Nécessité de réunification du Hamas et de l’Autorité palestinienne

Palestine drapeau.jpgDe Elhanan Miller, Regthink.org, 04/03/2019 (Forum de Réflexion Régionale)

La scission entre le Fatah et Hamas est la raison principale de la crise politique palestinienne, qui paralyse le système parlementaire et empêche toute avance notable face à Israël. Cette dernière, pour sa part, encourage la scission et pas seulement à cause des impératifs sécuritaires.

Contexte

La signature par Yasser Arafat et Itzhak Rabin du premier accord en septembre 1993, fut un tournant dans l’histoire nationale palestinienne. Pour la première fois le dirigeant du Mouvement de libération de la Palestine reconnait Israël et donne son accord à la réconciliation, qui devait emmener la Palestine à une partielle indépendance, sur moins du quart de la Palestine historique.

Les accord d’Oslo, constituèrent un coup au moral du jeune Hamas, créé cinq ans auparavant (1988), et qui dans sa charte refusait toute réconciliation territoriale en Palestine :

« La terre sainte de la Palestine est islamique pour toutes les générations, jusqu’au jour du jugement dernier ». Donc selon Hamas, « Arafat abandonna la lutte armée contre Israël, pour la défense de la Terre de la Palestine, par conséquent le djihad (la guerre sainte) contre les juifs en Palestine, est une obligation pour chaque musulman ».

Cependant, suite aux Accords d’Oslo, le Hamas évita une confrontation directe avec l’OLP, car pragmatiquement, il estimait qu’il ne représentait pas la majorité de la population palestinienne. Toutefois, le Hamas a soutenu l’établissement d’un État palestinien sur une partie de la Palestine, première étape vers la libération du pays. Gaza aurait du rester sous le contrôle international temporaire, jusqu’à une élection, et à condition, que les dirigeants palestiniens n’aient pas reconnu Israël. Cheikh Ahmed Yassin, le chef spirituel du Hamas, n’a pas exclu la possibilité de négociations entre les représentants palestiniens élus et Israël, après le retrait israélien préalable (et non négocié pour préparer un retrait, comme le préconisait l’OLP). Contrairement aux Frères musulmans en Égypte et en Syrie, qui ont attaqué le régime laïc et prétendant qu’il représente la « Jahiliyya » la période d’ignorance préislamique). Le Hamas, pour sa part, a mené un débat de fond en s’abstenant de dénigrer l’OLP

D’importantes concessions, lors des accords d’Oslo (d’un point de vue palestinien) ont accru le prestige du Hamas dans la rue palestinienne. En particulier auprès des populations pauvres et réfugiées. Les organisations caritatives du Hamas ont acquis une importance particulière. Au contraire de Yasser Arafat, le régime corrompu (selon Hamas) qui a prospéré au sein de l’Autorité palestinienne et qui a abandonné ses engagements envers les habitants. « Dans ce cas les institutions du Hamas sont devenues une alternative privilégiée au gouvernement du Fatah », a écrit le journaliste et chercheur Shlomi Eldar.

À la fin des années 90, Muhammad Dahlan, le chef de l’appareil de renseignement dans la bande de Gaza, a essayé de limiter la violence du Hamas en incorporant ses membres dans les organes de l’Autorité palestinienne. Cependant, les israéliens se sont opposés à cette approche et ont exigé qu’Arafat élimine le Hamas. Ainsi, avec les encouragements d’Israël et le mécontentement de Mahmoud Abbas, le Hamas était perçu comme un mouvement d’opposition extrapolitique, préconisant le terrorisme comme moyen d’action unique.

Un autre changement a eu lieu en janvier 2006, lorsque le Hamas a participé aux élections générales tenues par l’Autorité palestinienne et où le Fatah a été battu à plate couture. Le Hamas a remporté 74 des 132 sièges du Conseil législatif palestinien, contre 45 seulement pour le Fatah. Après les élections, le Premier ministre Ahmed Qureia (Abu Alaa) a démissionné et a été remplacé par Ismail Haniyeh, haut responsable du Hamas. Haniyeh a formé un gouvernement auquel le Fatah a refusé de participer.

Le Hamas à l’ombre des soulèvements du printemps arabe

Le gouvernement d’Ehud Olmert impose immédiatement des sanctions au Hamas et à l’Autorité palestinienne. Peu après, Olmert annonce une limitation des mouvements de membres du Hamas, de Gaza vers la « Cisjordanie ». En plus, Israël gèle le transfert des recettes fiscales perçues pour l’Autorité palestinienne, tant qu’il n’était pas convaincu, que ces fonds n’aboutissaient pas à des éléments terroristes. Israël a été soutenue internationalement, en particulier par les États-Unis, qui avaient refusé de reconnaître le Hamas, tant qu’il n’acceptait pas les conditions du Quartet pour le processus de paix, à savoir, reconnaissance d’Israël, renonciation à la lutte armée et respect des accords d’Oslo et de la Feuille de route du président George W. Bush.

