« L’inquiétant Monsieur Attali » : Une vision sectaire de l’histoire (2/2)

chatUne vision sectaire de l’histoire

Première partie : La Covid-19 et l’inquiétant Monsieur Attali (1/2)

Mais ce faisant, ne risque-t-il pas d’enfermer les générations nouvelles dans une vérité qui n’est rien de plus que la sienne et qui, pour se présenter comme indubitable et non susceptible de se révéler fausse ou, comme le dit Karl Popper, falsifiable, se tourne en simple prophétie qui se veut auto-réalisatrice, autrement dit en idéologie pure de gourou sectaire, et en rien en véritable philosophie de l’histoire. Car une telle philosophie exhiberait les thèses qu’elle réfute en argumentant contre elles, quitte à laisser voir les limites de sa propre pensée, et ainsi donnerait au lecteur et à l’auditeur la possibilité de se faire son idée. Or, quand il assimile purement et simplement le futur proche à l’Ordre marchand, tout en le qualifiant aussi de conforme à la visée démocratique de ce qu’il appelle « la philosophie judéo-grecque » (Une brève histoire de l’avenir, p. 328), Attali opère un sophisme. Car toute société se fixant pour but d’instaurer l’Ordre est hostile par nature à la démocratie qui ne vit que de conflits structurants entre ses ressortissants dans un État de droit. Voici ce qu’écrivait en 1958 Julien Benda dans La Trahison des clercs :

« […] que l’idée d’ordre soit liée à l’idée de violence, c’est ce que les hommes semblent d’instinct avoir compris. Je trouve éloquent qu’ils aient fait des statues de la Justice, de la Liberté, de la Science, de l’Art, de la Charité, de la Paix, jamais de statue de l’Ordre. De même ont-ils peu de sympathie pour le ‘’maintien de l’ordre’’ mot qui leur représente des charges de cavalerie, des balles tirées sur des gens sans défense, des cadavres de femmes et d’enfants. Tout le monde sent le tragique de cette information : L’ordre est rétabli. »

L’ordre est une valeur essentiellement pratique. Le clerc qui la vénère trahit strictement sa fonction.

L’État doué d’ordre, ai-je dit, montre par là qu’il se veut fort, aucunement juste. Ajoutons qu’il est exigé par le fait de guerre. D’où il suit que ceux qui appellent un tel État ne cessent d s’écrier que l’État est menacé. C’est ainsi que, pendant quarante ans, l’Action française clama : « L’ennemi est à nos portes ; l’heure est à l’obéissance, non aux réformes sociales », que l’autocratisme allemand n’arrêtait pas de brandir « l’encerclement du Reich. »[1]

Les démocrates sincères devraient donc se mettre en alerte lorsqu’ils lisent dans L’Homme nomade[2] ou bien Une brève histoire de l’avenir[3] l’assimilation que fait Jacques Attali entre Ordre marchand et démocratie en devenir. Car il y a ici une thèse philosophique éminemment discutable mais jamais exhibée complètement en tant que telle : celle du progrès de l’humanité vers le Bien commun et la démocratie pacifique par le libéralisme, dût-il en coûter, dans l’immédiat, la régression massive dans l’animalisation de l’homme par injection de nanopuces permettant à l’État de le pister et d’exercer sur lui une hypersurveillance, qui, à terme, se transformera en autosurveillance – selon les propres termes d’Attali – pour rester en bonne santé et productif, faute de quoi la liberté individuelle bien comprise reviendra à demander et à obtenir l’euthanasie, ou encore la destruction de la famille classique par l’instauration des amours nomades et surtout épisodiques au milieu desquelles les enfants jugés encombrants seront peu ou prou eux aussi fabriqués de manière technologique et utilisés au bon vouloir des adultes décidant librement ce qu’ils estiment être bon pour eux – et ce ne sont là que quelques-unes des réjouissances qui paraissent à Attali un mal nécessaire pour en fin de compte pouvoir émerger dans ce qu’il nomme l’hyperdémocratie mondiale dans laquelle, comme par enchantement, on trouve une humanité fraternelle et respectueuse d’autrui, formée de ceux qu’il appelle les transhumains et qui appliqueraient sans qu’on les y oblige ce qu’il appelle « l’altruisme rationnel », dans lequel les échanges marchands sont remplacés par les échanges désintéressés dans lesquels chacun est devenu un sage qui a désormais conscience que son bonheur passe par celui de l’autre (cf sa conférence de février 2014 à Polytechnique[4]). Or, comme on le sait, les zélateurs du totalitarisme professent toujours que les crimes du présent doivent être encouragés et perpétrés car ils se traduiront ultérieurement par l’avènement de l’Âge d’Or ou du Paradis sur terre, dans lequel toutes les larmes seront séchées et tous les conflits auront disparu.

