Vox Populi, Vox Dei

zeus jupiterVox populi, vox dei ? Pas tout à fait : quand l’Autre[1], grimé sous le masque d’un Jupiter, se prend les pieds dans le tapis, la raison n’est plus raison et le politique tisse de travers. De travers de quoi ? De ce qui lui échappe du réel incertain. Si incertain, ce réel, qu’à faire de sa brisure en mille marchés un petit tas de rêves, on s’en débarrasserait au profit de tous. De tous-en-même, pourrait-on dire. En effet, dans l’idéal, toute brisure de l’Autre, ce trésor fantasmé du pouvoir, autoriserait la distribution la plus égalitaire des biens et des personnes par abolition de toutes différences y compris sexuelles.

Alors, évidemment, le psychanalyste devenu aussi incongru qu’un rhinocéros dans une supérette, n’a plus grand-chose à faire dans ce tournant, sinon, à sa manière, le prendre lui aussi de travers, c.-à-d., en rétablir l’envers. Un vieux sage l’avait compris bien avant Hannah Arendt :

« …lorsque les pères s’habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent pas compte de leur parole, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne reconnaissent plus au-dessus d’eux l’autorité de rien ni de personne, alors c’est là en toute beauté et en toute jeunesse le début de la tyrannie… »
Platon (La République[2])

Ce qui aujourd’hui prend le visage morcelé d’une collectivité rassemblée sous un même gilet en fait, à l’insu des participants, « le réceptacle du pathologique » selon l’expression déjà ancienne de Marcel Gauchet. Et Charles Melman d’enfoncer le clou —on ne peut plus d’actualité— par la remarque que le « privilège accordé à l’imaginaire peut (le) conduire, en collectivité, au précipice ». Dans une interview accordée à Jean-Claude Hazera pour les Échos en 2003, il qualifiait déjà ce précipice de « fascisme volontaire », (…) « à la recherche d’une autorité qui les soulagerait de l’angoisse ». Et aujourd’hui : « Macron a-t-il cette autorité ? C’est la question des spécialistes. Ils oublient qu’en démocratie celle-ci est le produit d’un pacte symbolique et que l’évolution de la philosophie, des mœurs, de la médecine et de la famille s’est employée à détruire de sorte qu’il ne reste pour représenter l’autorité qu’une police fatiguée et une justice incertaine » (Charles Melman, ALI 16/12/2018).

Ce qui se manifeste « pacifiquement » aujourd’hui comme une faille, par laquelle jaillit la plus grande violence, peut être comparé à un processus d’implosion du désir. Implosion en réaction au bris de l’Autre qui faisait Loi. Implosion pulsionnelle libérée du fait de la mise à l’épreuve du principe de réalité devenu virtuel sous le règne imposé du numérique.

Dans cette conjoncture, on assiste à une prolifération de droits avec leurs métastases réglementaires, qui vont de la pénalisation de la fessée à la reconnaissance de la PMA pour toutes et bientôt de la GPA.

La tyrannie s’avance sous le masque du Bien avec la bénédiction de l’Homo Tweetus.

Ce qui ne se produisit pas après Mai 68, malgré l’avertissement donné par Lacan « Ce à quoi vous aspirez comme révolutionnaires, c’est à un maître. Vous l’aurez. », risque de se produire demain.

On notera que les gilets jaunes ne semblent pas avoir intégré dans leurs déplorations le coût exorbitant de l’accueil des migrants, pas plus que les causes de la désertification des campagnes et les aberrations « écologiques » d’implantations d’éoliennes destructrices de nos paysages.

La terreur à laquelle on tourne le dos est déjà présente et ce n’est pas sur les ronds-points que l’on compte le plus de morts. Elle s’appelle islamisme et sa guerre nous mettrait pour de vrai, riches ou pauvres, en coupe réglée.

« On peut aisément pardonner à l’enfant qui a peur de l’obscurité. La vraie tragédie de la vie, c’est lorsque les hommes ont peur de la lumière » (Platon encore). Vive la République. MN♦

Marc Nacht, mabatim.info
Psychanalyste, écrivain

[1] J’emprunte le concept d’Autre, de grand Autre, à J. Lacan. Il s’agit ici du lieu de reconnaissance symbolique auquel s’adresse le sujet. Le livre d’E. Macron, Révolution (Novembre 2016) est la trace de cette reconnaissance et de son verbe pour ceux qui ont suivi son auteur.
rose-jaune marc nacht[2] À situer dans son contexte : Pour Platon la tyrannie qui est le dernier et le pire des régimes politique succède à l’autodestruction de la démocratie. La citation provient de la traduction de Georges Leroux, Platon, La République, Flammarion, 2002.

4 commentaires

  1. Excellent, Marc Nacht.
    Dont le résumé en guise d’avertissement par Lacan : « Ce à quoi vous aspirez comme révolutionnaires, c’est à un maître. Vous l’aurez. »

    Comment ne pas l’appliquer à notre quotidien actuel, et y voir l’essence même de la jaunisse et de ses versants politiques, dont la mouvance se prétendant « insoumise » ;
    alors qu’à sa tête se trouve un lider minimo, Castro de poche, Chavez low-cost, énervé excité, le copain de Sophia, qui, entouré de révolutionnaires en herbe, aurait voulu être maître pour soumettre les « insoumis »… et les autres.

    Comment ne pas l’apparenter à ma modeste diatribe contre-révolutionnaire de décembre sur ces mêmes colonnes intitulées « De La Jaunisse » ?

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  2. La statue de MoÏse par Michel-Ange portant des cornes provient d’une erreur de traduction sans doute de la vulgate. le texte dit que Moïse portait un Keren c’est à dire qu’un rayon de lumière sortait de on
    front

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