L’attitude d’Israël à l’égard du Hamas se dégradera dramatiquement suite à l’enlèvement du soldat Guilad Shalit, à la frontière de Gaza en juin 2006. Le gouvernement Olmert avait refusé de négocier la libération de Shalit et avait lancé une opération militaire terrestre et aérienne. Les bombardements intermittents se sont poursuivis pendant cinq mois, tuant cinq Israéliens et 394 Palestiniens. En « Cisjordanie », Israël a arrêté des dizaines de membres du Hamas, dont 20 députés et huit ministres.

Malgré l’intensification d’affrontements entre le Fatah et le Hamas dans la bande de Gaza en février 2007, les parties signent l’accord de La Mecque, dans le but de contrer les sanctions internationales contre le gouvernement du Hamas. Le Premier ministre Haniyeh démissionne et dissout son gouvernement. Malgré cela, le président Abbas le nomme à la tête d’un nouveau gouvernement d’unité palestinienne. Ce gouvernement a été de courte durée. En juillet 2007, le Hamas reprend la bande de Gaza et expulse les membres du Fatah dans une bataille sanglante. Depuis, malgré de nombreuse tentatives de réconciliation sous l’égide de l’Égypte et du Qatar, la scission entre les mouvements rivaux, fait perdurer la crise palestinienne. Elle paralyse le système parlementaire palestinien et empêche tout progrès politique sérieux face à Israël.

Les raisons du succès du Hamas à Gaza sont dues à plusieurs facteurs

Premièrement, sur une population de 1,9 million d’habitants, 1,4 sont enregistrés en tant que réfugiés auprès de l’agence de l’ONU, l’UNRWA. Il s’agit d’une population très pauvre comparativement à la population palestinienne de « Cisjordanie », et son sentiment d’appartenance à la bande de Gaza est flou. La dépendance totale à l’égard de l’aide internationale et le manque de possibilités d’emploi, ainsi que les fausses promesses de l’autorité palestinienne de résoudre son problème par la réalisation du droit au retour, ont augmenté le sentiment d’amertume et de colère à l’égard de l’Autorité, dans l’une des zones les plus densément peuplées du monde.

Deuxièmement, suite aux attentats terroristes, perpétrés en Israël début 1996, l’oppression et l’humiliation du Hamas par l’appareil sécuritaire palestinien, dirigés par Muhammad Dahlan, ainsi que l’injustice des forces de l’Autorité palestinienne à Gaza, ont contribué à donner au Hamas, une image d’« opprimé ». Arafat a changé d’attitude vis-à-vis du Hamas non seulement à cause des fortes pressions israéliennes, mais également à cause d’informations que le Hamas préparait un coup d’État. Après la grave attaque contre le Centre Dizengoff le 4 mars 1996, Arafat fait arrêter, à Gaza, de hauts responsables du Hamas : Mahmoud a-Zahar, Abd al-Aziz Rantisi et Said Siyam, ainsi que le « père » de la fusée Qassam, Adnan al-Ghoul.

Shlomi Eldar écrit:

Les caves du quartier général de la sécurité préventive à Gaza, les cellules de la prison de Gaza qui était autrefois une prison israélienne et la prison de Jénine à Naplouse étaient pleines. De mes propres yeux, j’ai vu les cellules pleines de personnes âgées, lorsque je suis arrivé à la prison de Gaza pour faire un reportage. Des militaires du Hamas, ainsi que du Jihad islamique, ont été détenus dans les caves de Dahlan, tandis que les dirigeants politiques dans les caves de la Sécurité générale, commandés par le neveu détesté du Raïs, Musa Arafat. Arafat et son neveu et de hauts responsables des services de sécurité ne craignaient pas l’opinion publique palestinienne. Dans une démarche humiliante et inhabituelle, le neveu d’Arafat avait rasé la barbe du Dr. Mahmoud a-Zahar et d’Ahmed Bahar. Raser la barbe d’un musulman dévot, est un péché impardonnable. Ahmed Bahar n’a jamais oublié le rasage humiliant et attendait l’occasion de se venger un jour.

En ce qui concerne l’Autorité palestinienne, elle a une l’image de corrompue. Dans une enquête d’Amnesty International (la branche palestinienne de Transparency International) en 2017, les citoyens palestiniens ont classé le problème de la corruption au deuxième rang des problèmes les plus graves de l’Autorité palestinienne, juste après l’« occupation israélienne ». Le sondage montre que 77% des sondés considèrent les institutions de l’AP comme des organisations corrompues. 50% considèrent l’Autorité comme un fardeau, alors que seulement 44% le considèrent comme un atout. 73% pensent que la situation actuelle est pire qu’avant les accords d’Oslo.

