Jénine : mort d’un médecin généraliste

[28 octobre 2022]

Qui n’en veut de mon info ?

L’information est un marché comme les autres, avec son offre et sa demande.

Quand les journaux étaient imprimés, la place était comptée au signe près. Internet a changé à la fois le volume et la vitesse de publication. Les notions de quotidien, hebdo et mensuels ont perdu toute pertinence. La place, elle, est illimitée.

On peut donc lire tout et n’importe quoi, mais les médias mainstream, maintenant électroniques, continuent de bénéficier d’une aura de respectabilité, datant de l’époque (révolue) où ils vérifiaient leurs sources.

Aujourd’hui, de plus en plus de journalistes considèrent que leur mission n’est pas d’informer, mais de guider le troupeau du public vers le juste et le bon, qui poussent exclusivement dans le pré carré de leur idéologie.

C’est pourquoi certaines informations ne passent pas, ou seulement de façon partielle, le crible de leur bien-pensance, y compris quand elles sont accompagnées de preuves tangibles.

Et qui n’en veut pas ?

La mort du docteur Abdallah Abu Tin fait partie de ces scoops juteux, mais ignorés.

Pourtant il cochait toutes les cases de ce qui justifie, chez nous, de faire la Une : il a été tué le 14 octobre 2022 dans la ville de Jénine (qu’on appelle « camp de réfugiés » en français) lors d’une opération de l’armée israélienne à la recherche de terroristes.

Un médecin tué par les Israéliens, et les médias français n’en font pas des tonnes ?

Cherchez l’erreur !

L’erreur, on l’a trouvée dans le timing : entre le vendredi où la mort du bon docteur a été annoncée par le ministère de la Santé palestinien au son des tambours, trompettes et menaces, et les Unes du lundi matin, seuls les médias américains avaient eu le temps de dégainer :

« Un médecin fait partie des deux Palestiniens tués dans une fusillade lors d’un raid israélien en Cisjordanie (National News). »

Avant que leurs confrères français leur emboîtent le pas, la contradiction avait rendu l’info impubliable. Pas la contradiction de Tsahal : celle-ci a plutôt valeur de confirmation. Non, la Brigade des martyrs d’al-Aqsa, une des milices créées par Yasser Arafat que même l’Union européenne a classée terroriste, a révélé que le médecin n’était pas seulement un généraliste, mais aussi un spécialiste de la la mitrailleuse.

Le groupe terroriste a même publié, sur son média crypté, Al-Aqsa Martyrs Brigades Telegram channel, une affiche représentant le signataire du serment d’Hippocrate armé de 5 fusils d’assaut (oui, cinq : un dans chaque main, un autour du cou et deux en bandoulière).

Conseil aux apprentis journalistes

Une fois les circonstances de sa mort éclaircies, le médecin ne présentait plus aucun intérêt pour les journagandistes français.

Quand on pense au battage médiatique qui a suivi la mort de la journaliste Shireen Abu Akleh, tuée dans un échange de tirs entre terroristes palestiniens et soldats israéliens, on mesure l’importance du coupable dans la hiérarchie des Unes.

« no Jews, no news… »

Prenez-en de la graine, élèves journalistes et jeunes pigistes : peu importe le « quoi », le « quand », le « comment » et surtout le « pourquoi ». Si vous voulez être engagé dans un quotidien de référence, ne regardez que le « qui », réel ou potentiel. Dans cette catégorie-là, « no Jews, no news », pas de Juif, pas d’info.

Bonne chance ! LM

Liliane Messika, MABATIM.INFO

Une petite partie de cet article a été publiée sur Causeur

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