Venezuela & Hezbollah les (pas) célèbres duettistes

drogue dollar.jpgSi j’étais Steven Spielberg, je tiendrais mon prochain scénario et je serais drôlement content, parce qu’il a suffisamment de variété pour en faire une série et tous les ingrédients d’un blockbuster : drogue, suspense, drame politique, corruption, enquête… Bon, il manque l’amour. Ce n’est pas grave : je ne suis pas Steven Spielberg.

Un scénario d’enfer, une coproduction internationale

En général, on raconte une fiction de façon chronologique, soit à l’endroit, en commençant par le début, soit à l’envers (en commençant par la fin et en usant de flashbacks).

Pour ce scénario particulier, le suspense serait sûrement plus spectaculaire si l’on commençait par le début, mais l’intrigue gagnerait en profondeur en suivant le déroulement de l’intrigue pas à pas.

Le problème, c’est qu’il ne s’agit pas d’une fiction, qu’elle n’est pas achevée et que le début et la fin sont, en réalité, ceux de l’histoire dans l’histoire.

Le film sera « inspiré de faits réels », l’histoire, elle, se déroule sous nos yeux, ou plutôt à l’abri de nos yeux et c’est ce qui justifie le volet « enquête ».

Résumé d’un scénario foisonnant : des cartels de la drogue financent un dirigeant corrompu, donné en exemple d’honnêteté et de générosité, lequel, à son tour, finance un mouvement terroriste dont l’objectif ultime est de commettre un génocide.

Un casting prestigieux

– Le calife : Nicolas Maduro
– L’éminence grise du calife : Tareck Zaidan El Aissami
– Le vizir : Juan Guaido
– Le traître : Hugo Carvajal, alias « Le poulet »
– Le narcotrafiquant : Mohammad Noureddine
– Le terroriste : Hassan Nasrallah
– La femme qui murmurait à l’oreille des journalistes : Kheira Drissi
– La Hezbollebanese connection : Mohammed Raad, Ammar Al-Moussawi, et Mahmoud Qamati.
– Le clown : Recep Tayyip Erdogan
– Les journalistes français : Pierre Kivoirien, Paul Kihéssourd et Jacques Lemuet
– La journaliste Exception Kissauve-la-règle : Marie Merdrignac, Ouest France.
– Avec la participation exceptionnelle de Donald Trump.

Saison 1 : novembre 2018 – Procès à Paris

Au terme d’une enquête menée pendant six ans en Amérique latine, au Moyen-Orient et en Europe par la DEA, l’agence antidrogue américaine, un procès pour blanchiment de trafic de stupéfiants, blanchiment de droit commun et association de malfaiteurs s’est tenu dans la capitale française. Si la filière était surnommée par les enquêteurs la « Lebanese connection », c’est la France qui servait de plaque tournante européenne.

A la tête de ce réseau que la Présidente de la Cour a trouvé parfaitement organisé et bien structuré, Mohammad Noureddine collectait les revenus de la vente de cocaïne sur tout le continent et les transférait clandestinement aux narcotrafiquants colombiens en utilisant la méthode bien rôdée des terroristes islamistes : « le Hawala (mandat, en arabe), un système de transfert de fonds ancien reposant sur des banquiers occultes opérant hors de tout circuit officiel. (Ouest France) »

Saison 2 – Janvier 2019 – Coup d’état à Caracas

Alors que des manifestations contre le Lider Maximo Nicolas Maduro et la famine qu’il a provoquée font une cinquantaine de morts par semaine dans l’un des pays les plus riches en gisements de pétrole, alors qu’un bon millier de manifestants a été arrêté depuis le début des manifestations contre le pouvoir, « Selon les agences de l’ONU, quelque trois millions de Vénézuéliens vivent désormais à l’étranger, dont au moins 2,3 millions ont quitté le Venezuela depuis 2015. La majorité d’entre eux se rendent en Colombie et au Pérou. ‘’ Sur la base des chiffres du gouvernement, il est estimé qu’il y aura 5,3 millions de réfugiés et de migrants vénézuéliens à la fin de décembre 2019’’, a indiqué l’ONU dans son Plan régional d’intervention. (…) L’exode des Vénézuéliens fuyant cette situation économique désastreuse est considéré par l’ONU comme le déplacement de personnes le plus massif de l’histoire récente de l’Amérique latine. (Ouest France) »

C’est dans ce contexte qu’un challenger a ravi la place de Maduro, qui s’était fait réélire dans des conditions pour le moins douteuses, tous ses adversaires étant soit en prison soit en exil. Juan Guaido, le président social-démocrate de l’Assemblée nationale, s’est autoproclamé président par intérim le 23 janvier 2019. Cette démarche est prévue par la Constitution, mais l’accusation d’usurpation du pouvoir par des élections truquées demande à être prouvée. Cela n’a pas empêché les Etats-Unis, le Canada, 12 pays latino-américains et 19 pays de l’Union européenne, dont la France, de le reconnaître officiellement. Sa première action a été d’organiser l’arrivée d’une aide humanitaire, que Maduro, attribuant les pénuries aux sanctions injustes de l’abominable Trump, refusait parce qu’il y voyait le prélude à une intervention militaire contre son gouvernement.