L’idéologie Attali, qu’est-ce d’autre qu’une véritable forfaiture intellectuelle et un détournement de la jeunesse de ses plus élémentaires devoirs intellectuels, moraux et politiques tant vis-à-vis d’elle-même que des générations précédentes et de celles à venir au nom d’une Promesse mystico-démagogique ? Or elle a imprégné et imprègne encore en profondeur, la classe politique française qui se prétend dévouée à la République mais qui, sous l’emprise de cette idéologie, se dévoue – et dernièrement cela est apparu de façon particulièrement dramatique et scandaleuse[5] – à sa destitution.

Nimrod à la commande ou la restauration de Babel.

Il est arrivé à Jacques Attali de confier que son vœu le plus cher serait que la capitale du Gouvernement mondial qu’il appelle de ses vœux, et qui se tiendrait à la tête de l’hyper empire, comme il l’appelle, synonyme du Nouvel Ordre mondial, se situe à Jérusalem (YouTube). Or, dans sa récente conférence du 10 juin 2020, intitulée « Le Nouvel Ordre mondial est en route. Comment le combattre ? », le moins que l’on puisse dire est que le Rav Dynovisz, s’appuyant en cela sur Rachi, douche abondamment cette forme de sionisme (!) en l’imputant ni plus ni moins qu’aux forces du Mal lui-même ! Dans la Bible, au livre de la Genèse, Nimrod apparaît au chapitre qui traite de la descendance des fils de Noé. Nimrod est un fils de Koush, qui est lui-même le fils aîné de Cham et l’un des petits-fils de Noé. Nimrod est le premier roi sur terre après le Déluge. Il représente la révolte contre HaChem, le Nom, qui désigne chez les Juifs D.ieu puisque nul n’a le droit de prononcer son nom sauf le Grand-Prêtre, une fois par an, dans le Temple de Jérusalem. Nimrod appelle les hommes à la paix universelle par la construction, précisément, d’un Ordre mondial dont le centre se trouverait à Babylone dans une Tour dévolue au culte de la Paix et de la Fraternité universelle grâce au métissage généralisé, la tour de Babel. Nimrod doit séduire les êtres humains en leur racontant qu’il a la solution pour en terminer avec les guerres et les malheurs de l’humanité pour les enrôler dans la soumission à sa propre autorité totalitaire. Dans l’immédiat il les invite à venir bâtir cette tour gigantesque en acceptant d’y travailler en tant qu’esclaves taillables et corvéables à merci. « Babel c’était Hitler déjà », explique Dynovisz. Qu’un ouvrier fasse tomber une seule pierre et son corps était découpé en morceaux pour être envoyés à sa famille et inspirer la terreur. Tous les peuples sont tombés dans le piège, raconte la Bible. Abraham est le seul qui se soit battu contre Nimrod, allant de peuple en peuple, d’homme en homme, pour leur dire de ne pas écouter Nimrod. Le père d’Abraham était un fabriquant d’idoles et même le conseiller le plus proche de Nimrod. Ce père, Terah, a amené son propre fils à Nimrod pour que celui-ci le jetât dans le feu. Et Abraham fut sauvé par D.ieu et put s’enfuir avec sa famille pour répondre au lekh lekha (pars vers toi !) envoyé par D.ieu pour sortir l’humanité de la tentation criminelle de la toute-puissance et lui faire découvrir l’importance d’abandonner l’idolâtrie sous toutes ses formes. Or ceux qui prônent aujourd’hui le Nouvel Ordre mondial ne sont autres que des arrières-petit-fils de Nimrod qui confondent la liberté et l’arbitraire de la licence qui se croit au-dessus des lois ; qui mettent la violence à la place du Droit et détruisent la civilisation de Jérusalem au profit de celle de Babel.

