Par Liliane Messika
Le 19 février 2018, 111 lycéennes nigérianes ont été kidnappées par la secte islamiste Boko Haram, qui en avait déjà enlevé 276, âgées de 12 à 17 ans, en 2014. Certaines victimes de ce premier rapt, avaient réussi à s’enfuir, une centaine a été libérée entre octobre 2016 et mai 2017, d’autres ont été reconnues sur des marchés aux esclaves. D’une centaine d’autres encore, on est sans nouvelle à ce jour.
A l’époque du premier enlèvement, Michèle Obama, Hillary Clinton, Jessica Alba et d’autres, dont Christiane Taubira, avaient posté sur les réseaux sociaux des selfies avec une pancarte à la main sur laquelle on pouvait lire « Bring back our girls ».
Cette phrase, que n’importe quel élève de 5ème saurait traduire par « Ramenez-nous nos filles » a été unanimement reprise dans la presse française avec une traduction altérée : « Libérez nos filles ».
Sans se lancer dans du pilpoul grammairien, il convient au moins de remarquer la nuance : la version originale demande à des tiers (l’armée nigériane ? l’armée américaine ?) de leur ramener leurs filles, les Français préfèrent faire appel au bon vouloir des ravisseurs.
Cette attitude est aussi celle observée vis-à-vis du terrorisme : sauf pendant la parenthèse Obama, les Américains privilégient généralement l’action. A l’inverse, les Français n’ont de réaction qu’inactive : ils demandent poliment aux criminels de bien vouloir renoncer à leurs projets génocidaires.
Jusqu’à présent, les rares succès ont été le fait d’actions militaires, pas de circonvolutions courtoises.
Le rapt des lycéennes éclipsé par l’audace vestimentaire des stars
On ne peut pas reprocher aux comédiennes venues toutes de noir vêtues à la cérémonie des Golden Globes, le 7 janvier dernier, de n’avoir pas mentionné les lycéennes nigérianes : celles qui sont en esclavage depuis trois ans sont de l’histoire ancienne et les autres étaient encore tranquillement en classe.
Non, comme l’explique le Figaro, « les actrices et acteurs invités à la 75e cérémonie des Golden Globes portaient tous du noir pour soutenir les victimes de harcèlement sexuel. Un tapis rouge inédit, symbole d’unité, de solidarité et de pouvoir. »
On ne rigole pas avec le conformisme, quand l’apparence est fonds de commerce
Que c’est beau, ces gens habillés par Givenchy, Dior, Versace etc., qui font par ce choix-là un acte politique audacieux !
La preuve par l’absurde (ou par le ridicule ?), c’est la visible exception, sur le dos d’une étrangère, il est vrai.
Meher Tatna, est présidente de l’Association des journalistes étrangers d’Hollywood. Avant qu’aucune remarque n’ait eu le temps d’être formulée, la vice-présidente en charge de la programmation sur CNN s’est précipitée à son secours.
Le rouge serait-il devenu le nouveau noir pendant la nuit ? Non, c’est encore plus subtil : dans le pays de Madame Tatna, l’Inde, la mort s’accompagne en rouge. Il est clair (!) que pour lutter contre le harcèlement sexuel, rien de moins que la couleur du deuil ne sied.
Les Césars et les Baftas ont été attribués APRÈS l’enlèvement
Les lycéennes nigérianes n’ont pas pesé sur la cérémonie des Césars en France et sur celle des Bafta au Royaume Uni, qui ont suivi le même protocole convenu que leur sœur d’outre-Atlantique.
Les robes françaises étaient agrémentées d’un discret nœud blanc qui leur avait été remis par la Fondation des Femmes, quelques heures avant la cérémonie.
Pour les plus de trente ans, cela rappelait un autre ruban, rouge celui-là, dans les années Sida.
Juste pour mémoire, ce ne sont pas les nœuds en satin qui sont venus à bout de la maladie, mais les scientifiques.
Et il est symptomatique que le César du meilleur film ait justement été attribué à un long métrage retraçant l’histoire d’Act-Up. Les trophées du cinéma récompensent de moins en moins les histoires et le talent, et de plus en plus les déclarations politiques.
Les acteurs font de la politique,
les politiques font du spectacle
Dans le monde d’apparence et de simultanéité qui est le nôtre, seules les représentations et les simplifications passent pour des actes et des mots.
L’internaute et le téléspectateur se lassent au bout de quatre secondes, aussi les hommes politiques (dont les femmes, quelle que soit la couleur de leur robe) doivent, non seulement capter leur attention, mais leur faire entendre leur différence dans ce laps de temps.
Plus la situation est compliquée (et les relations internationales sont tout sauf limpides et transparentes) et plus le raccourci et l’approximation faussent leur appréhension.
Les acteurs croient faire un acte politique fort en s’habillant d’uniformes siglés. Les hommes/femmes politiques font leur show en distillant des petits mots d’humour concoctés par leurs nègres. Euh, quand on parle d’un blanc qui écrit à la place du signataire, « nègre » c’est politiquement correct, non ?
Quid de LA politique ?
Les perspectives de débats dans la Cité vont du n’importe quoi au presque rien.
