« Mitterrand-Bousquet » : Le théâtre du mensonge et de l’oubli de Robert Badinter

À l’âge canonique de 93 ans, Robert Badinter fait de nouveau parler de lui ces jours-ci. Infatigable, il vient de publier un recueil de théâtre, incluant une pièce intitulée « Cellule 107 », dans laquelle il imagine un dialogue entre Pierre Laval et René Bousquet, l’organisateur de la rafle du Vél d’Hiv. « Robert Badinter fait parler des fantômes », écrit l’Express, donnant la parole à l’ancien garde des Sceaux, qui déclare que « le théâtre est une leçon d’humilité »… J’ai vainement cherché dans les nombreux échos médiatiques de « Cellule 107 » la trace d’une quelconque humilité, et surtout celle d’un autre fantôme, que Robert Badinter semble avoir enterré dans l’oubli le plus total… Celui de François Mitterrand, qui fut à la fois – à des époques différentes – l’ami de Badinter et celui de Bousquet.

J’ai déjà raconté, il y a quelque temps, comment le « cri de colère » de Badinter contre l’antisémitisme m’avait remémoré un autre « cri de colère » de Robert Badinter, auquel j’avais assisté en première ligne.

C’était en juillet 1992. J’étais alors un jeune Juif de 25 ans, et je dirigeais le mouvement des étudiants sionistes Tagar, tout en préparant mon alyah. Ce jour-là, nous étions venus au Vél d’Hiv, lieu de sinistre mémoire, pour interpeller le président de la République, François Mitterrand. Nous avions distribué un tract, en pointant l’ambiguïté de la position de Mitterrand vis-à-vis du régime de Vichy et son refus de reconnaître la responsabilité de l’État français (et, accessoirement, de mettre fin à la tradition de dépôt d’une gerbe sur la tombe du maréchal Pétain, à l’île d’Yeu). À nos yeux, comme à ceux des anciens déportés et survivants de la Shoah qui étaient venus se recueillir en ce lieu symbolique, il était scandaleux que le président de la République puisse venir au Vél d’Hiv dans ces conditions.

Le « cri de colère » de Robert Badinter contre les Juifs

Quand François Mitterrand est arrivé sur les lieux, il a été accueilli par des huées, des sifflets et des cris :

« Mitterrand à Vichy ! »

Robert Badinter, le visage contorsionné par un rictus de haine, a alors prononcé un discours d’une extrême violence, tout entier dirigé contre… les militants juifs, qui lui avaient « fait honte » ! À la sortie de la manifestation, j’ai été interpellé par deux policiers en civil, et j’ai passé la nuit au poste, accusé « d’insulte au chef de l’État ». Si je relate aujourd’hui ce souvenir, c’est parce qu’il me semble significatif de cette période de l’histoire de France et des Juifs en France, et qu’il est important de ne pas déformer la mémoire de cette période.

Au-delà de la personne de Robert Badinter, qui n’importe guère, c’est en effet le bilan d’une époque historique et d’une politique qui sont en jeu. Les années Mitterrand resteront, dans l’histoire des Juifs de France comme dans l’histoire française en général, celles d’une grande confusion morale et politique. Celui qui a su s’entourer de nombreux ministres et amis juifs était resté également fidèle à ses amitiés de jeunesse, tissées à l’époque du régime de Vichy, ayant « conservé sa sympathie à René Bousquet », comme il l’avoua sans honte à Pierre Péan1. Or, si le procès de Vichy a depuis longtemps été fait en France, notamment grâce aux efforts incessants des époux Klarsfeld et des FFDJF2, mais aussi d’autres militants juifs de la mémoire, il reste à écrire l’histoire d’une période cruciale pour comprendre le déclin de la France (et celui de la communauté juive française).

Robert Badinter et François Mitterrand

Beaucoup des éléments essentiels de ce déclin se sont mis en place pendant les années Mitterrand. Ainsi, le « Nouvel antisémitisme », apparu sur le devant de la scène publique lors de « l’Intifada des banlieues », au début des années 2000, a été décrit dans deux livres importants : La nouvelle judéophobie, de Pierre-André Taguieff, et Les territoires perdus de la République de Georges Bensoussan. Si l’on prend la peine de relire les témoignages de professeurs réunis par ce dernier, on constatera que les phénomènes qu’ils décrivent sont apparus au début des années 1990, pendant le deuxième mandat de François Mitterrand. C’est en effet à cette époque – celle de SOS Racisme et de l’idéologie antiraciste triomphante – qu’a émergé cette configuration monstrueuse qu’Alain Finkielkraut devait décrire, bien plus tard, comme un « antiracisme antisémite ».

Pour comprendre comment la France est devenue ce qu’elle est aujourd’hui, pour comprendre l’assassinat de Sarah Halimi et l’attitude de la justice française à son égard (justice dont Badinter prétend aujourd’hui qu’elle est « incorruptible »…), pour comprendre comment l’antisémitisme a pu ressurgir avec une telle intensité et une telle violence, il faut aussi se rappeler qui était vraiment François Mitterrand, l’ami fidèle de René Bousquet, qui s’est entouré de Juifs et d’anciens vichyssois. Car c’est dans la confusion morale et politique des années Mitterrand qu’est né le Nouvel antisémitisme actuel.

Le « Nouvel antisémitisme », fruit tardif des années Mitterrand

Et Robert Badinter ?

Il a crié sa honte face aux militants juifs de la mémoire, mais il n’a jamais eu honte des fréquentations de Mitterrand, de la francisque et de la gerbe déposée chaque année à l’île d’Yeu, sur la tombe du maréchal Pétain. Au contraire, il s’est obstiné jusqu’à tout récemment à nier l’évidence – l’amitié entre Mitterrand et Bousquet – pour sauver le souvenir de sa propre amitié avec François Mitterrand3.