Hamas – de l’opposition au pouvoir-Israël encourage la division des Palestiniens

Par les accords d’Oslo, Israël a reconnu la « Cisjordanie » et la bande de Gaza comme une unité territoriale unique, dans laquelle les palestiniens étaient censés disposer du droit à l’autodétermination. En 2002, la Cour suprême, de neuf juges, a statué sur le principe, que le transfert de civils de la « Cisjordanie » vers Gaza, n’était pas une déportation, mais une « assignation à résidence dans ce territoire administré ». Cependant, un « passage sûr » de la bande de Gaza à la « Cisjordanie », établi par les accords d’Oslo, ne fonctionnera qu’un an, d’octobre 1999 jusqu’à la deuxième intifada, en octobre 2000. Cette année-là, Israël avait gelé l’émigration entre Gaza et la « Cisjordanie ». En 2011, Israël avait permis à 5 000 Palestiniens d’émigrer depuis Gaza vers la « Cisjordanie ». Ainsi, la séparation de facto d’Israël des palestiniens, a précédé de sept ans le putsch du Hamas, dans la bande de Gaza.

La séparation entre la bande de Gaza et Israël est devenue une réalité physique lors de la construction de la clôture périphérique autour de la bande de Gaza, débutée en 1994 et achevée en 2005. En 2005, Israël s’est retiré unilatéralement de la bande de Gaza, annulant ainsi « de jure », les obligations juridiques imposées à une puissance occupante. Cependant, après la prise de contrôle de Gaza par le Hamas en 2007, Israël a imposé des restrictions sur ce territoire. Il a fermé le passage de Karni et interdit l’exportation de marchandises de la bande de Gaza, parallèlement, elle limitait les importations ainsi que les quantités de carburant et de produits alimentaires autorisées. Le passage de civils entre Gaza et la rive ouest était limités aux seuls « cas humanitaires exceptionnels ». À la suite de l’opération « Pilier de défense » (2014), Israël a autorisé la commercialisation limitée de produits en provenance de Gaza sur la rive occidentale et en Israël. En revanche, les visites familiales et les autorisations de prière à la mosquée El Aqsa ont été étendues.

Depuis 2010, Israël a défini sa politique comme « politique de différenciation ». A la lumière de l’accession au pouvoir du Hamas, le Coordonnateur des activités gouvernementales dans les territoires a publié en 2010, un document indiquant que « En 2006, il a été décidé de définir une politique de différenciation entre la « Cisjordanie et la bande de Gaza. ». Quelques mois auparavant, le coordinateur des activités gouvernementales, Eitan Dangot, déclarait au Comité Turkel, qu’une « différentiation entre Gaza et la Judée-Samarie (rive occidentale) était un concept de sécurité très important ». Selon des informations communiquées par l’armée aux organisations de défense des droits de l’homme, entre 2011 et 2014, 58 demandes de Palestiniens de la rive occidentale de s’installer dans la bande de Gaza ont été approuvées, sous réserve de la signature d’un engagement dans lequel les demandeurs déclarent savoir qu’ils ne pourront jamais retourner sur la rive occidentale.

La politique de différentiation a été plébiscitée par des politiciens israéliens de droite. Avigdor Lieberman, en mars 2012 a déclaré que « dans le domaine diplomatique, les tirs en cours [de la bande de Gaza] empêchent toute possibilité de continuité territoriale entre Gaza et la Judée-Samarie … Tant que le Hamas contrôlera la bande de Gaza, il n’y aura aucune chance que nous autorisions un passage sûr » et les Palestiniens ont décrété une séparation qui, à l’heure actuelle, semble devoir se poursuivre pendant des générations ».

Même selon le « plan d’assouplissement » de Naphtali Bennett, « Gaza et la « Cisjordanie » seront coupés l’une de l’autre, afin de ne pas » introduire les problèmes de Gaza dans une « Cisjordanie » paisible . Contrairement à la bande de Gaza, qui est bloquée hermétiquement par Israël, Bennett promet une « continuité du transport » de sorte qu’ on puisse traverser ce territoire du nord au sud et d’ouest à l’est sans voir un seul point de contrôle de l’armée israélienne ».

Il est donc clair que la « politique de différenciation » est loin d’être purement sécuritaire. Elle sert d’outil aux politiciens de droite, pour empêcher l’unification des territoires palestiniens sous un leadership unifié. Une telle union, bien connue des hommes politiques, conduirait inévitablement à une demande internationale à Israël de reprendre les négociations en vue d’une solution à deux États.

