Affaire Sarah Halimi : « la Justice instrumentalisée malgré elle ? »

Balance-justice.jpgMaître Thomas Bidnic à la barre.

Analysons l’argumentation de Me Thomas Bidnic, l’avocat de Kobili Traoré, « l’homme qui a tué Sarah Halimi en 2017 », telle qu’il l’a publiée dans le Point.fr du 20 décembre 2019 :

Reprenons ici, pour ne pas être soupçonnée de partialité, sa terminologie neutre, soit : « l’homme qui a tué » – et non « l’assassin » ou « le meurtrier », deux termes qui suggèrent immédiatement la responsabilité pénale de Traoré ; il sera temps, dans la suite de cet article, de revenir sur cette question.

Nous allons d’abord exposer ses arguments, puis montrer pourquoi ils relèvent d’une logique qui tend à déresponsabiliser les juges de la Chambre d’Instruction de la Cour d’appel de Paris qui, dès lors, ont pu sans difficulté, rendre ce jugement ; et vers quoi pointe le sentiment d’irresponsabilité de ces magistrats.

C’est sur la question « de l’abolition du discernement « au moment de la tuerie que se sont portées les expertises psychiatriques au nombre de 4 liées à cette mise à mort. Il y a eu d’abord l’expertise du psychiatre Daniel Zagury, qui a conclu qu’il n’y avait pas eu abolition du discernement de Kobili Traoré, mais seulement altération. Zagury, rappelle Bidnic, a avancé que « la prise consciente, volontaire et régulière du cannabis en très grande quantité » plaidait contre l’abolition du discernement. Ce faisant, il alignait la conduite de Traoré sur celle, par exemple, des conducteurs avinés qui sont jugés doublement responsables et condamnés en cas de provocation d’un accident dans ce contexte.

Mais malheureusement, Bidnic a été capable, au vu de cette analogie, de montrer que le Dr Zagury s’était contredit lui-même, en avançant d’autre part, qu’une « bouffée délirante aiguë » n’était pas assimilable à une ivresse cannabique « et [que] les joints qu’il [Traoré] fumait chaque jour avaient jusque-là l’effet recherché par beaucoup de consommateurs, mais en aucun cas une bouffée délirante aiguë. »

Exit, donc, dans un premier temps, la responsabilité du cannabis dans l’acte lié à cette bouffée délirante aiguë. Bidnic réussit, dans la foulée, et insistant sur le fait que Traoré « était un gros consommateur de cannabis » – ce qui signifierait qu’il n’en a pas consommé massivement dans un but précis ce jour-là, ce qui n’est absolument pas démontré, notons-le bien, à écarter l’idée assez naturelle, dans cette situation, que Traoré aurait sciemment cherché à s’anesthésier pour lever son inhibition à torturer et à tuer, pratique courante de la secte des tueurs musulmans appelés Hashashin au XIe siècle et, pour l’alcool, des tueurs SS (cf, Christopher Browning, Des Hommes ordinaires, Les Belles Lettres, 1994) qui n’en ont pas moins été des gens capables de se cuiter à Noëls et jours de l’An.

Dans l’article 122 – 1 du Code pénal on lit : « N’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes »

Face à « Zagury seul à avoir conclu qu’il n’y avait pas abolition du discernement mais une simple altération au moment des faits » Bidnic oppose l’avis des trois autres psychiatres qui tend à mettre en selle la pertinence de l’article 122-1. Mais son habileté suprême est celle-ci : il retourne Zagury contre Zagury de sorte à montrer que non seulement celui-ci avait trois confrères contre lui mais que lui-même plaide en fait contre lui-même. Il le cite longuement : « Une fois déclenché, le processus délirant agit indépendamment, pour son propre compte, même si la personne interrompt sa consommation. » « C’est pour cela », ajoute Bidnic, semblant se rallier à la scientificité du diagnostic de Zagury et de nul autre, « c’est pour cela que j’étais fondamentalement en désaccord avec la conclusion de son expertise (j’ose même dire qu’il était en désaccord avec lui-même…). Pour moi, ce qu’il décrit, c’est que Kobili Traoré n’était plus maître de lui-même, que son discernement était aboli. Il n’a pas été en mesure d’anticiper la crise qui allait venir puisqu’il n’avait jamais rien connu de similaire auparavant. Et que le cannabis n’est pas connu pour provoquer des bouffées délirantes aiguës, bien au contraire… En ce sens la décision de la Cour d’appel m’apparaît respecter notre droit et le principe fondamental au terme duquel il n’est pas de responsabilité sans discernement. » Fermez le ban.