Abraham a été choisi pour être le porteur du message universaliste du monothéisme parce qu’il a eu le courage de se battre contre le mensonge et le mal. Il a commencé sa vie en se mettant en danger pour combattre le mal. Plus tard, Esav (Ésaü), l’un des deux fils d’Itshak, (l’un des fils d’Abraham), qui représente l’ancêtre de la civilisation occidentale, a lui aussi été méritant, car il est allé à Babylone et il en a ramené la tête de Nimrod en disant à son père qu’il avait ainsi vengé son grand-père, Abraham. Ce que HaChem attend de nous, conclut Dynovisz, c’est que nous nous battions contre le mal et contre le mensonge. D. ieu a produit le Déluge parce que la terre était recouverte de mensonges et de maux. Tous les interdits anthropologiques étaient annulés ; régnaient la polygamie, la zoophilie, l’inceste, la pédophilie et le « il est interdit d’interdire. » C’est précisément la génération dans laquelle nous nous trouvons actuellement. Et elle ne saurait déboucher que sur la dictature de Nimrod, avec la destruction morale de l’homme lui ouvrant toutes les portes de la débauche et de la corruption : règne absolu de Wall Street. L’homme devient un animal. Cela est du reste voulu par les instigateurs de dictatures : en se vautrant dans la débauche, le crime et la corruption – aujourd’hui assistés par les robots et l’intelligence artificielle – les hommes perdent leurs repères, leur force psychique et morale, leur conscience, leurs valeurs, et avec tout cela également leur volonté. En perdant le respect d’eux-mêmes et de tout ce qui faisait leur identité humaine, la famille par exemple, mais aussi l’amour de la patrie et du peuple – reliquats réactionnaires d’ « infra-nomades » comme les appelle avec mépris le démagogue Attali dans L’Homme nomade – les hommes se vident de tout hormis le « moi, moi, moi » qui est leur seule et unique boussole. C’est précisément ce que Descartes appelle la « liberté du vide » celle qui n’a de loi que celle du caprice de l’individu au détriment de tout projet qui lui permettrait de s’accomplir tout en aidant sa communauté. Esclave de chacun de ses caprices instantanés, énervé et désorienté par son nihilisme, l’individu, particule élémentaire en déshérence va alors devenir disponible pour le dictateur qui se présente et le séduit en lui faisant miroiter un avenir de rêve du moment qu’il accepte d’entrer à son service : cet homoncule n’est plus à un esclavage près et le voilà prêt à mordre à l’hameçon. C’est ce chant de sirène que Jacques Attali sert à notre jeunesse et nous en goûtons actuellement les fruits amers.

Dans le judaïsme, conclut le Rav Dynovisz, la guerre contre Nimrod s’appelle la guerre de Gog et Magog, lorsque tous les peuples afflueront en Israël pour tenter de le tuer au nom de Nimrod et de Babel, car ils savent que l’esprit d’Abraham est en lui. La Torah n’est pas, en effet, une spiritualité de fuite, mais de combat, d’engagement, et de risque. Ajoutons ici que la victoire d’Israël ne le sera pas que pour lui, mais également pour les hommes de toutes les nations de la terre qui s’apprêtent aujourd’hui à résister à l’entreprise néo-totalitaire de Nimrod.