Il est douteux que les déclarations politiques puissent intégrer toute la complexité nécessaire, même si les tweets passent de 140 à 280 caractères.
C’est ce qui fait maintenant office d’analyses géopolitiques approfondies. Vive le progrès !
Malgré cette extension du domaine de l’expression, le contraste est toujours inexplicable entre la vigueur des luttes anti-mâles blancs dans le show-business et la tiédeur des manifestations pour la liberté des femmes dont l’existence est réellement limitée, entravée, voire détruite par des islamistes qu’on aimerait voir dénoncés comme porcs plutôt qu’ignorés par nos belles âmes.
Il est beau de pouvoir porter du Givenchy pour marquer le traumatisme engendré par une main aux fesses, voire un échange « tu me fais une pipe — je te donne le rôle ». Heureusement pour nous, dans nos sociétés occidentales, cette pratique relève du domaine judiciaire.
Mais pensons à celles qui sont excisées, mariées à huit ans, vendues sur les marchés et à qui des sectes toute puissantes interdisent l’éducation, sans parler du choix de leur propre vie.
Celles qui pensent aux vraies victimes sont peu médiatisées
Jeudi 8 mars 2018, pour la journée de la femme, l’IAAT (International Alliance Against Terrorism), dont le MPCT (Mouvement pour la Paix Contre le Terrorisme) est le fer de lance, voulait que la Marche des Femmes mette en avant le soutien aux Iraniennes. En France, on fait semblant de croire que le voile est « libérateur », mais les Iraniennes, qui n’ont pas le choix, risquent la prison et des coups de bâton lorsqu’elles enlèvent le leur dans un endroit public.
Combien de courageuses Iraniennes rêvent de travailler tout court et court vêtues si elles le désirent ! Loin, très loin des projecteurs et des caméras, elles tremblent devant la Police de Répression du Vice et de Protection de la Vertu !
Marcher pour les victimes du terrorisme, au profit d’une vedette du terrorisme ?
Le militantisme n’échappe pas à l’amour des apparences dont la France est le leader mondial. La lutte contre les mâles blancs, c’est bien, celle contre les féminicides, c’est islamophobe, donc c’est mal.
De surcroît, nous nous sommes fait une spécialité de la génuflexion devant des icônes gonflables, qui se flétrissent avec une rapidité proportionnelle à l’enthousiasme qu’elles ont d’abord suscité : Léonarda, la future Marie Curie révélée vraie cancre arrogante et profiteuse, Clément Méric, l’anti-fa violent tué par d’aussi fascistes que lui, mais porteurs d’un logo différent, Théo la victime innocente de flics barbares et violeurs rattrapé par ses mensonges et ses arnaques aux associations caritatives… et aujourd’hui, Ahed Tamimi.
C’est celle que les médias appellent avec gourmandise « l’Icône des Palestiniens » qui risque de kidnapper la marche prévue pour soutenir les victimes réelles de ses complices islamo-fascistes.

Véritable icône, à l’image d’un public amateur de faux-semblants
Celle qui emballe les médias depuis quelques mois a accompli des hauts faits, à la mesure de ses admirateurs : poussée par son père, membre d’un des clans les plus puissants de Cisjordanie, elle essaye depuis l’enfance de se faire donner la fessée par les soldats israéliens devant des armées de photographes ameutés pour ses opérations de relations publiques.
Hélas, des médias distraits ont montré les séquences précédant les images d’Épinal destinées à la presse. On y voit une furie adolescente qui provoque, qui insulte, qui frappe des jeunes appelé(e)s de son âge, lesquels et lesquelles l’évitent, lui tournent le dos et refusent en permanence de lui donner les coups qu’elle recherche.
Heureusement, ces images ne sont pas diffusées par les médias bien-pensants qui séduisent un public ne voyant que ce qu’il veut croire.
On a les héros qu’on mérite
Ceux pour qui une gamine qui tire la langue à des soldats trop bien entraînés pour céder à ses provocations, représente le nec plus ultra de la résistance, ne sont pas regardants sur le sens des mots, du moment qu’ils peuvent jouir du choc des photos. C’est pourquoi les militantes qui voulaient soutenir le combat réel des Iraniennes seront peut-être absentes de la « marche blanche » séquestrée par les admiratrices de la résistante d’opérette.
En effet, le MCPT, mouvement pour la paix et contre Tous les terrorismes peut difficilement défiler à côté de la Capjpo-Europalestine, qui rassemble des mouvements soutenant le terrorisme !
Suspense, suspension de la pensée
A l’heure où ces lignes sont écrites, on ne sait pas encore si la marche du 8 mars 2018 sera une manifestation de soutien aux femmes voilées de force en Iran ou bien un spectacle de rue pour soutenir ceux et celles qui veulent voiler les Palestiniennes.
Craignons que le mauvais choix soit le bon, qui transformerait une belle initiative en un de ces « shows où la vacuité intellectuelle le dispute au conformisme sous prétexte de compassion et d’ouverture d’esprit* ». LM♦
* J’ai emprunté cette jolie et exacte formule à Bernard de La Villardière