Il n’est pas le seul dans ce cas : la plupart des « Juifs de cour » qui entouraient Mitterrand ont, à des degrés divers, préféré sauver le souvenir de leur amitié et ne pas se dédire, plutôt que d’affronter leurs erreurs et celles de leur mentor et ami. Je ne citerai pas leurs noms, connus de tous. Mais leur responsabilité est grande, face à l’histoire du judaïsme français et face à son inquiétante situation actuelle.

Dans un petit livre tiré d’une émission de télévision intitulé Mitterrand à Vichy, Serge Moati donne ainsi la parole à Pierre Moscovici, qui rappelle l’ostracisme dont il a été victime au Parti socialiste, après avoir dit son écœurement en apprenant les révélations du passé vichyssois de Mitterrand. Robert Badinter, de son côté, fait la promotion de son nouveau livre, en évitant soigneusement de mentionner le nom de son ancien mentor, celui qui fut « l’ami » des Juifs de Cour tout en gardant intacte jusqu’à son dernier jour son amitié à René Bousquet, l’ordonnateur de la grande Rafle du Vél d’Hiv. L’ancien garde des Sceaux cultive ainsi un oubli bien utile, en prétendant faire « œuvre de mémoire »…

La mémoire de M. Badinter est, en l’occurrence, très sélective. PL

Pierre Lurçat, MABATIM.INFO

Mitterrand (à droite) et le maréchal Pétain, octobre 1942

1 Auteur du livre qui déclencha le scandale, Une jeunesse française, paru chez Fayard en 1994.
2 FFDJF : Fils et Filles des Déportés Juifs de France (NDLR)
3 Voir « François Mitterrand n’entretenait pas de relation avec Bousquet à Vichy », interview donnée au journal Le Monde 11.5.2011

6 commentaires

  1. Les juifs de cour ont toujours existé , combien se pressent au diner du Crif pour partager des petits fours avec les puissants et se faire endormir volontairement sous les dorures de la monarchie republicaine ?
    Badinter restera un de ceux la , un peu moins insignifiant que la moyenne , mais tout aussi venal et imbu de sa petite personne

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  2. J’avais 15 ans en 1981 lors de l’élection de François Mitterrand et, intéressé par l’Histoire et la politique, je savais tout de son passé vichyssois et de sa Francisque.
    Jacques Attali, Robert Badinter et Laurent Fabius ne savaient pas ? Mensonges !
    Il n’est pire aveugle que celui qui ne veut rien voir et pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.
    Ces juifs de Cour ont choisi leur ambition au prix du déshonneur.

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  3. Badinter à la mémoire courte ou à t il un debut de sénilité avec perte de mémoire lui l’ami intime et le ministre du pétainiste Mitterand ami de Bousquet qui était reçu régulièrement à Latché chez son ami de vichy Mitterand secrétaire d’ état du gouvernement de Pétain
    Sa sortie lors des attentats rue des rosiers «  vous me faites honte «  s’adressant aux juifs français l’a disqualifié à jamais pour donner des leçons de morale
    Cet homme qui a connu les camps aurait dû s’en souvenir et refuser de servir servilement un complice de bourreau .Mais l’ambition et le pouvoir l’ont emporté
    Nous infliger cette pièce est une honte mais les gens de gauche n’ont jamais honte puisqu’ils se prétendent détenir toutes les vertus surtout l’anti judaïsme dont il se défendent ou l’anti israélien dont il vote contre Israël des motions anti israéliennes et n’ont d’admiration que pour les terroristes arabes
    Toute la gauche est responsable de la situation antijuive et anti israélienne et cela surtout en Europe qui a toujours empêcher une paix entre Israël et les pays arabes voisins pour des raisons politiques et économiques de crainte de être remplacée par Israël
    Le président Trump.ne s’est pas trompé avec les accords d’Abraham pour contrer cette Europe chrétienne antijuive complice des allemands nazis et aujourd’hui islamo gauchiste nazie comme elle fut en1 939-45
    Alors Badinter cesser d’oublier vos amitiés y compris avec Dumas’ Vedrine , Hollande et les autres tous pourris mais s’étant bien enrichis quand ils avaient le pouvoir y compris Jospin et sa femme Agacinsky avec aussi un rapport commandé par Hollande sur l’état économique de la France dont on n’a jamais vu la moindre page!!!!

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  4. En 1992, j’avais 29 ans. Ce que vous décrivez je l’ai vécu aussi. La honte que j’ai ressentie devant l’insulte de Badinter à tous les juifs de France ce jour là, je la ressens encore aujourd’hui. Mon éloignement du parti socialiste date de cette période. Quant à ces laquais juifs au service de celui qui a conservé son amitié au pire des représentants de la collaboration nazie, ils sont au crépuscule de leur vie, condamnés d’ores et déjà par les français pour avoir contribué au déclin de notre pays. Badinter n’y échappera pas.

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  5. La disparition de la communauté Juive est bien avancée.L intérêt portée à cette communauté décline et laisse le champ libre à une communauté d importation vénérée par une large part de la population française « éduquée « par les politiques et tous les médias ,et autres décideurs de ce pays .

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  6. La gauche française a toujours été ambigüe sur la question de l’antisémitisme. Voir ‟L’antisémitisme à gauche – Histoire d’un paradoxe, de 1830 à nos jours” de Michel Dreyfus sur le blog Zakhor on line :
    https://zakhor-online.com/?p=7418
    Ses homologues au Royaume-uni et aux USA ne font pas mieux. Corbyn s’est fait virer comme un malpropre après avoir craché sur l’état hébreu et les Dems américains flirtent avec des antisémites patentés.

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