Rita Levi-Montalcini

Rita Levi-Montalcini.jpgEn 1909 vit à Turin la famille Lévi. Le père, ingénieur et mathématicien Adam Lévi ; la mère Adèle Montalcini est un peintre au talent reconnu. Ils ont déjà deux enfants, le 22 avril 1909 naissent les jumelles Rita et Paola. Paola, peintre aura une vie traditionnelle, ce qui ne sera pas le destin de sa jumelle.

À 20 ans, Rita déclare qu’elle veut étudier. Impressionnée par la mort de sa gouvernante (atteinte de leucémie) elle a choisi la médecine. Protestations familiales ; cette profession est incompatible avec une vie d’épouse et de mère.

Réponse :

« Je ne veux pas me marier, ni avoir d’enfants… » Elle ajoutera plus tard ;

« Je n’ai jamais eu d’hésitations ou de regrets dans ce sens ; ma vie s’est enrichie d’excellentes relations humaines, de mon travail et de mes intérêts. Je ne me suis jamais sentie seule ».

Le « décret de la race »

En 1936, elle termine ses études médicales options neurologie et chirurgie ; elle souhaite se spécialiser en neurologie. En 1938, Monsieur Benito Mussolini va promulguer « le décret de la race… » …empêchant ses projets. Avec sourire elle affirme :

« Je dois remercier Monsieur Mussolini de m’avoir déclarée de race inférieure, cela m’a conduite à la joie de travailler non plus dans des Instituts Universitaires mais dans une chambre », ce qu’elle préférait.

Jusqu’en 1944 Rita poursuit ses recherches neurologiques sur des embryons de poulets, dans des conditions précaires, à Turin ; puis elle crée un laboratoire dans sa cuisine à Florence, ensuite dans le sous-sol d’une maison de campagne en Piémont, enfin dans une cave à Florence. Vous comprenez bien qu’elle ne déménage pas par goût du changement. Sa famille est dénoncée plusieurs fois, mais aussi aidée et protégée par des amis non juifs….

La « petite juive aux yeux bleus, pétillante d’humour » affirme

« Surtout, ne craignez pas les moments difficiles, le meilleur vient d’eux ».

Elle se compare à Robinson Crusoé :

« La première fois où je me suis sentie comme le héros de Daniel de Foe, c’était pendant le fascisme. À l’époque, j’étais seule, plus jeune et moins forte que maintenant, pourtant ce mal a produit un bien. Sans Mussolini et Hitler, je ne serais qu’une vieille dame en bonne santé. Grâce à ces deux – là, je suis arrivée à Stockholm. »

Sa clandestinité ne la coupe pas du monde. Elle soutient activement la résistance en soignant les blessés et participe même en secret au traitement d’une épidémie de typhus.

En 1947, le professeur Hamburger qui dirige l’Unité de Recherches de Washington à Saint-Louis (Missouri), ayant lu ses articles, lui offre une bourse pour six mois ; elle y restera trente ans, partageant son temps entre Rome et Saint-Louis.

Chercheuse, et enseignante, de 1961 à 1978, elle dirige à Rome, l’E.B.R.I, l’Institut de Biologie cellulaire, l’équivalent de notre CNRS. C’est un institut, centre de recherches interdisciplinaires entièrement consacré à l’étude du cerveau. L’Italie, qui a donné de nombreux savants au monde, doit continuer. Elle cite Gassendi, Torricelli…

Prix Nobel

En 1962, ses découvertes neurologiques permettent des avancées importantes sur le cancer et la maladie d’Alzheimer. Quand elle assiste aux congrès médicaux de haut niveau, elle est la seule femme présente. L’orateur doit modifier la formule rituelle, il commence son discours par « My Lady and gentlemen ».

En 1986, Rita Levi-Montalcini est la première femme à recevoir le prix Nobel de médecine et de physiologie, en même temps que son collègue, le Professeur Stanley Cohen : pour les progrès révolutionnaires se rapportant aux « facteurs de croissance des cellules nerveuses », en anglais NGF.

Le NGF est encore utilisé pour l’étude de l’évolution de la dystrophie de la cornée, de la sclérose en plaques, de l’arthrite, de la maladie d’Alzheimer et même certains cancers.

Cette femme pétillante, à l’esprit libre, citoyenne du monde, s’intéresse à TOUT. Elle préconise l’éducation et la transmission du savoir.

En 1999, Rita reçoit le titre d’ambassadrice de l’ONU pour l’alimentation et l’agriculture.

