
[Beershéva, 30 mars 2023]
Qu’arrive-t-il à Israël ?
Soixante-quinze ans, pour un pays, c’est jeune. Et si Israël faisait sa crise d’adolescence ? Combien de temps ça dure, une crise d’adolescence, à l’échelle d’un pays ? Cent ans ? Cinq cents ? S’agit-il un problème de communication, ou d’autre chose, par exemple et au hasard, un problème d’identité ? Le rêve sioniste qui a ramené les Juifs chez eux après dix-neuf siècles d’errance et de persécutions, ce rêve que nous avons nourri si longtemps et qui nous a soutenus et consolés, de génération en génération, va-t-il maintenant s’éteindre, après s’être réalisé ? À cause de visions du monde trop opposées, de conceptions contradictoires de ce que doit être notre pays ? Comment expliquer la crise qui traverse actuellement notre pays, à quelques semaines de Yom Haatsmaout, jour de la fête de l’Indépendance ?
Bien poser les termes d’un problème c’est déjà le résoudre à moitié, dit-on. Seulement voilà, cette fois, la crise est profonde, et c’est probablement « la plus sérieuse que l’on ait connue depuis la fondation de l’État d’Israël, voilà bientôt 75 ans ». C’est en tout cas le constat que font quelques-uns des participants au débat de ce soir, 30 mars, à Jérusalem, dans une présentation ce mercredi 28 mars à la radio Qualita.
Constat
Quel est le problème et comment se manifeste-t-il ? Nous avons des troubles, ici : des manifestations géantes, de la violence verbale et quelquefois physiques, les flics usant comme partout souvent de brutalité envers les manifestants. La routine. Des insultes de part et d’autre, des limogeages, des renvois d’ambassadeur, des menaces de blocage du pays, de grève générale, d’insubordination dans l’armée, de refus de servir, et l’exacerbation des tensions est à son comble. Sauf que Bibi n’est pas Macron, et qu’il a fini par céder aux manifestants, en acceptant lundi soir de geler la réforme, pour calmer le jeu. Jusqu’à l’été. Contrairement au président français, Bibi est un fin stratège et s’il a décidé de suspendre momentanément la réforme c’est parce qu’il veut, à mon avis, gagner du temps, et permettre au soufflé de redescendre un peu… Le temps que le fils Biden se fasse rattraper par les affaires ? Le temps que les scandales liés à Fauci et à la pandémie éclate, aux États-Unis et que Trump reprenne le pouvoir ? Le temps de faire de la hasbara (expliquer de manière pédagogique) et d’inonder Facebook et Tiktok de vidéos virales dont il a le secret…? Je ne sais trop, en tout cas, sa stratégie est de céder du terrain, momentanément, pour mieux le regagner ensuite je suppose. J’en suis sûre.
Abcès ? Déchirure ?
Asher Zelmati, qui est coach, propose une rencontre-débat ce soir dans une synagogue, à Jérusalem, à laquelle vont participer plusieurs intervenants, dont madame Chetrit, psychanalyste, et Léon Rosenbaum, qui est avocat et qui a un blog très intéressant, ils sont tous deux dans le pays depuis plus de 40 ans. D’autres invités sont prévus, car pour un débat équilibré il y aura des représentants de chaque camp. Celui des pour et celui des contre.
Asher explique que l’idée de la rencontre lui est venue à la suite du constat de la douleur, de la souffrance liées au manque d’acceptation de l’autre : le vivre ensemble est souffrant, problématique. Le peuple doit retrouver son unité, selon lui, par-delà les divisions.
https://www.facebook.com/Qualita/videos/914656293109141/
Méthodologie
En regardant cette présentation du débat qui aura lieu ce soir, je me demande si c’est la bonne méthode, de partir du constat de la souffrance, de la douleur, pour établir un bon diagnostic. De quoi souffre le pays ? Quand on a une maladie, la souffrance et la douleur sont des conséquences, non la cause. Me semble-t-il. Ainsi, la fièvre, la souffrance et le délire sont des signes cliniques, des signes qui doivent nous alerter, certainement, mais des symptômes et non le mal lui-même. Pourquoi s’occuper de la déchirure ? Qu’a-t-on à y gagner ? S’attaquer aux symptômes, n’est-ce pas comprendre le problème de manière superficielle ?
La façon dont on pose le problème est donc, je crois, déterminant : tenter de rabibocher tout le monde en prenant exclusivement en considération la souffrance, c’est traiter le symptôme et non la cause. Et ce ne sera pas suffisant. Mais les médecins urgentistes doivent recoudre les plaies et suturer rapidement sans s’intéresser à l’origine de la plaie, couteau machette ou caillou tranchant, peu importe, il faut désinfecter et recoudre.
