Journée nationale à la mémoire des victimes des persécutions racistes et antisémites

Vel_d'Hiv_plaqueCrif Région Centre, 19 Juillet 2020

A la mémoire de Sarah Halimi…

En cette journée nationale à la mémoire des victimes des persécutions racistes et antisémites – les Tziganes et les Juifs – commises par l’État français sous l’autorité du gouvernement de Vichy, et en hommage aux « Justes des Nations », ces femmes et ces hommes, d’origine souvent modeste, connus ou inconnus, qui ont sauvé des Juifs, en particulier des enfants, pendant l’occupation, malgré les risques encourus. Ils témoignent que les êtres humains ont d’autres options que la soumission à un régime criminel. J’ajoute ici le secours apporté par des organisations juives et des associations caritatives chrétiennes.

Je salue les « JUSTES DES NATIONS », présents à cette cérémonie.

Nous sommes sur cette Place de la République pour rappeler les terribles évènements advenus si près d’ici, où, après la Rafle du Vel d’Hiv, les 16 et 17 juillet 1942, 13.000 Juifs, dont plus de 4.000 enfants furent internés dans les camps de Pithiviers et Beaune la Rolande. Puis, ils furent envoyés directement ou via Drancy – les enfants arrachés à leur mère – dans le camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau pour y être assassinés.

Leur « crime » pour les nazis et leurs complices français : être nés (juifs).

Ce qui s’est passé ici est l’un des épisodes les plus tragiques de notre histoire : la complicité active du gouvernement de Vichy, la collaboration à un crime sans précédent, la SHOAH, l’anéantissement programmé de tout un peuple. Arrestations et internement avaient été précédés, dès octobre 40, par le fichage, l’exclusion, la spoliation, avant même, parfois, la demande des Allemands.

L’abrogation du Décret Crémieux le 8 octobre 40, en Algérie, faisait des citoyens juifs français, des parias

Le projet d’extermination des Juifs n’aurait pu être menée sans le zèle servile, la collaboration de l’administration et des services de police de Vichy.

Toutes les mesures prises, signant la faillite de la Démocratie, ne provoquèrent que très peu de protestations.

« Combien furent précieux, alors les cris de quelques rares protestataires dans le désert de la soumission »
(Michel Winock).

Car le crime contre l’humanité perpétré sur le sol européen est advenu dans le silence assourdissant, l’indifférence des nations à l’origine du terrible sentiment de solitude ressenti par de si nombreux Juifs de France. Je reviendrai sur cette notion de silence, synonyme d’indifférence, de lâcheté, d’abandon, de solitude qui n’est pas sans écho aujourd’hui.

« Des prémices de la guerre jusqu’à sa fin, les gouvernements démocratiques, les organisations humanitaires internationales, le Pape, etc. se sont tus devant la persécution et l’extermination des Juifs »
(Gérard Rabinovitch) …

On pourrait multiplier les exemples de soumission, de démission, d’aveuglement et de lâcheté. L’absence de volonté de sauver les Juifs fut masquée par de nombreux alibis…À la Conférence d’Évian en 1938, la SDN avait maintenu les législations restrictives sur l’accueil des Juifs menacés de mort. Aucune aide ne fut décidée, seulement un prêche de bons sentiments. Toutes les frontières se fermèrent à quelques exceptions près (Shanghai). La conférence n’aura servi qu’à justifier la politique allemande contre les Juifs.

En décembre 1938, Von Ribbentrop, ministre des Affaires étrangères du Reich, invité à dîner au Quai d’Orsay, exigea que les Ministres juifs, Georges Mandel et Jean Zay, ne soient pas présents.

Le Quai d’Orsay s’exécuta. En 1943, dernier appel des Juifs de Varsovie lors de l’insurrection du Ghetto : « Le monde de la liberté et de la justice se tait et ne fait rien ».

En fait, très rares étaient les leaders démocrates (tel Winston Churchill) qui prenaient la mesure de ce qui se dessinait.

Aussi les questions qui nous hantent :

« C’est arrivé, cela peut donc arriver de nouveau »
(Primo Levi).

