
Mars 2014
Par le Rabbin Arié Toledano
C’est à douze ans révolus que la jeune fille accède à sa majorité religieuse, alors que le jeune garçon ne l’atteindra qu’à l’âge de treize ans. Les motifs de cette précocité ont été discutés dans les écrits de nos grands Décisionnaires. Le Tossfot haroch (Talmud Nidda 45b) dit que cette différence entre l’homme et la femme se justifie par une maturité intellectuelle plus précoce chez la femme, comme l’affirme le Talmud : « cela vient nous apprendre que D-ieu a donné à la femme une force d’intuition plus importante que celle de l’homme ». Cette maturité intellectuelle serait même une conséquence du développement physique, lui aussi plus précoce chez la femme. Maïmonide dans son commentaire sur la Michna (Nidda ch.5/6) dit que cette différence est due à une espérance de vie moins grande chez la femme que chez l’homme.
Il est à noter également que, selon la Torah, la femme a des obligations qui diffèrent en certains points de celles de l’homme. Outre les commandements réservés aux femmes du fait de leur condition de femmes (par exemple ceux liés à la maternité), la différence consiste en ce qu’elle est dispensée des commandements qui ont une durée d’application limitée, en hébreu : mitsvot âssé chehazman guérama.
On comprendra, dès lors, que si à l’occasion de la majorité religieuse, l’homme se distingue de la femme par des devoirs différents, la célébration se devait de faire ressortir la singularité de chacun.
UNE CÉRÉMONIE DEVENUE NÉCESSAIRE
Jusqu’à une période récente, la Bat Mitzva[1] était tout simplement passée sous silence. Et même si la Bar Mitzva[2] elle-même ne répond à une aucune obligation écrite dans les Textes, l’usage l’a consacrée comme un passage obligatoire pour chaque garçon, revêtant selon les lieux et le goût des parents, des formes de festivités parfois très pompeuses. La Bat-Mitzva n’a pas de modalités précises, du fait simplement de son introduction récente – et légitime – dans le rituel de la vie juive. Dans l’ensemble des milieux juifs pratiquants ou traditionalistes, pourtant, on tient à la marquer de manière plus ou moins visible, selon le degré de pratique des parents. Il est vrai que fêter la Bat-Mitzva semble aujourd’hui s’imposer, au vu de l’évolution – positive – qu’a connu le statut social de la femme. Citons ici un texte écrit par la Rav Weinberg, décisionnaire de renom du siècle dernier dans son livre Seridé Ech (t.3, ch.93) [rapporté en français dans ”Et tu marcheras dans ses voies” du Grand-Rabbin Michel Gugenheim] : « … Il nous incombe de concentrer toutes nos forces dans l’éducation de nos filles. Et combien est-il douloureux de constater qu’en ce qui concerne l’enseignement général, les langues, la littérature profane, les sciences et les lettres, on se soucie autant des filles que des garçons ; tandis que pour l’instruction religieuse, l’étude des textes bibliques et de morale rabbinique, et l’initiation à la pratique des Mitsvot[3], on fait preuve de la plus totale négligence ! »
Il serait intéressant de consulter les sources, notamment de Maîtres contemporains, pour essayer d’élaborer la formule la plus raisonnable pour cette célébration, devenue une nécessité. Il est en effet indispensable de marquer la conscience de la jeune fille que cet anniversaire constitue un début d’une vie faite d’obligations religieuses de la plus haute importance.
LE LIEU DE LA CÉRÉMONIE
La célébration de la Bar-Mitzva s’articule autour de la prestation à la Synagogue du jeune garçon. Il manifeste ce jour-là sa qualité d’adulte à travers des gestes et des rites réservés aux adultes : il fait fonction d’officiant, il monte à la Torah en lisant au Sefer[4] le passage auquel il a été appelé, il porte les Téfilines[5]. Il s’adresse à l’assemblée en faisant un commentaire de la Paracha[6] qu’il vient de lire.
Cet aspect des choses ne convient pas à la cérémonie de Bat-Mitzva. D’une part, la fille ne monte pas au Sefer, ne porte pas les Téfilines ni le Tallith[7]. De plus, la séparation entre hommes et femmes dans le lieu de prière est une règle des plus anciennes dans notre tradition. La Michna Soucca (ch.5,michna 2) fait déjà référence à cette règle, en affirmant que les réjouissances de Soukot[8] dans le Temple de Jérusalem ne pouvaient commencer qu’une fois que l’on a aménagé un endroit réservé aux femmes. Pour toutes ces raisons, la célébration à la Synagogue ne semble pas convenir.
Ce qui paraît être le plus approprié, c’est une cérémonie dans le cadre familial ou dans la salle communautaire dans laquelle la jeune fille prononce un discours. Ce discours doit être l’occasion d’exprimer la joie d’être soumise aux Mitsvoth, en rappelant les principes de la foi juive, l’exemple des Matriarches et les principaux commandements, notamment ceux qui sont spécifiques aux femmes. Le rappel des principes de la foi est important car selon nos Sages, la foi dont font preuve les femmes est supérieure à celle des hommes. La lecture d’un Psaume chantant la louange et la grandeur de D-ieu serait également bienvenue.
La jeune Bat-Mitzva sera ensuite félicitée par les parents, et par l’une des personnalités communautaires présentes. La cérémonie sera clôturée par une réception offerte en son honneur. Du fait que l’on aura prononcé des paroles de Torah, cette réception aura le statut de séoudat mitzva (repas pris en l’honneur d’une Mitzva).
Il est également recommandé à la jeune Bat-Mitzva de porter un vêtement neuf et de prononcer la bénédiction chéhéhiyanou (louange à D-ieu qui nous a permis d’arriver à cet instant), en pensant en même temps à son accession à la majorité religieuse (selon Kaf Hahaïm et Ben Ich Haï). Il est également recommandé de consacrer ce jour-là un moment plus important à l’étude des Textes de la Torah, notamment de Halakha et de pensée juive (Kaf Hahaïm).
Sources : « Et tu marcheras dans ses voies », G.R. Gugenheim,Paris 2006 ; « Halikhot Bat Israel » ,Jérusalem 1984.