réduire Israël à une marionnette américaine Obama Et Biden Blinken en tête(Bindken pourrait on dire) , et d’autre part la médiocrité insondable et les échecs calamiteux de ses adversaires cités par Pierre , « du camps de la paix ».
    d’autres peut être pourront s’exprimer de manière plus exhaustive sur ce déplorable papier de AF .
    Question: qu’est ce que c’est que cette histoire d’abri privé hyper sécurisé ?
    je n’ai lu çà nulle part .

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  4. Excellent article. Tous ceux qui disent que le problème, c’est Netanyahu et pas le Hamas ne doivent plus pouvoir entrer en Israël et s’ils y sont déjà, doivent si possible légalement, en être expulsés.

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  5. Merci Pierre pour cet excellent article qui remet les pendules à l’heure de la décence ! Quand on sait qu’ Israël joue aujourd’hui sa survie, dire que « le problème d’Israël, ce n’est pas le Hamas, c’est Netanyahou », c’est être aveuglé par la haine idéologique et traiter avec une insoutenable « légèreté » le pogrom exécuté dans l’euphorie, contre la population israélienne par ce même Hamas. Et plus encore, c’est un encouragement pour lui à recommencer!

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  6. tous ceux qui critiaue et condamné le gouvernement israélien ne sont pas des vrais démocrates , puisque ce gouvernement a été élu par le peuple pour le peuple et pas que pour les élites bien pensantes

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    • L’institut français de Tel Aviv dépendant du Ministère des Affaires Étrangères à invité l’Ac cademicien français juif Alain Finkelkraut à Tel Aviv pour faire valider le formatage de la bien pensance politique française à l’égard du gouvernement Natanyahou. Le narratif de Finkelktaut dans le figarovox commence à faire date puisqu’il est même omis le qualificatif de messianistes à l’ endroit de Smotrich et Ben Gvir. Il fallait impérativement éviter à l’instar de Sciences Po une manifestation pro palestinienne devant le quai de Conti. Pierre Lurcat, avocat israélien de Jérusalem en adressant une lettre ouverte à Alain Finkelkraut académicien juif français à Paris pose la problématique de l’opposition du vécu juif en Israël toutes tendances confondues au ressenti juif de galout toutes tendances confondues aussi bien religieuses que laïques. Cette opposition est abyssale. Cette catégorie d’intellectuels juifs français s’autoreproduit dans cette béance. Autre personnage de cette typologie Jacques Attali

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  7. bravo Pierre , effectivement Finkielkraut ne connait decidement pas Israel.
    je me suis permis une courte reponse dans tribune juive en lui suggerant de traverser ici l hayarkon et la bas le periph ……
    ce qui lui permettrai de decouvrir des mondes inconnus , loin des bobos de kaplan ou des decadents de la sorbonne .

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