Comme l’a écrit l’historien Georges Bensoussan :

« L’Histoire du Régime de Vichy illustre cette fragilité de la Démocratie quand ses principes fondamentaux sont bafoués, quand on permet à des idéologies totalitaires de pénétrer l’espace républicain ». Vichy avait créé un monstre bureaucratique ne pouvant qu’aider les nazis à parvenir à leurs sinistres fins : la destruction du peuple juif.

Il s’agit donc, d’appréhender « la singularité de l’extermination des Juifs d’Europe… la spécificité d’un fait historique ».

La Shoah, génocide planétaire, s’inscrit dans le temps long, il est incompréhensible en dehors de l’étude d’une culture européenne qui a fantasmé la mort des Juifs des siècles durant (Georges Bensoussan).

Cela a abouti, dans le régime totalitaire allemand, à une rupture dans la civilisation : la notion de personne humaine a été abolie par le Droit nazi qui a légalisé l’anéantissement du peuple juif pour crime de naissance ; ce discours juridique autorisait qui a le droit d’habiter la terre ou non, expulsant les Juifs du genre humain.

Inversion des valeurs

Le récit historique nous révèle cette vérité : pour la mise en œuvre de ce dessein criminel, ce « trou noir de l’histoire », la Shoah, ce ne fut pas la barbarie coexistant avec le progrès technique, ce sont les moyens détournés de la civilisation, l’inversion des valeurs, au service du mal radical : les camps de la mort et le gazage des victimes détruites comme le mal absolu, comme de l’ordure. Les camps de Belzec, Sobibor et Treblinka figurant le paroxysme de cette barbarie.

Cette inversion des valeurs passe par le détournement du langage, légitimant la terreur, mis en œuvre par des Régimes ou États totalitaires pour mener aux massacres de masse et aux génocides et consistant, en premier lieu, à présenter leurs futures victimes comme des agresseurs (stratégie commune aux Nazis, aux Hutus, etc.).

Ainsi, le travail d’Histoire, cette mémoire qui nous oblige, évoqués sans pathos ni invocations moralisatrices ou victimaires, n’ont de sens que s’ils nous conduisent à comprendre les mécanismes politiques à la source des totalitarismes génocidaires passés, présents et à venir.

Férocité du présent

C’est à dire, « à voir ce que l’on voit », à décrypter la férocité du présent.

Ceci m’amène à exprimer mon inquiétude face à plusieurs phénomènes, la violence radicale s’amplifiant dans notre pays, mettent en péril notre démocratie :

Dans notre monde hyper connecté et surinformé-internet et les réseaux sociaux, la progression incessante de la technologie va de pair avec celle de l’ignorance et de l’obscurantisme, facteurs d’hyper violence, nourrie par la manipulation des mots, la multiplication des thèses du complot, terreau fertile pendant la pandémie, racisme, antiracisme dévoyé, ce nouvel antiracisme, « racialiste, déguisé en humanisme » (Abnousse Shalmani), parlant la langue de l’antifascisme, interdisant une pièce de théâtre ou des conférences, dénigrement des principes humanistes au nom du multiculturalisme et du relativisme historique, haine de la Démocratie, de ses Institutions et de ses principes : laïcité, égalité homme/femme, liberté d’expression…

Cette haine a mené les tueurs islamistes français à frapper le cœur de notre civilisation, notre manière de vivre, assassinant journalistes, policiers, militaires, prêtre, public du Bataclan, personnes aux terrasses des cafés, foule de la Promenade des Anglais… au nom de l’islam politique dont le Sénat vient de rappeler le danger pour notre Démocratie.

C’est en son nom que des minorités chrétiennes et leurs symboles sont dévastés en certaines terres d’Islam.

Pérennité de l’antisémitisme

À cet instant, je reviens à ce terrible constat : la pérennité de l’antisémitisme survivant à toutes les convulsions de l’Histoire, mutant comme un virus indestructible : j’en prends pour exemple l’antisionisme, dont le boycott d’Israël (BDS) est bien l’autre face de la même médaille juridique mise au point par les nazis pour exclure les Juifs avant de les assassiner. Ce boycott essentialise Israël, l’exclut de la communauté des nations. Il le désigne symboliquement comme l’unique source du Mal et donc comme l’État qu’il serait juste de détruire (Simon Epstein) : « Cette incitation à la haine d’Israël demeure la source essentielle du nouvel antisémitisme »

Insultes antisémites à la Faculté de médecine de Paris, plus d’élèves juifs dans les écoles publiques de Seine St-Denis, dernièrement slogan « sales Juifs » dans des manifestations prétendant lutter contre le racisme supposé des policiers et de l’État, « ce cri qui comme ‘’mort aux Juifs’’ résonne douloureusement dans notre mémoire et notre histoire » (Marc Knobel).