Y a-t-il urgence ?
En médecine d’urgence, la priorité est de sauver la vie du patient, et en parlant de pronostic, je voulais dire que qualifier la crise de « grave » n’est pas suffisant : les blessures sont-elles superficielles ? Ou profondes ? La vie du patient est-elle menacée, selon la formule consacrée, ses jours sont-ils en danger ?
Honnêtement, je ne le crois pas.
Le déclencheur : la crise de la réforme, laquelle est jugée « dangereuse » puisqu’elle « enlèvera le pouvoir à la Cour Suprême ». C’est une interprétation qui vaut ce qu’elle vaut, et en tout cas une affirmation que l’on entend souvent, surtout dans les médias étrangers. Pour eux, réforme égale coup d’État judiciaire, changement inacceptable du fonctionnement judiciaire, danger pour la démocratie. Ce point de vue ne relève-t-il pas en réalité d’une guerre des narratifs ?
Autre élément déclencheur, le retour de Bibi aux affaires depuis le 1ᵉʳ novembre : une claque retentissante pour la gauche, battue et humiliée comme jamais, le Méretz éliminé, carrément, avec zéro député. Du coup ces gens manifestent et contestent la légitimité du gouvernement, pourtant démocratiquement élu, aux cris de Dé-mo-kra-tia ! Ce que je trouve comique : des Juifs hurlant en grec… Ils sont fous ces Romains, oui, mais ces Israéliens, encore plus. Pensez ! La Cour Suprême serait menacée ! Un cri de ralliement, du genre de celui des islamistes ici, « al-Aqsa est en danger !! » (Ce qui signifie en clair « mes frères allons égorger les Juifs ! » comme chacun sait ou devrait).
« Sans contre-pouvoir, plus de démocratie »
C’est leur slogan. Mais d’où vient-il ?
La gauche veut bloquer pour bloquer. Pourquoi ? Les faits sont têtus. Bibi a renoncé pour le moment à la réforme, mais la gauche et les mondialistes qui les manipulent continuent à menacer, à demander la tête de Bibi. Je suis d’accord avec Asher, qu’il faut un dialogue, qu’il faut se parler, sans nier l’existence du conflit, mais fondamentalement, notre problème peut-il être réglé par la communication ? Fût-elle « non-violente » ? N’est-ce pas lui attribuer un trop grand rôle ? Et puis, les dés ne sont-ils pas pipés ? La gauche impose son narratif depuis si longtemps, elle qui possède les médias, l’éducation, l’administration, la justice et même le high tech à présent, elle a même réussi à décréter la grève générale ; à mettre 600 000 personnes dans la rue. Des gauchistes « tout sauf Bibi ». Or, derrière les gauchistes il y a les mondialistes coupés des racines et de la terre. Pour lesquels l’identité est un concept suspect. Surtout l’identité juive. Qui a-t-il derrière cette « démokratia » qu’ils réclament à cor, à cris et à roulements de tambour ? Maître Rosenbaum rappelle que la démocratie, elle, est en panne depuis longtemps, car en dernière analyse, c’est la Cour Suprême qui dirige le pays. Spécialement depuis 30 ans avec la refonte entreprise par Aharon Barak. Je rappellerai pour ma part qu’il y a trois ans, tout a basculé avec la prétendue « crise sanitaire » : l’imposition du passe vert et de l’injection expérimentale obligatoire pour tous étaient-elles bien démocratiques ? N’y a-t-il pas eu manipulation et la fameuse démocratie dont tout le monde se soucie tant en ce moment n’a-t-elle pas en réalité été gravement bafouée, ses citoyens vendus autoritairement à un labo par son chef d’État, en une sorte de deal vraiment dégueulasse écœurant dans lequel le peuple n’a pas eu son mot dire ?
Ce dont souffre ce pays c’est, dit Rosenbaum, de l’activisme de la Cour Suprême, qui dirige en réalité le pays à la place de la Knesset. Je crois que Rosenbaum a raison. Je dirais même plus, cette Cour est une sorte de secte. Secte, ça veut dire coupé, étymologiquement. Coupé du pays, coupé du peuple et de ses aspirations : depuis cet habitacle, ces 9 juges non-élus dirigent le pays, rejetant les lois qui leur paraissent déraisonnables : ils s’opposent, par exemple, quasiment systématiquement à la démolition des maisons des terroristes en suspendant régulièrement et au dernier moment l’ordre de démolition. Demi-tour, soldats !
