Christine Angot s’excuse et regrette d’avoir dit : « à force de vouloir indifférencier les uns et les autres ça conduit à l’indifférence de ce qu’a vécu un groupe de personnes ou une personne en particulier ». Elle a comparé la Shoah et l’esclavage, ce qui a fait beaucoup réagir sur les réseaux sociaux et fait l’objet de 900 signalements au CSA. Christine Angot est dénoncée par le Parti des Indigènes de la République et les organisations « décoloniales » pour, disent-ils, instrumentaliser la Shoah au service du colonialisme israélien, les menaces pleuvent, essentiellement antisémites. Ils associent la colonisation et l’esclavage. Pour eux, le seul esclavage criminel est la traite Transatlantique, le seul condamné par la loi française.
Pourtant, dans une certaine mesure, Mme Angot a raison. Il y a bien une concurrence des mémoires. Les traumatismes liés à la shoah et ceux de l’esclavage, sont tout aussi réels mais ils ne sont pas comparables.
La mémoire juive conserve depuis deux mille ans les persécutions et la volonté d’extermination qui menacent les Juifs : les croisades, l’inquisition, les pogroms, l’antisémitisme, la dhimmitude, Auschwitz, le négationnisme. Même devenus chrétiens, les marranes et conversos étaient pourchassés, torturés, exécutés.
Sous la shoah, l’espérance de vie n’existait pas pour les Juifs. Elle était de huit à quinze ans dans des conditions souvent inhumaines pour les esclaves.
L’esclavage était depuis toujours une pratique courante et banale dans les civilisations africaines. Les empires Ghanéen, Malien, Songhaï et Zoulou l’ont pratiqué. Esclavage des noirs provenant des populations soumises, mais aussi esclavage des blancs achetés à des trafiquants arabes.
L’esclavage est le plus grand déplacement forcé de population que l’humanité ait vécu. Les esclaves étaient capturés par des Africains et vendus aux négriers européens et arabes.
La traite n’aurait jamais pu avoir lieu sans l’aide des Africains eux-mêmes. « L’Islam a ouvert le marché, l’Europe l’a suivi, l’Afrique a été victime et complice » a écrit Engelbert Mveng dans son Histoire du Cameroun.
Le système triangulaire exportait les esclaves d’Afrique vers l’Amérique et importait le sucre, l’or et le tabac. Les esclaves étaient transportés dans les bateaux négriers, entassés dans la cale, dans des conditions qui n’avaient rien à envier aux wagons plombés des nazis. Le voyage durait deux à trois mois. Beaucoup mourraient de faim, de soif, de maladies. Il y avait de nombreux suicides. Arrivés à destination, ils étaient vendus comme du bétail. Ce qui les attendait, c’était le travail forcé avec le racisme, les humiliations, les violences physiques et morales, les chaînes, les tortures, les mutilations.
Au fur et à mesure de la conquête vers l’ouest par l’Islam, les besoins en esclaves ont augmenté. Les razzias et les achats aux trafiquants ne suffisaient plus. Alors les arabes se sont tournés vers l’Afrique et l’Europe. Les caravanes qui apportaient des dattes et des figues, du sucre, du sel, des chevaux et des produits manufacturés sur les marchés africains rapportaient de l’or, de l’ivoire, de l’ébène et des esclaves. Ceux-ci venaient des côtes méditerranéennes et des pays slaves d’où l’origine du mot.
La traite organisée par les Tatars de Crimée via l’Empire Ottoman a duré jusqu’à la fin du 18ème siècle. Si la traite arabo-musulmane est moins connue c’est qu’elle n’a jamais été dénoncée, ni même fait l’objet de recherches historiques sérieuses au sein du monde musulman. La coutume dans le monde arabe a longtemps été de castrer les esclaves masculins provoquant une très forte mortalité et évitant une descendance des esclaves, témoigne l’historien Tidiane N’Diaye dans Le Génocide voilé.
De toute façon le monde islamique ne peut condamner une pratique que tolère le Coran.
Combien de victimes ?
Quand il est question d’esclavage aujourd’hui on pense uniquement au commerce triangulaire entre l’Afrique, l’Europe et l’Amérique. Cette traite négrière est la seule reconnue comme crime contre l’humanité par la loi Taubira du 21 mai 2001.
Mais Olivier Grenouilleau, historien de l’esclavage estime à 42 millions le total des victimes pour les trois traites négrières :
- la traite intra-africaine: 14 millions de personnes, dont une partie revendue à des Européens ou des Arabes ;
- la traite atlantique, par lesEuropéens : 11 à 13 millions de personnes, dont l’essentiel à partir de la fin du XVIIe siècle ;
- la traite orientale, à destination du monde arabo-musulman : 17 millions de personnes.
Par ailleurs le nombre des Européens déportés par les Tatars vers l’Afrique du Nord et l’Orient s’élèverait à 5 millions et 1,2 millions par les barbaresques enlevés sur les côtes de la Méditerranée d’après Alexandre Skirda et Robert C. Davis, Esclaves chrétiens, maîtres musulmans et l’esclavage blanc en Méditerranée.
Les derniers pays à avoir officiellement aboli l’esclavage sont l’Arabie Saoudite en 1968 et la Mauritanie en 1980 mais il y reste encore 10.000 esclaves. On trouve au Liban par exemple des bonnes africaines ouvertement à vendre.
Adam Smith (1723-1790) est considéré comme le père de l’économie moderne. Son ouvrage « Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations », texte fondateur de la théorie du libéralisme économique, défend l’idée d’un libre échange des marchandises entre des acteurs libres. On sortait à cette époque d’une économie basée sur l’agriculture pour entrer dans l’ère industrielle. Au-delà des innovations techniques telle la machine à vapeur, la « révolution industrielle » qui se développait dans la métallurgie, le textile et les mines imposait le travail en usine, la mécanisation, la division du travail, la productivité et avec eux la misère ouvrière.