Ne perdons jamais de vue que pour faire passer de plus en en plus de restrictions liberticides tous les États totalitaires se fondent sur l’eschatologie, c’est-à-dire une idéologie des fins dernières dont leurs attentats à l’État de droit, certes désagréables, ne sont que des moyens temporaires. Ils flattent ainsi le rêve infantile des hommes de pouvoir atteindre un état de paix stable sans conflits ni malheurs, bref le rêve de l’Âge d’or, reflet de la vie intra-utérine. C’est cela qui distingue les États totalitaires des simples dictatures, dans lesquelles le pouvoir du Chef ne s’encombre pas de telles justifications, parce qu’il se contente de brider les libertés pour ne faire droit qu’à la sienne et n’a pas, ce faisant, le sentiment qu’il est en charge d’une mission universelle de type religieux. Mais, direz-vous, Israël lui-même n’est-il pas un État religieux et, qui plus est en attente de son Messie sauveur d’humanité ? Quelle différence y-a-t-il entre le sionisme et le Nouvel Ordre mondial ?

La différence se marque, justement, à la pensée eschatologique d’Israël qui ne se confond pas avec tel ou tel régime politique incarné, fût-il hébreu, mais est ce que Kant appelle un idéal régulateur, une éthique de justice morale, sociale et économique qui doit pré-orienter toutes les politiques, et qu’Israël entend non pas incarner mais “poursuivre” de manière indéfinie de sorte à pouvoir la servir et l’illustrer au mieux devant l’humanité. C’est par là qu’il lui sera donné de réaliser cet « universel de rayonnement » dont parlait Levinas et qui diffère du tout au tout d’avec la prétention à incarner dans la pratique politique à tous les niveaux cet idéal. Le « peuple de prêtres » ne doit pas s’arroger d’autre droit sur les nations de la terre, que celui d’être, le moins mal possible, ce pédagogue qui aide ses élèves, librement inscrits à son école, à se développer dans le sens non pas d’un transhumanisme délétère car reposant sur la manipulation génético-politique de l’espèce humaine plaçant l’homme à la place du Créateur, mais d’un humanisme de plus en plus exigeant car conscient des failles et des fautes qui guettent chaque pas de l’homme au fur et à mesure que son pouvoir technologique, financier et politique augmente. Nous voilà bien loin des Nimrods contemporains et de leur mégalomanie meurtrière ! NL♦

lamnNadia Lamm, MABATIM.INFO

[1] Julien Benda, La Trahison des clercs, Grasset, 1958, p. 6 – 7.
[2] Parmi les plus connus : L’Homme nomade, Fayard, 2003 ; Une Brève histoire de l’avenir, Fayard, 2006, livres ensuite parus en Poche.
[3] idem
[4] Dans une conférence du 18 février 2014 devant les étudiants de l’École polytechnique retransmise sur YouTube.
[5] Voir LegiFrance. Le décret stipule notamment : « Art. 12-3. – I – Par dérogation à l’article R. 5121-82 du code de la santé publique, les spécialités pharmaceutiques à base de paracétamol sous une forme injectable peuvent être dispensées dans le cadre de leur autorisation de mise sur le marché, jusqu’au 15 avril 2020, par les pharmacies à usage intérieur autorisées à délivrer des médicaments au public en application du 1o de l’article L. 5126-6 du même code, sur présentation d’une ordonnance émanant de tout médecin portant la mention “Prescription dans le cadre de la covid-19”, pour permettre la prise en charge de la fièvre et de la douleur des patients atteints ou susceptibles d’être atteints par le virus SARS – CoV-2 et dont l’état clinique le justifie. » C’est la légalisation de l’euthanasie dans le cadre de l’ensemble des “soins” que les hôpitaux sont autorisés par l’État à prescrire aux patients atteints de la Covid 19. Le caractère choquant de cet article car outrepassant largement la Loi Claeys-Léonetti du 3 février 2016 sur les droits des personnes en fin de vie qui consacre le droit de chaque personne en fin de vie à demander une sédation profonde et continue jusqu’à son décès, dans certaines conditions, a été maintes fois souligné dans la presse et notamment Tribune juive. En effet, il met fin à l’obligation de demander au patient, à sa famille et même à la concertation collégiale des médecins, le droit de pratiquer l’euthanasie. Il est censé ne durer que jusqu’au 15 avril 2020.

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