
Il ne se passe pas de jour sans qu’on apprenne qu’un nouveau meurtre a eu lieu dans la société arabe. Ce ne sont pas seulement les femmes qui se font assassiner lors de crimes d’honneur mais aussi les hommes et adolescents, parfois même des enfants qui se trouvent au milieu des tirs.
100 victimes de 2021 dans le secteur arabe. En légende : Assez ! 100 personnes ont été assassinées en 2021, Yediot Aharonot
Le professeur Mordekhai Kedar racontait qu’il y a quelques mois, il discutait par Zoom avec une de ses doctorantes. C’était déjà tard dans la soirée et les deux petits enfants de l’étudiante dormaient dans la chambre voisine. Tout d’un coup, dit-il, j’entendis des tirs. Je m’inquiétais,que se passe-t-il ?
« Rien que d’ordinaire, répondit la jeune femme, les hamoulot1 se battent entre elles… »
Et je pensais, continue Mordekhai Kedar,à ces deux enfants endormis derrière une fenêtre qui n’était pas à l’épreuve des balles… Et à la crainte quotidienne que devait ressentir cette jeune mère.
Pourquoi le secteur arabe est de plus en plus violent ?
J’ai déjà écrit plusieurs articles, expliquant combien la société arabe était divisée en ‘hamoulot et combien chaque ‘hamoula (clan) était hiérarchisée.
C’était tout à fait vrai jusqu’à ces dernières années. Mais cela l’est moins maintenant surtout dans les villages du Nord ou dans les villes mixtes comme Akko (Saint-Jean d’Acre) ou Haïfa où les Arabes sont en contact quotidien avec les Juifs. Les sociologues décrivent cette évolution comme celle d’une société en transition : un processus qui traverse une société qui a, en partie, abandonné ses normes précédentes mais n’en a pas encore créées de nouvelles, stables et acceptées par la majorité.
En effet : tant que la vie dans la ‘hamoula était la norme, cette dernière avait un double rôle : elle surveillait chacun de ses membres mais les aidait en cas de difficultés quelles qu’elles soient. Chaque membre devait obéissance aux plus anciens et en retour, l’entraide, y compris économique, était toujours présente.
Dans chaque famille il en était de même. Le grand-père était propriétaire de son affaire : artisanat, agriculture ou commerce. Les fils travaillaient avec lui et recevaient selon leurs besoins et les filles étaient mariées dans la ‘hamoula mais n’étaient plus prises en compte comme membre à part entière de la famille.
Mais tout a changé ces dernières années. Les fils ont parfois fait des études et ont quitté le village, et bien qu’ils se soient mariés selon les vœux de leur père, ils vivent en ville, formant avec leur épouse et enfants la famille nucléaire occidentale. Le grand-père est certes toujours honoré, mais il n’est plus le chef véritable de la famille. De plus, ceux qui n’ont pas réussi socialement et qui vivent toujours au village ne peuvent plus compter sur l’efficacité de la ‘hamoula qui s’effrite avec les années, mais uniquement sur l’aide de l’État et tout particulièrement, à l’heure actuelle, avec l’aide exceptionnelle attribuée suite aux difficultés provoquées par les deux années passées de corona.
En conséquence, perdus par la disparition de cette structure d’autorité et d’entraide2, beaucoup se tournent vers les trafics en tous genres, s’organisent en bandes armées. Ils constatent vite qu’une journée de trafic rapporte bien plus qu’une journée de travail et ils en oublient l’une des règles essentielles de la ‘hamoula :
« tu ne toucheras pas à quelqu’un de ton groupe ! »
Ce qui est intéressant, c’est que les Bédouins du Néguev, qui sont extrêmement agressifs avec les Juifs3, le sont beaucoup moins entre eux, car ils sont bien moins en contact avec la société moderne juive qui est une société libre et occidentale que ne le sont les Arabes de Galilée.
Comme leurs ’hamoulot ont gardé leur pouvoir et règlent tous les problèmes en interne, c’est dans ce groupe que les femmes sont le plus mal loties (elles osent bien moins s’adresser à la police ou aux services sociaux), mais c’est aussi dans ce groupe que les règlements de compte dans les rues sont les moins nombreux, bien que dernièrement, la ville bédouine de Rahat ait connu de véritables scènes de western en plein centre : l’une de ces batailles rangées s’est même terminée à hôpital Soroka de Beer-Sheva où avaient été transportés les blessés.
(Vidéo non visible en Europe : Le maire de Rahat demande des policiers juifs et non pas arabes. Il y a quelques années, il demandait des policiers arabes !)