Et surtout, depuis 2003, 14 Juifs assassinés pour ce qu’ils sont, par des tueurs islamistes français, passés par l’École de la République. Sans citer les noms de toutes les victimes, je veux évoquer les 3 petits enfants juifs de l’école Ozar Hatorah de Toulouse, tués de sang froid :

« quand l’assassin empoigne la petite Myriam Monsonego par les cheveux et lui loge une balle dans la tête à bout portant, il réitère le geste des SS. »
(Robert Badinter).

Très peu de citoyens français ont manifesté après cet assassinat

Est-ce indifférence ? Le signe de ce nouvel antisémitisme, culturel, idéologique ? Ou un effet du déni de la réalité, « ce cancer qui ronge notre société » ? (Elizabeth Badinter)

Déni qui touche plusieurs couches de notre société : déni des médias, silence ou omission ou minoration des crimes par ignorance volontaire ou indifférence, dénis judiciaires dans la lenteur ou le refus de qualifier l’antisémitisme, justifications sociologiques, alibis psychiatriques, aveuglement de certains intellectuels, tentations d’accommodements de certains élus…

En conclusion, la lutte contre l’antisémitisme comme celle contre le racisme réel, nous concerne tous, citoyens français.

Et, comme l’a écrit l’historien Georges Bensoussan :

« il incombe aux pouvoirs publics de faire respecter la loi de la République, d’avoir le courage des mots, contre la barbarie, la liberté à un prix, c’est celui du combat ». EK

klelÉliane Klein, Déléguée régionale
CRIF Région Centre

3 commentaires

  1. Un texte magnifique, puissant, sans langue de bois ni contorsions pour complaire au politiquement correct.
    Un texte où il est dénoncé avec force l’aveuglement qui nous menace, la soumission qui assassine les personnes et nos valeurs.
    L’effet-miroir entre hier et aujourd’hui est saisissant.
    Face à l’inversion des mots et des concepts, le travestissement du réel ouvre toujours le chemin de la tragédie. Il est nécessaire que des voix s’élèvent contre l’imposture : vous l’avez fait. Merci Madame.

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  2. Eliane Klein, le Crif et le Consistoire réunis n’ont jamais rien fait ni dit pour que l’enseignement laïque de la République diffuse un enseignement laïque de l’estime envers le peuple et la civilisation juifs, parrallele a l’enseignement chrétien de l’estime envers les Juifs et le judaïsme introduits, grâce à Jules Isaac et au pape Jean XXIII dans l’enseignement de l’Eglise catholique, permettant aux citoyens français de ne plus assimiler « les » Juifs et Rothschild ou le Complot des Sages de Sion ou que sais-je. Ils ont toujours refusé de demander à l’Etat de préciser, dans les cours de Philosophie, la contribution de l’exégèse de la Torah par les Hobbes (le Léviathan) ou Spinoza (le Traite theologico-politique) à la théorie moderne de la démocratie. Par ce silence coupable, le Crif et le Consistoire on implicitement avalise la fonction de « poire pour la soif » cf FRanz-Olivier Giesbert, Le Schmock, assignée par les antisemites de l’Etat à la masse de la classe moyenne et prolétaire juive. Leurs condoléances ne sont que pure hypocrisie.

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  3. Qu esperez vous Madame la déléguée régionale du CRIF ? Le grand changement ,le retour a la raison ?
    Écrivez ,une petite lettre a votre député ,ou prenez rendez vous avec lui ,comme le CRIF sait si bien le faire ,et n oubliez pas la petite photo !
    Quand on vit dans un milieu hostile ,on le quitte , relisez a nouveau notre histoire ,c Elle de la France est déjà biaisée dans les manuels scolaires !

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