Censurée, une ONG traîne l’ONU en justice

[26 octobre 2022]

Le Français Eric Tistounet, chef de cabinet du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU depuis sa création en 2006, est accusé d’avoir harcelé les membres de l’ONG UN Watch et d’avoir manipulé de manière obsessionnelle les listes d’orateurs pour les empêcher de s’exprimer. UN Watch a porté plainte.

Il était une fois un Conseil des Droits de l’homme (UNHRC)

Il disait être né en 2006, mais c’était coquetterie de sa part, car il avait seulement changé de nom. Le précédent était « Commission des Droits de l’Homme ».

Celle-ci avait été créée « en 1946 afin de mettre en place la trame juridique internationale qui protège nos libertés et droits fondamentaux (ONU Conseil Droits de l’Homme) ».

Était-ce pour invisibiliser sa précédente féminitude que cet organisme avait changé son matronyme en patronyme ? Non. Le Conseil avait pris la place de la Commission pour remettre un peu d’ordre, en contrebalançant

« l’approche sélective qui guidait ses travaux, sa politisation, avec pour corollaire sa polarisation »

et en apportant

« plus de transparence à la politique des droits de la personne des États » candidats à devenir membres du Comité : 13 Africains, 13 Asiatiques, 13 Latino-américains, 8 Caribéens, 6 Européens de l’est et 7 Européens de l’ouest + « autres » (notamment les USA) (Cairn Info).

Il ne s’agissait pas des régions où le Conseil serait amené à enquêter, mais de celles d’où viendraient ceux qui y prennent les décisions.

Ceux qui ont remarqué que les régions où se concentrent les démocraties sont défavorisées, levez la main ! Vous avez gagné : en 2022, les démocraties représentent 31,9 % des États membres (UN Watch). Parmi les autres on peut citer l’Érythrée, la Somalie, la Libye, la Mauritanie, le Soudan, la Chine, le Pakistan, la Russie, la Bolivie, Cuba, le Venezuela, le Qatar et les États arabes unis (Wikipédia), au nombre de ceux qui partagent au mieux le souci de leur population et le respect de leurs voisins.

UN Watch est la police des polices de l’ONU

United Nations Watch est une organisation non gouvernementale basée à Genève, dont le mandat est de surveiller les performances des Nations Unies à l’aune de leur propre charte. Elle a été fondée en 1993 par un militant des droits civiques, Morris B. Abram, ancien représentant permanent des États-Unis auprès de l’ONU, qui en est toujours président, mais c’est Hillel Neuer qui en est le directeur exécutif, c’est-à-dire la cheville ouvrière.

UN Watch participe activement à l’ONU en tant qu’ONG accréditée avec un statut consultatif spécial. En collaboration avec 20 autres ONG internationales, elle organise chaque année le Sommet de Genève pour les Droits de l’Homme et la démocratie. Lancée en 2009, cette conférence annuelle sur les Droits de l’Homme rassemble des défenseurs des Droits de l’Homme, des victimes, des militants et d’anciens prisonniers politiques.

UN Watch est un leader à l’ONU dans la lutte contre l’antisémitisme et elle fait campagne auprès des organes mondiaux contre toutes les formes de racisme et de discrimination (UN Watch).

Hillel Neuer avait remarqué, en 2006, que le Département de l’information publique de l’ONU avait distribué un document promettant que

« le point de l’ordre du jour n°8 visant Israël(UN Watch) »de l’ancienne Commission des droits de l’homme, serait supprimé.

En réalité, au changement de sexe du sous-club du Machin, ce point 8 est simplement devenu le point 7 :

« Chaque session du Conseil des droits de l’homme des Nations unies consacre un point spécial de l’ordre du jour à la « situation des Droits de l’Homme en Palestine et dans les autres territoires arabes occupés », qui est définie par la résolution 5/1 du CDH comme couvrant ‘les violations des Droits de l’Homme et les incidences de l’occupation par Israël de la Palestine et des autres territoires arabes occupés’. Les neuf autres points de l’ordre du jour permanent du Conseil sont tous génériques et ne font pas référence à un pays ou une situation particulière. Il n’y a pas de point spécial à l’ordre du jour sur l’Iran, la Syrie, la Corée du Nord ou tout autre pays. Il n’y a qu’Israël.(UN Watch) »

6 octobre 2022, UN Watch porte plainte contre le chef de cabinet du UNHCR (CNS News)

L’homme se nomme Eric Tistounet. Ce Français est particulièrement attaché à la stigmatisation de l’État juif, à travers l’article 7. Est-ce un hasard ?

La plainte de UN Watch arrive pour le premier anniversaire d’un incident qui a vu l’ONG, en la personne de Hillel Neuer, censuré lors de son intervention au Conseil des Droits de l’Homme lors du point 7 : il dénonçait l’incitation à la haine anti-juive de certains enseignants de l’UNRWA, l’agence de l’ONU exclusivement consacrée aux réfugiés palestiniens.

Le chef de cabinet Éric Tistounet avait invoqué un délit de sale gueule pour pousser les présidents de séance à harceler UN Watch.

Il« était pleinement conscient que son conseil aux présidents successifs de réprimander UN Watch pour avoir désobéi à des règles était faux, et qu’aucune règle n’était en fait enfreinte », déclare un témoin cité par UN Watch dans sa plainte.

Quand un orateur est interrompu, on retire le temps de cette interruption de son temps de parole.

« M. Tistounet a donné l’instruction permanente de ne pas appuyer sur le bouton pendant les discours d’UN Watch, mais de considérer que leur temps de parole devait continuer pendant le point d’ordre ».

Donc, quand quelqu’un interrompait l’orateur de UN Watch, le temps de parole du contradicteur était attribué à l’ONG qui en était victime.

« Cette instruction ne s’appliquait qu’à UN Watch »,explique un autre témoin.

À l’appui de sa plainte, UN Watch a produit les listes d’orateurs pour les sessions 2021-2022 de l’ONU, démontrant comment M. Tistounet avait falsifié les listes d’orateurs générées par le système d’enregistrement informatisé, afin d’empêcher UN Watch de s’exprimer.

Lors de la 50ᵉ session qui s’est tenue en juin-juillet 2022, par exemple, UN Watch s’est inscrit pour 36 débats avec des experts de l’ONU, mais on ne lui a jamais donné la parole, alors que d’autres ONG, qui avaient demandé moins d’interventions, ont reçu jusqu’à 10 créneaux de parole.

Un scoop dont personne ne veut

La demande de UN Watch au Secrétaire général de l’ONU porte donc sur l’organisation d’une enquête indépendante et la suspension immédiate de M. Tistounet de ses fonctions pour la durée de l’enquête.

« Nous demandons que des mesures correctives soient prises pour que UN Watch puisse à nouveau exercer son droit de parole au Conseil des droits de l’homme de l’ONU sur un pied d’égalité avec toutes les autres ONG ».

Cet incident inédit a été largement répercuté et commenté dans la presse anglophone.

Curieusement, elle est absente des résultats de recherches en français :

Copie d’écran effectuée le 8 octobre 2022 à 13h30

Est-ce parce que le suspect est français ou parce que la victime est antipathique aux médias ?

Les deux, mon secrétaire Général de l’ONU ! LM

Liliane Messika, MABATIM.INFO


Une partie de cet article est parue sur Causeur

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Un commentaire

  1. Excellent article qui décrit la pratique scandaleuse d’un diplomate français. La question est : agit-il par conviction personnelle ou sinon de qui prend-t-il ses ordres ?

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