Comparant le travail des esclaves à celui des ouvriers, Smith défendra les théories abolitionnistes en s’appuyant sur une réflexion économique. Il constate que l’esclavage supprime toute motivation tandis que le travail des hommes libres développe le zèle et l’intelligence et accroît la productivité. Puis il compare les coûts respectifs. L’esclave a un prix d’achat, un coût d’entretien, des risques pour la santé et la sécurité, le tout à la charge du propriétaire, l’homme libre n’a qu’un salaire, le plus bas possible, et de plus il paie des impôts. Arguant que les coûts de la main d’œuvre servile sont supérieurs à ceux de la main d’œuvre salariée, Smith sera un des principaux acteurs de l’abolitionnisme en démontrant que la suppression de l’esclavage profitera à l’ensemble de l’économie, y compris aux colons eux-mêmes. Il n’est pas question de déménager Schœlcher du Panthéon, mais l’influence des libéraux comme Smith, Mirabeau et Tocqueville a eu plus d’effet dans le monde sur le processus d’abolition de l’esclavage que les grandes idées humanistes.
Depuis le 10 décembre 1948, l’article 4 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme condamne l’esclavage. Il n’empêche qu’il subsiste encore sous de multiples formes. En mars 2012, le président de l’Assemblée Générale de l’ONU a encore appelé à lutter contre l’esclavage moderne : «Les formes contemporaines de l’esclavage et des pratiques assimilables à l’esclavage, a-t-il dit, ont émergé sous forme de racisme, de traite des êtres humains, d’exploitation sexuelle, de travail des enfants, de mariages forcés et de recrutement forcé d’enfants soldats ».
Malgré les progrès en matière de textes légaux ou de conventions internationales, les situations d’asservissement restent nombreuses dans le monde. L’Organisation des Nations Unies estime qu’il y aurait aujourd’hui 200 à 250 millions d’esclaves adultes à travers le monde auxquels s’ajouteraient 250 à 300 millions d’enfants de 5 à 14 ans au travail.
Si l’esclavage est incontestablement un crime contre l’humanité, il n’est en rien comparable avec la shoah. La shoah est un génocide, la population juive était en Europe de neuf millions et demi en 1933. En 1945, il en restait à peine plus de trois millions, la majorité des Juifs européens a perdu des membres de sa famille, souvent la totalité.
Si on veut comparer la traite transatlantique et la Shoah, on a d’un côté 12 millions de victimes en 300 ans, soit quarante mille par ans et de l’autre côté six millions de victimes en quatre ans soit un million et demi par an.
En dépit de l’esclavage, de la ségrégation, la démographie noire est exponentielle, elle devrait atteindre deux milliard et demi d’individus en 2050, le quart de la population humaine.
Pour la majorité de ceux qui s’en prennent à Christine Angot, à commencer par le négationniste Dieudonné, l’esclavage c’est uniquement la traite transatlantique, un prétexte qui permet d’incriminer indistinctement les Européens, les Américains et les blancs en général. Ils occultent systématiquement les traites intra-africaine et orientale qui ont fait beaucoup plus de victimes mais qui sont politiquement moins porteuses. Les victimes leur importent peu. Ce qui compte ce sont les coupables. Ils comparent l’esclavage au génocide, mais en occultant le génocide rwandais et le génocide namibien qui ne rentrent pas dans leur schéma.
En voulant dénoncer l’indifférenciation des crimes contre l’humanité qui mène à l’indifférence, Mme Angot a été politiquement maladroite. Elle a donné l’impression de minimiser l’esclavage. Elle a surtout eu tort de s’excuser d’avoir eu raison. KF♦
Klod Frydman, MABATIM.INFO
Ce n’est pas seulement « Haro sur Ango » !
Ces dernières décennies, c’est haro sur le juif quel qu’il soit !
Qu’ils soient gauchistes et donc presque antisémites, ou seulement de simples juifs, du citoyen anonyme aux élites médiatiques, le moindre mot est décortiqué de manière négative, afin d’avoir la satisfaction de lancer la meute en chasse, contre ce « sale » Juif.
Les africains et black, partout, sont devenus particulièrement haineux. Pourtant, les Juifs en général sont ceux qui ont lutté le plus pour leurs droits… Je m’étais toujours sentie solidaires d’eux, mais d’année en année, constatant leur haine injustifiée, je commence à les voir d’un autre regard, bien moins compassionnel.
On croirait assister au concours du peuple qui aura subi le plus grand malheur. En plus d’être absurde, cette attitude est totalement horrible et vaine… Sinon qu’elle produit des clivages là ou vraiment, nous pensions qu’il n’en existait pas… Mais nous n’étions pas dans la tête de ces haineux perpétuels.
Et maintenant s’il faut faire ces comparaisons macabres…On ne peut comparer un racisme qui a fait des victimes depuis des millénaires, avec une maltraitance aussi grave que l’esclavage qui a été ponctuelle et qui en plus a été perpétré également par les intéressés eux-mêmes.
Mais s’ils désirent un Oscar pour ce misérable concours… Donnons la leur ! Cela aura la valeur qu’ont les récompenses culturelles médiatiques de tous ordres, distribuées depuis des années par jugement démagogique et politique.
Nous savons ce que cela vaut !
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La différence n’est pas une question de quantité, mais de nature. Asservir pour des raisons économiques n’est en rien comparable à l’extermination pour des raisons raciales.
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