Principe de précaution et conditions générales de vente
Il arrive régulièrement qu’un fabricant « rappelle » une série de produits, dont il s’est rendu compte, après leur mise sur le marché, qu’ils présentent un défaut dangereux pour les consommateurs. Le 10 octobre 2019, par exemple, Marché U a rappelé un stock de steaks hachés soupçonnés d’être contaminés par la bactérie Escherichia Coli (BFMTV). Il s’est avéré, le jour même, qu’il s’agissait d’une fausse alerte. Mais en France on ne rigole pas avec le principe de précaution. En France, on ne rigole plus depuis longtemps, d’ailleurs. Sauf notre Président, qui joue facétieusement au marchand et qui nous prend sérieusement pour des cons.
Le jour même où Marché U a repris ses steaks, Emmanuel Macron, PDG du fabricant d’armes La France, troisième exportateur mondial, a demandé à certains de ses clients de ne pas utiliser les produits vendus par son entreprise avec certains gibiers.
Ces armes présentaient-elles un danger pour les consommateurs ? Bonne question, qui demande un examen de certains termes du contrat de vente. « Arme », nom féminin (Yesss !) : Instrument ou dispositif servant à tuer, blesser (une personne, un animal) ou réduire un ennemi (la Dépêche).
Pour ce produit particulier, il convient de préciser que le consommateur qui doit être protégé par la garantie est celui qui est du côté du manche et que si celui qui se trouve de l’autre côté ne subit aucun dommage, le consommateur peut se croire en droit d’attaquer son fournisseur… au tribunal de commerce.
Des morts garantis sur facture
Lorsqu’un outil ou un appareil électroménager est mal utilisé, la garantie du fabricant ne s’applique pas et le consommateur ne peut s’en prendre qu’à lui-même et en racheter un nouveau.
Il est des domaines où le contrôle de l’État ajoute une contrainte à la responsabilité du fabricant, notamment dans la santé : « Les dispositifs doivent être conçus et fabriqués de telle manière que, lorsqu’ils sont utilisés conformément à leur destination et dans les conditions prévues à cette fin, leur utilisation ne compromette pas l’état clinique et la sécurité des patients ni la sécurité et la santé des utilisateurs ou, le cas échéant, d’autres personnes… (Legifrance) »
Mais on n’a jamais vu un laboratoire pharmaceutique interdire à un patient de prendre le médicament prévu pour sa pathologie, prescrit par son médecin traitant et vendu par son pharmacien.
Dans le cadre d’armes achetées par un particulier en ligne, la garantie précise que « Conformément aux dispositions des garanties légales de conformité et des vices cachés (…), nous vous remboursons ou échangeons les produits apparemment défectueux ou ne correspondant pas à votre commande. (Meyson.fr) »
La conformité de l’arme implique qu’elle fonctionne, mais pas qu’elle tue ou blesse, pas plus que celle des gants de boxe ne garantit le K.O., le talent de l’utilisateur comptant pour beaucoup dans le résultat.
Perdu sens du ridicule. Si vous le trouvez, appelez 3615-Élysée
Notre Président a demandé à l’Arabie Saoudite et aux Émirats arabes unis de ne pas utiliser, dans le conflit au Yémen, les armements qui leur ont été vendus par la France. « Depuis que je suis élu, nous avons demandé des engagements clairs pour que les armements qui s’inscrivaient dans le cadre de notre coopération ne soient pas utilisés. »
Le conflit auquel se réfère Macron est celui qui oppose, depuis 2015, la république du Yémen, sunnite à 60 %, à ses 40 % de Houthis chiites, financés et armés par l’Iran. Ce conflit a déjà à son actif plus de 10.000 morts et 53.000 blessés, mais comme ce sont des Arabes tués ou blessés par des Arabes, ils ne font pas les gros titres de nos journaux, contrairement aux Palestiniens, chaque fois qu’un « accident du travail » fait exploser une bombe en pleine fabrication par un artificier et que l’on peut en accuser les Juifs. Autre conséquence du conflit, 3,4 millions de Yéménites ont fui leur foyer, mais on n’a pas non plus créé pour eux une agence spécifique de l’ONU et ils relèvent donc du HCR (Onu HCR). De ce fait, ils sont moins bien lotis que leurs « frères » qui essaient de détruire l’entité sioniste avec leurs petites bombinettes artisanales.
