Par Michel Bruley*
Nous appelons HISTOIRE, la connaissance que nous avons du passé humain. L’histoire est une science qui suit le cycle « données, informations, connaissances », c’est quelque chose que l’on construit. L’Histoire n’est jamais totalement objective, même si elle cherche par diverses méthodes, à tendre vers le plus d’objectivité possible. L’histoire n’a pas de sens, ne signifie rien, elle est le résultat de la juxtaposition de forces sur de multiples terrains (politiques, techniques, économiques, sociaux …), où finalement ce qui se dégage, aucun homme ne l’a voulu, même si ponctuellement certains atteignent leurs buts.
Histoire, manipulations, déconstruction…
Depuis toujours, les hommes au pouvoir font écrire une histoire qui les valorise, qui sert leurs desseins politiques, et les historiens qui cherchent à être objectifs nous éclairent sur ces manipulations. L’histoire est aussi déconstruite pour des raisons idéologiques, c’est une approche à visée totalitaire que les communistes ont beaucoup utilisée. L’histoire évolue également dans un sens plus positif, grâce à de nouvelles possibilités scientifiques (méthodes de datation, ADN, lidar, base de données mondialement partagée…).
Au-delà de l’histoire maîtrisée par les chercheurs et les spécialistes, il y a celle connue par le grand public via l’enseignement qu’il a suivi, ou par exemple la lecture et le cinéma. Cependant, compte tenu des avancées scientifiques et des actions manipulatrices anciennes, récentes ou en cours, il est facile d’être perdu.
Les Eurasiens par exemple ont récemment gagné un ancêtre, Neandertal, qui leur a légué 2 à 4% de leur ADN, alors qui il y a encore quelque temps, il leur était présenté comme une brute épaisse dont on contestait l’humanité. Sur un autre plan, relisant mes manuels d’histoire, je n’y ai pas trouvé mention que les Romains quand ils ont conquis la Gaule, ont fait 1 million de morts et 1 million d’esclaves sur une population de 10 millions de Gaulois. Par contre, les Goths, Ostrogoths, Vandales et autres germains de tout temps présentés comme des envahisseurs, sont aujourd’hui décrits principalement comme des migrants ayant profité des crises et de l’anarchie du monde romain en décadence (cf. Exposition « Quoi de neuf au moyen âge » Cité des Sciences et de l’Industrie – Paris 2016).
Remise en cause de figures historiques
En même temps, de grandes figures historiques sont partout remises en cause, en France par exemple, Colbert est visé pour avoir réglementé l’esclavage à une époque où tous les pays le pratiquaient. On demande aussi aux Français de faire repentance pour les activités de traite qui se sont déroulées du XVe au XIXe. Cependant, il est intéressant de noter que les revendicateurs les plus virulents ne s’en prennent pas à leurs coreligionnaires, qui ont pratiqué cette même traite à grande échelle pendant 13 siècles. Sur ce sujet, certains organes représentatifs de communautés font allégrement deux poids, deux mesures, et par exemple se sont bien gardés de commenter le fait que récemment, l’UNICEF estimait à deux cent mille les enfants actuellement retenus en esclavage en Afrique centrale et occidentale.

Ratatouilles mémorielles
Depuis le XVIe siècle, plus de 600 « Histoires de France » ont été publiées. Avec les minorités qui accèdent plus facilement à la parole, bouleversant de ce fait les discours académiques, avec les nouvelles tendances aux récits « postnationaux ou transnationaux », qui veulent dépasser les « replis identitaires ou communautaires », les ratatouilles mémorielles se multiplient. Des récits historiques politisés alimentent les conflits de mémoire, qui font les choux gras de la presse en général, et des acteurs de la désinformation ou des professionnels des contre-vérités en particulier.
S’affranchir du « prêt à penser »
Tout cela est aussi exaspéré dans notre société de l’information avec internet, lieu sans foi ni loi, où les plus grands acteurs de ce monde virtuel renâclent à tout contrôle pour préserver leurs activités, leurs bénéfices à court terme, au détriment des démocraties. Le projet de loi en France contre les « fake news » qui vise à protéger la vie démocratique de « fausses nouvelles» en «période électorale» va dans le bon sens.
À voir le contenu cependant ! Pour ce qui concerne le récit historique, cela relève de l’enseignement, au lieu de n’apprendre que des dates et de mettre en avant des moments ou des figures historiques, on ferait probablement mieux d’expliquer aussi, à un moment des études, comment les historiens travaillent et écrivent l’histoire. Il faudrait également s’initier à l’art du doute et s’entraîner à s’affranchir du prêt à penser. MB♦
* Cadre supérieur du privé