L’envers de l’histoire contemporaine : malaise dans la culture.

Ensuite bien sûr, Me Bidnic peut faire montre de son impartialité en admettant : « Il se trouve que chez mon client, le cannabis, ce jour-là, a déclenché une bouffée délirante qui n’était pas prévisible. C’est ce qu’est venu dire le docteur Bensussan (subliminalement : un Juif donc au-dessus du soupçon d’antisémitisme) ; le problème ce n’est pas le cannabis, mais la bouffée délirante aiguë., qui aurait pu être provoquée par autre chose. […] A supposer que l’antisémitisme ait joué un rôle, je maintiens qu’il ne l’a fait qu’après la bouffée délirante aiguë. » Comment peut-il l’affirmer ? Personne ne lui en demandera raisonPas plus que l’on ne semble avoir traité de la question de savoir la dose de cannabis prise avant l’acte par Traoré, et si cette dose n’était pas en relation avec un projet de meurtre conçu dans une phase de lucidité…

Bidnic, ensuite, accuse une partie civile d’accusation sans fondement : « Quand une partie civile dit :  » Elle ne serait pas morte si elle n’était pas juive », non seulement je ne suis pas d’accord, mais, surtout, ce n’est pas la question. Il s’agit donc d’un pur sophisme. » Admirons ici le sophisme commis par Bidnic lui-même quand il affirme, impérieux : « Ce n’est pas la question ». Ah bon ? Et en quel honneur affirmez-vous cela ? Il est bien facile d’enfiler des affirmations non démontrées comme on enfile des perles pour se donner l’air d’avoir raison : les insultes de “sheitan” (diable) proférées en arabe contre la victime se sont produites après et non avant la bouffée délirante : cela suffirait à démontrer que ce n’était pas l’antisémitisme qui motivait, dès le départ, la conduite de Traoré, mais sa bouffée délirante elle-même. Mais, je l’ai déjà écrit : on ne sait pas quelle dose de cannabis et dans quelle intention il avait choisi de la prendre. On ne s’en préoccupe pas, en tous cas sur ce terrain, Bidnic ne dit rien. Cela malgré le fait que Traoré fréquentait régulièrement une mosquée salafiste dans laquelle il lui était loisible d’écouter les versets meurtriers et antijuifs du Coran dits versets de Médine et de s’en intoxiquer ou de s’en laver la cervelle à loisir. Malgré le fait qu’il a insulté la victime en termes coraniques tout en la torturant à plaisir avant de la défenestrer et tout en gardant suffisamment de discernement pour simuler un suicide afin de ne pas avoir à porter la responsabilité d’un meurtre qu’il devait forcément être conscient de perpétrer sans quoi il n’aurait pas désiré le maquiller en suicide…

Le fait que tout cela plaide pour une prise de cannabis liée à un projet de meurtre dont le scénario aurait été maintes fois répété mentalement par Traoré avant d’être perpétré avec beaucoup de méthode malgré la bouffée délirante et en raison d’une bonne connaissance des stratégies argumentatives de la plupart des juges dans ce type d’affaires est littéralement détouré du paysage de l’affaire par Me Bidnic qui entend nous dire de quel côté il faut regarder et de quel côté non. C’est cela qu’on peut lire dans ses propos du Point.fr et rien d’autre.