La deuxième raison de cette violence interne est l’abandon des valeurs religieuses.
Cela peut sembler curieux vu de l’extérieur mais de nombreux musulmans ne respectent plus vraiment les valeurs et les règles de l’islam. Certes, ils ne le font pas ouvertement car cela leur vaudrait des ennuis de la part de leurs proches. Mais on le voit par exemple dans la consommation d’alcool qui est devenue très préoccupante chez les jeunes musulmans, le non-respect du jeûne du Ramadan (cela aussi en secret) et la piètre fréquentation des mosquées y compris le vendredi.
Bien sûr, certains jeunes deviennent de plus en plus dévots mais leur nombre est minime par rapport à cette population.

Quant à ceux qui se réfèrent sans cesse à El Aqsa et commettent des violences en son nom, c’est surtout par idéologie politique, comme eux qui ont été photographiés entassant des munitions dans la mosquée d’El Aqsa elle-même, chaussures à leurs pieds.
Dans sa conversation avec Mordekhai Kedar, cette étudiante arabe a ajouté qu’en plus, les Arabes israéliens n’ont pas de sentiment d’appartenance à l’État d’Israël :
Pour eux, l’État d’Israël c’est le collectif juif : l’hymne national, les fêtes, la langue, le shabbat, etc. Toutes ces valeurs sociales que nous, Juifs, nous respectons, ils les ressentent comme étant les nôtres et pas les leurs. Il en est de même pour chaque évènement social ou religieux qui nous rattache effectivement à notre identité juive : Pessah, Hanoukka, Pourim, Chavouot, le shabbat, les bar et bat mitsva… sans oublier Yom Hashoah, Yom Hazikaron (Jour du souvenir) et Yom Haatsmaout (Jour de l’Indépendance) !
Le fait que pour les fêtes chrétiennes et musulmanes, la télévision consacre une bonne partie de ses émissions à ces sujets avec des journalistes arabes et qu’il y ait des programmes en langue arabe tous les vendredis n’y change rien. Israël concerne les Juifs et non pas eux.
Ils nous disent aussi que lorsqu’ils payent des impôts, ils les payent au pays des Juifs…
Ils nous reprochent le fait que l’arabe ne soit pas la langue officielle du pays bien qu’elle soit langue d’usage4 et utilisée dans les écoles arabes ainsi que dans tout le service public par des fonctionnaires arabophones.
Notre hymne national évidemment !
L’hymne national ? Nous n’avons jamais obligé quiconque de chanter
« aussi longtemps qu’en nos cœurs vibrera l’âme juive, et tournée vers l’Orient, aspirera à Sion… »
D’ailleurs, ils ne le chantent pas, à l’instar de Salim Joubran, juge à la Cour Suprême qui disait :
« Qu’est ce que j’ai à voir avec l’âme juive ? »
Il y a en fait, dans leurs revendications, beaucoup d’excès et d’hypocrisie, mais elles sont aussi très révélatrices d’une société qui n’arrive pas à trouver sa propre identité et à se construire.
L’abandon de ce que nous sommes ne sera bon
ni pour nous, ni pour eux.
Alors que faire ?
Israël a été construit par des Juifs et par idéal sioniste. Le retour à Sion devait nous permettre, comme on le dit, de לבנות ולהבנות (livnot oulehibanot), de construire et de nous construire. Et ce n’est pas en devenant post-sioniste et en détruisant notre identité que nous aiderons les populations arabes à se construire. L’abandon de ce que nous sommes ne sera bon ni pour nous, ni pour eux.
Un État-nation comme la France a mis des siècles pour se construire lentement autour de la culture dominante, et a absorbé parfois par la contrainte les cultures dominées des provinces. Quand les manuels de l’école publique nous apprenaient que nos ancêtres étaient des Gaulois qui vivaient dans des huttes rondes, nous n’avons pas sourcillé, car nous faisions naturellement la différence entre l’ancêtre mythique de la nation française et nos ancêtres biologiques.
Mais, malheureusement, les Arabes ne peuvent pas accepter le fait que nous ayons une histoire dans laquelle ils ne sont pas les dominants.
Devons-nous agir comme le firent autrefois les Français lorsqu’ils empêchaient par exemple les Bretons de bretonner ? Non, les temps ont changé et, de plus, nous vivons au Moyen-Orient et non pas en Europe. Je pense au contraire qu’il faut opposer à toutes ces revendications une identité forte, nous ne prenons la place de personne, nous voulons simplement la nôtre et il y a de la place pour eux aussi, avec leurs différences.