Féministe convaincue mais discrète, sans revendications ostentatoires, elle croit avant tout à l’importance de l’instruction, particulièrement en Afrique. Elle a créé une fondation à but non lucratif et milite activement pour le développement d’écoles de filles sur ce continent et pour leur accession aux études supérieures. Rita réussit à installer les structures d’accueil indispensables : écoles primaires, lycées, et même universités.

Déléguée par l’ONU à la banque alimentaire, elle pense que c’est par les femmes africaines qui connaissent bien le milieu rural que le développement des ressources alimentaires progressera et sera plus honnêtement réparti.

À un journaliste qui l’interroge sur ses occupations de « retraitée » elle répond :

« Je m’occupe à obtenir des bourses d’étude pour des fillettes africaines afin qu’elles étudient et se préparent à travailler pour l’avancement de leur pays. Je continue mes recherches et ma réflexion »

Elle distribuera 9000 bourses en Afrique : Éthiopie, Congo, Somalie, tout en créant les structures d’accueil indispensables….

« Femme, personne âgée et juive »

La politique l’intéresse aussi ; en 2001, le Président Carlo Ciampi la nomme sénatrice à vie.

En 2006, à 97 ans, elle ouvre la session du nouveau sénat. Elle participe activement aux discussions de la chambre haute tout en continuant ses activités autour du monde.

Critiquée pour son soutien à Romano Prodi ; elle est insultée sur son blog comme Femme, personne âgée et juive. Elle déclare à un journaliste :

« Je ne me suis jamais sentie persécutée. Je suis juive, laïque… Je ne porte pas comme une médaille l’appartenance à un peuple qui a beaucoup souffert. Je n’ai jamais essayé d’en tirer des compensations. Être juif peut ne pas être agréable, ni confortable. »

Le 17 janvier 2010, invitée à la synagogue de Rome, elle accueille Le Pape Benoît XVI.

Pour résumer, je dirai : Rita Levi Montalcini a vécu un parcours exceptionnel : Première femme à recevoir le Prix Nobel de médecine, elle a reçu de nombreuses autres récompenses ; le titre de chevalier, grand-croix de l’EMRI, une médaille décernée par l’O N G « Green cross international » …. La France lui a attribué la première médaille de l’Académie de France à Rome.

Enseignante, chercheuse tenace elle va jusqu’au bout de ses idées. Féministe discrète et efficace, elle se mêle aussi de politique sur le plan mondial.

Cette femme exceptionnelle toujours active, déclare :

« Mes 100 ans ! Je ne sais pas si je vivrai jusque – là… et de plus les célébrations ne me plaisent pas. Ce qui m’intéresse et me plaît, c’est ce que je fais chaque jour. »

Elle trouve le temps de rédiger plusieurs livres dont « l’éloge de l’imperfection » en français.

Le 30 décembre 2012 à 103 ans, elle s’éteint à Rome.

Dans son discours funèbre, le Maire de Rome déclare « c’est une femme à admirer. Grande perte pour l’Italie et pour le monde entier ; c’est quelqu’un qui représentait la conscience civique, la culture et l’esprit de recherches de notre temps ».

Cette femme rare, lucide et tenace affirmait « je ne suis pas mon corps, je suis mon esprit ».

Je termine sur une dernière citation

« À un âge avancé, notre cerveau garde des capacités exceptionnelles que chacun peut utiliser. Nous jouissons d’une grande plasticité neuronale, même si des neurones meurent, ceux qui restent se réorganisent pour les mêmes fonctions. Encore faut-il les stimuler » EN

Eva NaccacheEva Naccache, MABATIM.INFO

4 commentaires

  1. Merci, Éva pour cette si opportune présentation d’une personnalité à tant de titres hors du commun : on est tellement absorbé par le quotidien et ses excès de langage que nous voir ramener à de telles valeurs redonne du sens…

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  2. Merci pour cet article en français sur cette femme remarquable . En 2008, à près de 100 ans, elle a fait un voyage en Israël pour assister à un congrès à Kfar Blum en Galilée ! Je n’ai rien trouvé d’autre sur sa relation à Israël; je trouve cela très curieux pour une rescapee de la 2e guerre mondiale… Pour moi la renaissance d’Israël est le plus grand événement du 20e siècle, certains disent que c’est un miracle! https://www.annualreviews.org/doi/full/10.1146/annurev-physiol-021909-135857?csrt=1862965899593970922

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