Et quand il termine en se donnant l’air d’admettre, impartial : « Il y a un problème d’antisémitisme en France, et notamment dans certains milieux musulmans. C’est indéniable. Ce problème est à l’origine d’un malaise que l’on retrouve dans notre société entière. Les juges font partie de la société et ce malaise les touche donc. Moi-même : un prétendu journaliste m’a appelé pour savoir qui payait mes honoraires… Le président Macron, lui aussi, s’est permis une atteinte à la séparation des pouvoirs en se prononçant publiquement sur ce dossier. Mais sur le fond c’est une décision qui me paraît irréprochable, dans un contexte pour le moins troublé. » « Antisémitisme de certains milieux musulmans » qu’il ne citera pas car Traoré y appartient à ces milieux-là ! Et lui se victimise en victimisant les juges malheureusement eux-mêmes victimes de l’atmosphère (ah elle a toujours bon dos celle-là !) dans laquelle nous vivons, et qui, finalement tend à dire que les première victimes de l’antisémitisme qui tombe comme la pluie on ne sait d’où, ce ne sont pas les Juifs mais l’avocat qu’il est, pris à partie par un pseudo-journaliste juif pleurnichard et incapable d’impartialité ; et les juges souffrent de ce “malaise” et même la démocratie en souffre puisque sous l’influence de cet antisémitisme et à vouloir le combattre, le président Macron se met à menacer la séparation des pouvoirs !!! Ah, parlez-m’en de l’antisémitisme, ma bonne dame, il ne nous rend pas la vie plus facile à nous autres non-Juifs ! Tiens ! Mais à propos, et si on en parlait de ce malaise dans la culture française ?

Revenons au détourage mentionné plus haut : rien n’est dit par Bidnic du contexte religieux radicalisé dans lequel évoluait depuis des mois Kobili Traoré. Bien sûr que le docteur Zagury a eu raison d’en parler. Mais il semblerait que cela soit indicible. Et pour cause. Cela vient renverser deux dogmes partagés par les élites françaises depuis 60 ans : 1) le dogme de « l’immigration, chance pour la France » (titre d’un livre de Bernard Stasi paru en 1984) ou encore de « l’immigration positive » titre d’un ouvrage de Jack Lang et d’Hervé Bras paru en 2006 ; et 2) le dogme de l’islam « religion de paix et d’amour » que tous les progressistes actuels ont à la bouche, nonobstant le sexisme, l’antijudaïsme ainsi que l’antimécréantisme obscurantistes, régressites et en rien progressistes de cet islam bien documenté par les versets de Médine tenus pour parole d’Allah ipsa que chacun peut lire en livre de Poche pour 5 euros. Ces deux dogmes ont déjà largement fait l’objet de démystifications, arguments sonnants et trébuchants à l’appui. Depuis le 6 décembre 2019– et cela donne de l’espoir, le Sénat, grâce à l’initiative du groupe les Républicains et notamment du courageux président de la Commission des Lois, Philippe Bas, a mis sur pied une commission d’enquête sur les moyens de combattre la radicalisation islamiste et cette commission a d’ores et déjà auditionné Alexandre Del Valle et Emmanuel Razavi[1], auteurs d’un remarquable Le Projet. La stratégie de conquête et d’infiltration des Frères musulmans en France et dans le monde, édition de l’Artilleur, 2019, que chaque citoyen un tant soit peu éveillé se devrait de lire toutes affaires cessantes. Ce livre démontre la continuité idéologique qui existe entre les piétistes salafis et Frères musulmans et les jihadistes ; il fait valoir que la mission de structurer l’islam de France a été malheureusement confiée à des Frères musulmans en col blanc ; que les cadres de l’État sont loin de reconnaître et de vouloir combattre les stratégies d’islamisation de la société française et de son État, ce qui rejoint les conclusions de Whaleed Al Husseini dans Une Trahison française, ou encore le diagnostic des Chesnot et Malbrunot dans Nos Chers émirs et Qatar Papers… Vous avez dit : malaise dans la culture ?