Ce soir, il y aura les pour, contre les contre : les sionistes défendent la réforme, parce qu’ils savent que la Cour Suprême n’est pas le contre-pouvoir qu’on prétend qu’elle est, mais plutôt un pouvoir autoritaire et illégitime. Puisque le peuple ne l’a pas élu. Qu’ils soutiennent le gouvernement, qui a besoin, pour gouverner réellement, de se libérer de l’emprise de la Cour Suprême, véritable gouvernement des Juges.
Les autres (gauchistes ? Antisionistes ? Les deux mon colonel ?) diront que pas du tout, si cette réforme est voulue par Nétanyahou c’est qu’il veut tourner les institutions à son avantage pour échapper aux procès dont il est menacé depuis quelques années. Ce qui à moi me paraît ridicule et puéril, comme façon de voir. Le juge Lévine travaille sur cette question de la réforme depuis environ vingt ans !
Se poser les bonnes questions
À mon avis, il y a des questions dont on ne pourra pas faire l’économie :
— Sommes-nous encore un pays indépendant ?
— Sommes-nous un pays libre ?
— Est-ce que nous devons vivre comme les Nations ? Ou bien devons-nous garder notre spécificité ? Est-ce que nous voulons encore d’un pays juif, et à quelles conditions l’établir ? Et surtout, le défendre ?
— Est-ce que nous voulons bannir la religion de l’espace public, comme en France et comme le réclame une certaine frange de la population ? Ou au contraire, promulguer de nouvelles lois concernant la cacherout (qui « cache la route » selon Manitou) et maintenir celles qui existent en continuant par exemple à ne pas fournir de transports publics pendant Shabbat ? Est-ce que les gauchistes n’auraient pas raison en nous accusant de vouloir faire d’Israël une théocratie ?
— Quelle place veut-on pour la religion, puisqu’il y a des religieux c’est qu’il y a une religion ! Même si être juif ce n’est pas appartenir à une religion… mais à un peuple.
— Le peuple a voté. Il a exprimé clairement qu’il ne voulait pas des deux rigolos en alternance, mais d’un gouvernement de droite, traditionaliste, qu’il en a assez du woke, des trans – des mensonges et de la chienlit comme dirait l’autre.
— Que dirait Manitou s’il était là ?
Depuis des années, Asher commente, chaque semaine, la paracha. Il a été l’élève de Manitou, a étudié à Mayanote, l’École fondée par le Rav Léon Ashkénazi, alias Manitou. Il va forcément se situer ce soir par rapport à son enseignement.
Le but est de « faire prendre conscience », dit-il. De quoi, du manque de dialogue ? Mais à quoi ça sert de parler, dans ces conditions ? L’unité du peuple ne se décrète pas, elle se fait face à un danger collectif par exemple, le Hamas, l’Iran, le corona… l’ingérence de Biden, de l’Europe, et non en serrant la main à nos ennemis. Prendre conscience, oui, mais d’abord, et surtout, des dangers qui nous guettent, l’infiltration des gauchistes à tous les étages, c’est comme des termites, ils ont rongé tout l’édifice… Pas d’angélisme ! Nous avons des ennemis y compris dans notre propre peuple, oui, reconnaissons-le. L’idéologie post-sioniste a gagné toutes les couches de la société. Quant à la Cour Suprême, elle n’a pas à être défendue parce que c’est un tyran qui est tout sauf à notre service ! Qu’on puisse la prendre pour un contre-pouvoir, c’est comique. La demoiselle est en danger, ce vilain Bibi veut l’emprisonner, vite, sauvons-là des griffes de ce raciste d’extrême droite intolérant, de ce dictateur fasciste et corrompu qui veut en réalité la bâillonner pour pouvoir mieux la violer !
Viviane Chétrit, la psychanalyste invitée, dit que le conflit couve depuis le début, en réalité, que l’abcès s’est « fabriqué au fil du temps », qu’il s’est infecté, et qu’il « éclate à la faveur de cette situation clivée » : le collectif n’est pas en bonne santé », dit-elle, « et il a envie peut-être de le devenir ». Faudra-t-il allonger le pays sur un divan ?
« Les Juifs sont arrivés dans le pays traînant un vécu traumatique transgénérationnel, la guerre d’Algérie, pour les séfarades, la Shoah pour les ashkénazes », rappelle-t-elle.
Des gens de conditions et de convictions fort différentes. Israël est, dès le début, un melting pot. Une mosaïque humaine extraordinaire. Mais les questions identitaires non-réglées finissent par ressortir, retour du refoulé, le coup classique : ce à quoi on évite de penser, ce que l’on passe sous silence vous revient en pleine poire avec une force proportionnelle à l’énergie mobilisée pour le refouler.