Le public palestinien demande une réunification, les dirigeants refusent

Le public palestinien est bien conscient que la scission politique entre le Fatah et le Hamas, ainsi qu’entre la bande de Gaza et la rive occidentale, portent un grave préjudice pour atteindre les objectifs politiques. Au cours de la dernière décennie, des milliers de Palestiniens ont réclamé l’unification des deux factions rivales. Selon une enquête réalisée par Khalil Shikaki en décembre 2018, les deux tiers de la population palestinienne sont mécontents du fonctionnement du gouvernement de technocrates du premier ministre de l’Autorité palestinienne, et un nombre similaire de sondés se disent pessimistes face au succès des efforts de réconciliation entre le Fatah et le Hamas.

Bien que Mahmoud Abbas soit attentif à la rue palestinienne, il semble avoir abandonné le désir de réunification avec le Hamas. Ces dernières années, il s’est efforcé d’écraser le régime du Hamas dans la bande de Gaza, par tous les moyens (limités) à sa disposition. Bien que le président palestinien ait rendu une visite aux Américains, leur décision, en décembre 2018, de déclarer le Hamas organisation terroriste n’empêchait pas le raïs palestinien d’affirmer, que « le mouvement du Hamas fait partie de notre peuple et que je (Abbas) n’accepte pas d’être accusé de terrorisme ». Sur le terrain, par contre, il faisait en sorte de saper l’autorité du Hamas. Après avoir cessé de financer le transfert de patients de la bande de Gaza vers la « Cisjordanie », Makhmud Abbas a arrêté de verser les salaires aux fonctionnaires de l’Autorité palestinienne résidents à Gaza.Il a refusé de payer les factures d’électricité de Gaza. Ensuite, en janvier 2019, en guise de défi au Hamas, il a licencié le personnel de l’Autorité palestinienne stationné au terminal gazaoui de Rafah. Le confident d’Abbas, Azzam al-Ahmad, haut responsable du Fatah, a également menacé de cesser tous les services administratifs aux habitants de Gaza et déclarer officiellement la bande de Gaza « territoire rebelle ».

Conclusion

Lors de sa campagne électorale de 2009, le chef de l’opposition d’alors Benjamin Netanyahu, avait promis « de faire tomber le régime terroriste du Hamas ». Mais depuis qu’il avait remporté les élections, Netanyahu s’est abstenu de le faire. Récemment il approuvé le transfert de millions de dollars du Qatar vers la bande de Gaza. La « politique de différentiation », formulée pour la première fois en tant que plan de sécurité, a été remise à jour, dans les plans de la coalition de Netanyahu.

« L’armée israélienne est capable écraser le Hamas, à condition d’en recevoir l’ordre de la part de l’échelon politique », a admis Ariel Kahane, correspondant politique d’Israël Hayom, mais la question que se posent les échelons politiques et militaires israéliens est : « quel pouvoir le ‘’jour d’après ‘’ » […] Ni L’Autorité palestinienne ni le Fatah ne reviendront jamais au pouvoir de Gaza, « sur les baïonnettes de l’armée de défense d’Israël » (…) A ce stade, le retour de l’Autorité palestinienne dans la bande de Gaza est un scénario imaginaire.

La vérité est que la possibilité évoquée par le journaliste d’Israël Hayom, n’a pas été sérieusement examinée publiquement. Netanyahu n’a jamais exprimé son désir de voir le retour de l’Autorité palestinienne à Gaza et les dirigeants de l’Autorité palestinienne à Ramallah n’ont jamais demandé (publiquement) de revenir dans la bande de Gaza. Tous les signes indiquent que l’Autorité sera d’accord. « Netanyahu finance le Hamas, (allusion aux dollars du Qatar) et nous en payons le prix », s’est plaint Mahmoud Abbas dans un discours prononcé devant la direction de l’OLP à Ramallah.

Si le gouvernement israélien est intéressé par la reprise des négociations avec une direction pragmatique de la « Cisjordanie » et de la bande de Gaza, il est fort possible qu’il trouve un partenaire à Ramallah. Dans un tel cas, si les Palestiniens ne s’unissent pas (comme le leur demande Israël), la responsabilité de l’échec sera transférée d’Israël aux palestiniens. Cependant, pour le moment, il semble que Netanyahu ne considère pas la reprise du processus de paix comme une chance, mais comme un danger. En tout cas, pour le moment, s’il gagne les élections, il s’abstiendra de toute tentative de faire avancer « le processus de paix ». EG♦

Edouard GrisTraduit et adapté pour MABATIM par Edouard Gris, mabatim.info

2 commentaires

  1. Que ces deux groupes d assassins continuent a s assassiner en coeur me fera le plus grand plaisir , on ne peux esperer aucune paix de nababs qui vivent et engraissent grace a la guerre

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