Dans son livre remarquable de 2006, Immigration, sortir du chaos (Flammarion) livre qui se montre aujourd’hui prophétique l’analyste politique spécialiste des politiques d’immigration, Maxime Tandonnet dénonçait déjà ces deux dogmes ; il écrivait, par exemple : « Un basculement s’est opéré quant aux sources géographiques des nouvelles populations. Jusqu’au milieu des années 70, les migrants d’origine européenne étaient majoritaires en France. Depuis, la proportion des nouveaux arrivants de sources non-européennes ne cesse de se renforcer, au point de représenter une majorité écrasante des flux migratoires. Or, pour des raisons fondamentales qui tiennent, on le verra au chapitre V, à la différence des habitudes, mode vie, croyances, l’intégration de ces nouvelles populations issues des pays du Sud soulève parfois des questions plus complexes que celles de Européens dont le modèle de société est proche de celui des Français.

Tel est aujourd’hui le grand enjeu de l’immigration en France. » (pp. 76 – 77).

Le tabou du combat réel contre l’antisémitisme en France porte d’entrée à l’islamisme soft et hard.

Le jugement prononcé par les magistrats de la Cour d’appel de Paris l’a été en fonction d’une immense entrée en résonance entre le tabou toujours en place du combat efficace – et non simulé via l’enseignement de la Shoah – de l’antisémitisme en France et l’habitus culturel des musulmans dont l’antijudaïsme fait partie de l’histoire et de la tradition jamais rédimées de la dhimma, un statut inférieur réservé aux Chrétiens et aux Juifs dans la civilisation islamique ; mais aussi des versets du Coran appelant à leur meurtre quand ils s’opposent à la dominance islamique. J’affirme qu’il y a toujours en France un tabou du combat réel contre l’antijudaïsme et l’antisémitisme car aucun enseignement laïque dispensé à ce jour ne s’est occupé de faire l’état des lieux de la reprise des stéréotypes antijuifs et antisémites de source chrétienne et musulmane en contexte sécularisé et laïque pour les déconstruire de manière préventive dès l’école. Aucun enseignement laïque ne s’est penché sur les sources hébraïques et juives de la culture occidentale et démocratique qu’on fait toujours exclusivement remonter aux Grecs et aux Romains ; parfois aux Chrétiens, mais pas aux Juifs. Eux aussi ont été détourés du paysage culturel européen et français. Avec les risques afférents pour eux-mêmes et pour toutes les démocraties de l’ Europe. Il semblerait que la situation soit en train de bouger si l’on en croit le dernier ouvrage du philosophe Jean-Luc Nancy, Exclu, le juif en nous, éd. Galilée, 2018. Les Juifs, ce caillou dans la chaussure des Occidentaux, tant qu’ils ne se résoudront pas à le regarder en face pour se guérir de « leurs penchants criminels » comme disait Jean-Claude Milner… NL

lamnNadia Lamm, MABATIM.INFO

[1] Voir interview d’Alexandre del Valle dans Figarovox du 20/12/2019

2 commentaires

  1. Regardons la réalité en face ,non pas devant la télé ,mais devant les informations que nous ,Juifs ,nous sommes censés connaître .
    Et la ,pour ceux qui ont la visibilité a plus de 10 mètres ,la situation ( la notre ) est grave et dans issue .
    La solution existe ,nous avons sans cesse « migrer  » malgré nous , maintenant ,nous pouvons « migrer chez nous !!!

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  2. la justice est instrumentalisée , tout comme la presse , a travers le quasi controle des sources par le biais de l AFP , agence d etat , l education nationale est aussi un grand pole national qui vehicule l ideologie chere aux patrons du pays : excuses permanents et « oubli » des mefaits des islamistes et criminalisation d Israel et des juifs .
    Nous decouvrons aujourdhui a quel point la democratie s’est délitée , le systeme se rapproche desormais dangereusement d’une semi democratie comme certains pays non occidentaux en connaissent deja , c est plutot un progres pour eux, et c est plutot un naufrage pour nous .

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