Si on tient vraiment à psychologiser, je dirais plutôt qu’on a affaire à une manifestation de deux « syndromes du Sauveur » antagonistes : l’un veut sauver la Cour Suprême, l’autre veut sauver la Knesset et les intérêts du pays, qui sont principalement selon moi d’avoir une souveraineté juive. Le syndrome du Sauveur, dont le peuple juif est spécialiste, de Jésus à Bibi, qui doit remettre les clefs de la prochaine Knesset à Mashiah lui-même, selon une prédiction (une prophétie?) du Rabbi de Loubavirch, qui ne s’est jamais trompé, a encore frappé. Bibi veut sauver le pays en le débarrassant de la tyrannie de la Cour Suprême, tandis que les gauchistes prétendent, eux, sauver la Cour Suprême, victime des agissements méprisables et condamnables de Bibi, qui veut la violenter. Ce vilain pas beau.
Selon le fameux triangle dramatique (Karpman), que vous connaissez sûrement, (la triade bourreau/ victime/ sauveur) les rôles sont distribués selon un scénario, mais ne sont pas figés, la victime pouvant se transformer en persécuteur, par exemple ; le persécuteur ou bourreau, quant à lui, usant tour à tour de chantage, menaces et harcèlement. La victime, passive et malheureuse, cherchant un sauveur… Comment sort-on de ce maudit triangle ?
En exposant la fraude. La perversion et la manipulation de certains. En expliquant cette concurrence des sauveurs. En mettant en lumière le rôle néfaste joué par les ONG financées par le milliardaire Soros, les Betsellem, les Shovrim Shtika et consort, et toutes celles, innombrables, qui dépendent de l’Europe pour leur financement.
Donc, mondialisme contre souverainistes, les souverainistes veulent sauver le pays, les mondialistes veulent sauver le Système. Et évidemment, ils ne veulent surtout pas d’un État juif, ce qu’ils veulent, au contraire, c’est l’annihiler ! À sa place, décréter un état binational ! Israël selon eux devrait être « l’état de tous ses citoyens », en clair, terminé la souveraineté juive ici ! C’est le plan qu’ils exécutent, patiemment, presque insensiblement, depuis trente ans et ces maudits Accords d’Oslo, dont on commémore ces jours-ci la signature ! Allons-nous les laisser faire ? Je crois pas qu’on aura la paix ici en renonçant à la terre, comme le pensant les gauchistes qui veulent renoncer à la Judée-Samarie, qu’ils persistent à appeler Cisjordanie, habitée selon, eux par des colons (d’extrême-droite) qui font rien qu’à faire de l’occupation, et où ils prétendent édifier un énième État palestinien. Ni en faisant des concessions douloureuses : on les a faites et ça n’a pas marché. Si l’on veut faire de la psychologie, alors disons crûment que le peuple a affaire à un gigantesque lavage de cerveau, qu’on le bassine toute la journée via la télévision et les médias en général avec cette idéologie post sioniste et ce mouvement d’initiative pour un « Gouvernement de qualité » qui diffuse jusque dans les écoles sa propagande anti-Netanyahou, financé par Biden et derrière lui, la clique d’Obama-Clinton et que dénonce la journaliste américaine Caroline Glick.
Aussi cet article très intéressant du blog Israël 24/7.
Ajoutons enfin que cette injonction à être un pays à la fois juif et démocratique représente une double contrainte, double blind en anglais. Une position intenable Une façon de faire une clef dans le dos à Israël, en le soumettant à un choix imbécile et impossible. De cela aussi il faudra parler ce soir.
Voilà, je vous ai tout dit, si vous voulez savoir autre chose, demandez-moi.😊
Et si vous voulez aller à cette conférence c’est au 10 rue Mékor Haïm, ce soir à Jérusalem, à 20h 30. (La syna s’appelle Oavei Sion, les Amants de Sion. Comme ça s’trouve ! Les précurseurs malheureux du mouvement sioniste, en majorité opposés à Herzl.)
Sinon on pourra regarder sur zoom, et peut-être aussi sur YouTube j’imagine.
Lien Zoom :
https://us02web.zoom.us/j/83623166449?pwd=S1NweUVVOEEzSnM3ZElmaXFpRXo3UT09
Bonne soirée ! CS♦

Catherine Stora, Alma Medoubar
Mais non ce n’est pas une crise d’identité c’est une crise de contrôle et de pouvoir Les luttes politiques sont en train de ronger Israël du dedans parce qu’il y a une lutte sanglante pour le contrôle des finances de l’État et surtout du choix des juges. Nétanyahou veut se blanchir. Il essaye d’effacer ses bavures c’est pour ça qu’il veut contrôler la justice pour s’innocenter Ce n’est pas une lutte psychologies — la réalité est beaucoup plus cynique Il veut pouvoir choisir les juges pour se blanchir … Poinr ♥️👎
J’aimeJ’aime