…il faut opposer à toutes ces revendications une identité forte : nous ne prenons la place de personne, nous voulons simplement la nôtre et il y a de la place pour eux aussi, avec leurs différences…
Il est temps pour nous de revenir à nos fondamentaux, et au texte de la déclaration d’Indépendance, lu par David Ben Gourion, le 5 iyar 5708 (14 mai 1948)5
« ERETZ-ISRAËL est le lieu où naquit le peuple juif. C’est là que se forma son caractère spirituel, religieux et national. C’est là qu’il réalisa son indépendance, créa une culture d’une portée à la fois nationale et universelle et fit don de la Bible au monde entier… Motivés par cet attachement historique, les Juifs s’efforcèrent, au cours des siècles, de retourner au pays de leurs ancêtres pour y reconstituer leur État. Tout au long des dernières décennies, ils s’y rendirent en masse : pionniers, maapilim6 et défenseurs. Ils y défrichèrent le désert, firent renaître leur langue, bâtirent cités et villages et établirent une communauté en pleine croissance, ayant sa propre vie économique et culturelle. Ils n’aspiraient qu’à la paix, encore qu’ils aient toujours été prêts à se défendre. Ils apportèrent les bienfaits du progrès à tous les habitants du pays. Ils nourrirent toujours l’espoir de réaliser leur indépendance nationale.
En 1897, inspiré par la vision de l’État juif qu’avait eue Théodore Herzl, le premier congrès sioniste proclama le droit du peuple juif à la renaissance nationale dans son propre pays. Ce droit fut reconnu par la Déclaration Balfour du 2 novembre 1917 et réaffirmé par le mandat de la Société des nations qui accordait une reconnaissance internationale formelle des liens du peuple juif avec la terre d’Israël, ainsi que de son droit d’y reconstituer son foyer national…
C’est de plus, le droit naturel du peuple juif d’être une nation comme les autres nations et de devenir maître de son destin dans son propre État souverain…
L’État d’Israël sera ouvert à l’immigration des juifs de tous les pays où ils sont dispersés ; il développera le pays au bénéfice de tous ses habitants ; il sera fondé sur les principes de liberté, de justice et de paix enseignés par les prophètes d’Israël ; il assurera une complète égalité de droits sociaux et politiques à tous ses citoyens, sans distinction de croyance, de race ou de sexe ; il garantira la pleine liberté de conscience, de culte, d’éducation et de culture ; il assurera la sauvegarde et l’inviolabilité des lieux saints et des sanctuaires de toutes les religions et respectera les principes de la charte des nations unies… »
Heureusement, il en est de la société arabe ce qu’il en est de toute société : elle n’est pas homogène.
Ma fille discutait de ce problème avec une des étudiantes en droit de l’université hébraïque, une jeune femme arabe de Galilée. Après lui avoir parlé de ce malaise des jeunes arabes qui ne se sentent pas partie prenante du pays, elle a eu cette conclusion inattendue :
Je pense que tous les Arabes devraient faire leur service militaire et pour le moins le service civil, exactement comme les Juifs.

Utopie ?
Peut-être, mais il est vrai que de plus en plus d’Arabes s’engagent dans Tsahal,

y compris des jeunes filles dont certaines deviennent officiers
Ci-dessus Ella Wawaiya en compagnie de Youssef Haddad de Nazareth, qui lui est chrétien et sioniste et a servi dans les Golani7.
À bientôt, HB♦
Hannah, Boker Tov Yerushalayim
28/6/2022
Voir aussi :
Mordekhai Kedar : « la guerre d’indépendance d’Israël n’est pas terminée »
1 ‘Hamoula : structure clanique de la société arabe israélienne et palestinienne : https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2018/02/16/une-nation-palestinienne/
2 C’est aussi le cas dans la ville de Djénine en Samarie : https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2022/04/21/djenin-ou-ein-ganim/
3 Les Bédouins du Néguev :
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2022/01/18/que-se-passe-t-il-dans-le-neguev/
4 Le statut de la langue arabe:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2019/02/07/la-loi-de-la-nation-ou-la-vertu-du-nationalisme/
5 Texte entier de la déclaration d’Indépendance :
https://www.axl.cefan.ulaval.ca/asie/israel-declaration-indep-1848.h
6 Les maapilim :
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2016/06/17/des-livres-blancs-mais-pas-tres-propres/
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2022/05/09/la-revolution-nationale-juive-et-ses-penseur2-5/
7 Les Golani:
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2015/09/18/les-trois-crimes-de-damas/
https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2012/08/02/le-nord/