Donc d’après un article du 17 janvier dans ces mêmes colonnes intitulé « L’ère de la post-vérité et l’air de la calomnie », le (« Nouvel ») OBS est pis que pendre.
Peut-être bien. MAIS :
- Est-il le seul ?
- Est-il le pire ?
- Quelle est son importance relative actuelle dans son contexte, à savoir celui des médias « d’opinion », diffusant informations et argumentaires d’ordre politique et/ou idéologique ?
La réponse à la dernière question étant AUCUNE, les deux premières en deviennent sans objet.
CAR…
A l’échelle planétaire et depuis plusieurs années la « presse de papa » genre OBS (ainsi que Le Monde, Le Figaro, le New York Times…Presque tous…), sur support papier certes mais aussi sur écran, est en voie rapide d’obsolescence ; les principaux vecteurs d’informations et de débat étant désormais, et cela ne fera que croitre, les réseaux (a)sociaux inféodés aux GAFA.
Pour le meilleur mais hélas surtout pour le pire.
Notamment le duopole numérique : Google et Facebook (et leurs alliés, comme Whatsapp pour Facebook et Twitter pour Google).
Le duopole en tant que média est, de loin, la plus immense, la plus performante machine à bourrer les crânes de tous les temps. Le « Big Brother is watching you » de ce cher Orwell est bien au-dessous de la vérité : Le Frère n’a plus besoin de nous observer puisqu’il inocule les idées directement dans nos cerveaux.
Cela est dû certes à l’ubiquité du duopole, conséquence, entre autres, du talent de leurs techno-stratèges, la puissance de leurs algorithmes et l’intelligence artificielle permettant à la machine de s’améliorer spontanément tel un Golem qui apprend tout seul à surpasser son maître.
Mais surtout à leur capacité de nous connaitre, des milliards d’individus fichés personnellement, mieux que nous-même, grâce aux infos collectées à chaque accès, chaque clic, chaque parole prononcée à portée d’écoute d’un smartphone. J’abrège ; mais ce n’est hélas nullement exagéré. C’est la première fois qu’un fournisseur d’infos en collecte bien plus qu’il n’en diffuse.
Leurs finances sont certes supérieures à celles de nombreux Etats ; mais leur principal pouvoir se trouve ailleurs ; il est dans l’intime connaissance dont ils disposent de chacun de nous.
Et impossible désormais de se leurrer que ces infos, permettant de nous cibler individuellement, ne sont vendues qu’à des fins de publicité mercantile.
Les interventions (russes, nous dit-on) dans la campagne électorale présidentielle US de 2016 (et pourquoi pas ailleurs ?…Et ici ?…) moyennant les réseaux (a)sociaux et l’affaire Cambridge Analytica démontrent que le suffrage « démocratique » peut désormais être dévié par qui peut se payer des armées de trolls virtuels.
Notons que la radicalisation expresse du mouvement des Gilets Jaunes, passant, en un clin d’œil, de la revendication pécuniaire (prix du carburant) à l’insurrection politique (« Macron démission », RIC et batailles de rue), n’a pas germé autour des ronds-points mais sur Facebook et ses semblables, fomentée par des meneurs dont ces réseaux sont le vivier naturel. Notons qu’elle n’est pas pour déplaire aux archi-poutiniens RT (« Russia Today ») et Sputnik. Coïncidence ?
Notons aussi que l’alimentation réciproque entre diffusion et récolte d’informations tend, mécaniquement, à favoriser la radicalisation des opinions. Il est en effet plus difficile pour le duopole de connaitre/servir/cibler/exploiter une personne « modérée », prompte à hésiter voire changer d’avis, alternant opinions et préférences divergentes, qu’une personne aux idées et goûts bien arrêtés. Cette dernière est plus facilement logeable dans les petites boites préfabriquées aux étiquettes pré-imprimées dans lesquelles le duopole voudrait nous enfermer pour mieux nous connaitre/servir/cibler/exploiter….
Il s’agit donc de formater l’esprit du citoyen-consommateur, individu par individu. D’où la préférence du duopole pour des messages simples et des idées simplistes charriés par les torrents de boue des réseaux (a)sociaux. D’où les fake news, la disparition du débat civilisé, les identités qui remplace les idées, la tribu qui remplace l’opinion, une radicalité croissante que nul ne peut désormais ignorer.
Et le (« nouvel ») OBS dans tout ça ?
Négligeable. Invisible dans le contexte… KS♦
Kalman Schnur, mabatim.info