Realpolitik arabique
Si l’Arabie Saoudite et les EAU se sont lancés dans l’aide du gouvernement yéménite contre les rebelles, c’est par crainte de voir s’installer une tête de pont iranienne à leur frontière nord. « Les pétromonarchies saoudienne et émiratie disposent de moyens aériens et navals disproportionnés par rapport à la rébellion houthie, qui tire sporadiquement des missiles vers Ryad. (Ouest France) »
Mais leur coalition se contente d’utiliser son aviation pour bombarder, afin de limiter la perte de troupes au sol. C’est l’inverse de la méthode israélienne, qui préfère risquer la vie de ses propres soldats afin d’épargner celle des civils ennemis. Résultat, les forces gouvernementales yéménites, trop peu nombreuses, sont débordées et le pilonnage de l’ours saoudien est une aide insuffisante contre la vélocité des moustiques houthis. C’est la raison pour laquelle la coalition a changé son fusil d’épaule et a entrepris de reconquérir le principal port yéménite, celui de Hodeïda, où débarquent les deux tiers des importations et de l’aide humanitaire et qui fournit aux rebelles le nerf de la guerre, via les taxes sur les importations.
Vus de la fenêtre hexagonale, le Yémen, son casino, sa plage
Quand notre « diplomatie » présente le pays (Diplomatie.gouv), elle qualifie le régime de « république » et citant le Président de la République, Abd Rabbo Mansour Hadi, oublie de signaler que ladite république est un « régime autoritaire », occupant la 158e place sur les 167 étudiés par the Economist Group Unit (the Economist). Un autre oubli concerne le Président, qui est également Premier ministre, cumulant donc tous les pouvoirs, dont il use et abuse. C’est cohérent avec l’indice de développement humain annoncé par le site Diplomatie.gouv.fr, qui mentionne que le Yémen est classé 168e au PNUD, le programme des Nations unies pour le développement (chiffres 2015). Euh, 168e sur 193, ça ressemble plutôt à du sous-développement, non ?
C’est sûrement la raison de l’aide désintéressée proposée par notre pays à Sanaa. Le 31 janvier 2019, Médiapart mettait le doigt sur l’empressement français à vendre des armes et sur son embarras à l’admettre : « Depuis l’affaire Khashoggi, le gouvernement français paraît gêné dans ses déclarations publiques ; mais en coulisses, cela ne l’empêche pas de continuer à faire le forcing pour vendre au régime saoudien des armes susceptibles de servir dans la guerre au Yémen. (Mediapart) »
Le 10 février 2019, un intéressant article du même annonçait que l’armée française formait ses homologues saoudiens : « Les autorités françaises restent totalement mobilisées au côté du régime saoudien dans sa guerre au Yémen, malgré des efforts permanents pour dissimuler les conditions concrètes d’un soutien qui se manifeste au-delà des seules ventes d’armes (Mediapart). »
Quand les sphincters de l’ego lâchent
En mai 2019, au sommet européen de Sibiu, en Roumanie, Macron persistait et signait ses ventes d’armes : « L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis sont des alliés de la France. Et ce sont des alliés dans la lutte contre le terrorisme. Nous l’assumons totalement. Il y a un comité qui gère ces exports, sous l’autorité du Premier ministre, dans lequel les choses d’ailleurs ont été durcies ces dernières années, et où nous demandons la garantie que ces armes ne puissent pas être utilisées contre des civils. Elle a été obtenue. (BFMTV) »
Quelle garantie peut donner un gouvernement, lorsqu’il s’engage à ce que, dans un conflit essentiellement aérien, ses bombes ne touchent aucun civil ? Et s’il consent à donner cette assurance, quel crédit peut-on lui accorder ? La réponse est évidente et n’importe quel gamin de cour de récré est en mesure de l’énoncer : zéro !
La vacuité des rodomontades macroniennes n’a d’égale que celle des revendications surréalistes de la britannique Vivienne Westwood, la styliste la mieux payée au monde (58 millions d’euros de revenus en 2019). Lors de la présentation de sa dernière collection, au lieu de rappeler que les vêtements hors de prix qu’elle espère vendre en grand nombre visent une clientèle aux armoires déjà surabondamment remplies, elle a pris la parole pour exiger de « passer à une nouvelle économie, parce que la nôtre est en train de nous tuer. (le Figaro) » Elle a oublié de préciser quelle augmentation de son chiffre d’affaires elle visait avec cette stratégie de communication…
Emmanuel Macron ne manque pas d’air non plus : le 10 octobre 2019, cinq mois après avoir affirmé que les bombes vendues aux États du Golfe avaient promis de demander les cartes d’identité des cibles avant d’exploser, il enfonçait le clou de la mauvaise foi dans l’étroit interstice qui sépare l’argument commercial du mensonge assumé : « Je pense qu’on a réussi à ce que nos matériels ne soient pas engagés dans des offensives. (…) Partout où sont identifiés et tracés des matériels français, je souhaite qu’on puisse mener des investigations sous supervision internationale et qu’on puisse demander des comptes à nos partenaires parce que ce que je leur ai demandé, c’est de ne pas les utiliser dans ce conflit. (i24news) »
On récapitule :
L’Arabie saoudite et les Émirats Arabes Unis veulent acheter des armes pour appuyer leurs troupes engagées au Yémen contre les Houthis, afin de les empêcher de conquérir ce pays au bénéfice de l’Iran. La France, présidée par Macron, gagne l’appel d’offres, vend donc lesdites armes et envoie des troupes pour former ceux qui les utiliseront, une mesure pertinente qui s’apparente à un service après-vente.
La chose importante que le Président En-Même-Temps a oubliée, c’est qu’un client mécontent peut retourner la marchandise et se la faire rembourser, s’il prouve qu’elle est défectueuse, mais à l’inverse, le vendeur ne peut pas exiger de l’acheteur qu’il l’utilise – ou pas – en fonction de ses propres choix, goûts, couleurs ou agenda politique.
Ah bon ? Mais « point n’est besoin d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer », conseillait Guillaume d’Orange au XVIe siècle. Ce que Macron aime surtout dans le XVIe, c’est l’arrondissement. Et son espoir de réussite consiste uniquement à amadouer les bienpensants qui l’ont élu, sans effaroucher, en même temps, les pragmatiques qui craignent l’Iran comme la peste brune, dont cette République islamique est l’exportateur leader sur le marché. Alors, heu-reux ? LM♦
Liliane Messika, MABATIM.INFO
Macron = kinder surprise. Excellent 🤪😆
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Notre jupiter , imbu de son aura internationale et de sa virilité mondialement connue , surtout depuis qu il a ecrasé 3 doigts a Trump sous les regards emus des courtisans parisiens , a decidé que le quai d orsay et les grands patrons qui dirigent la France vendraient desormais aux emirs du petrole , des armes non letales : on pense a des pistolets lance petales , ou des canons a patate , mais le principal c est que le gros pognon qui sent la mort continue a couler vers les bons comptes du coté de l ouest parisien 🍒
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Bien vu, bien dit. Aucune raison de ne pas vendre à Salman et « en même temps » de ne pas contourner les sanctions américaines pour contenter les mollahs génocidaires. Bouffer à tous les râteliers est la base d’une saine realpolitik.
Mais rassurez-vous, Liliane, la morale retrouve son compte : Kinder surprise ne vient-il pas de stopper les ventes d’armes au sultan dément de Turquie ?
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