Essayait-il vraiment de transférer 1,2 milliard de dollars vers l’Uruguay ? C’est en tout cas ce que son successeur a dit soupçonner.

Saison 3 – Janvier-février 2019 – Les puissantes dictatures de l’axe

Sans surprise, les ennemis de ses ennemis étant ses soutiens, Maduro s’est vu porté aux nues par la Russie, la Chine, Cuba, la Corée du Nord et la Turquie, tous unanimes à dénoncer une ingérence anti-démocratique dans les affaires de son pays, qui lui doit sa prospérité et dont les citoyens lui sont reconnaissants de leur vie idyllique.

Recep Tayyip Erdogan, démocrate exemplaire, a accusé l’Union européenne de vouloir renverser Maduro « au mépris de la démocratie ». Si, si, Erdogan s’autoproclame expert ès démocratie ! Bon, cela ne figurera pas dans la série parce que trop de ridicule tue la vraisemblance. « Il y a des gens qui présument à ce point de leur esprit, qu’ils pensent pouvoir mesurer dans leur intelligence la nature de toutes choses ; ils estiment être vrai tout ce qu’eux jugent tel et faux ce qu’ils rejettent. » Dixit Saint Thomas d’Aquin, mais il ne parlait pas nécessairement des spectateurs de la future série imaginaire de Spielberg.

Saison 4 épisodes -1, -2… le Hezbollah à la mode Starwars

Dans la famille Démocraties, il ne faut pas négliger le Hezbollah, qui se fait une spécialité d’enseigner l’antisémitisme dès la maternelle, d’utiliser femmes et enfants comme boucliers humains, de jeter les homosexuels du toit des immeubles et d’emprisonner tous les journalistes qui écrivent autrement que sous sa dictée.

Il a donc envoyé une délégation officielle à l’ambassade du Venezuela à Beyrouth pour exprimer son soutien inconditionnel à Maduro, comme il l’avait déjà fait en août 2018. Il faut vraiment avoir l’esprit mal placé pour y voir un rapport avec les mines d’or que le député d’opposition Américo de Grazia l’accuse d’exploiter au Venezuela pour financer ses activités terroristes : « Le mouvement terroriste chiite Hezbollah est également arrivé. Des membres de ce mouvement libanais se trouvent dans la mine Las Rositas, au sud de la municipalité d’Angostura, à Ciudad Piar (État de Bolívar) et dans le lac Guri (Bolívar). Ils exploitent (leur mine) pour leurs opérations terroristes. (…) Ils sont gagnants du point de vue économique et stratégique, car l’alliance est directement conclue avec le gouvernement. Ils gagnent aussi un refuge : on leur offre ici de l’encens, de l’or et de la myrrhe. L’intention est donc de renforcer Maduro et eux-mêmes. (Diario las Americas) »

Dix ans auparavant (épisode The Clone Wars[1]), le Trésor américain avait imposé des sanctions à deux ressortissants vénézuéliens, dont un diplomate, pour leurs liens avec le Hezbollah (GRIP).

Fin du flashback, retour à 2019 et aux déclarations de soutien du Hezbollah à Maduro : « Tous les frères du Hezbollah et le secrétaire général Hassan Nasrallah soutiennent le peuple vénézuélien et son leadership libre… La position du peuple vénézuélien contre l’intervention américaine est une position puissante et il serait impensable que nous ne la soutenions pas. (Memri) » Maduro en leadership libre, est-ce plus ou moins drôle qu’Erdogan donnant des leçons de démocratie ? Et dans le monde réel, la position du peuple vénézuélien contre l’intervention américaine, c’est une position si puissante qu’elle se traduit par l’exil de 20% de la population. Alors il serait effectivement impensable de ne pas la soutenir, mais le Hezbollah ne soutient pas les faibles. Les faibles, il les écrase ou se protège derrière eux pour mitrailler de plus forts que lui. On hésite. Il faudra commander un sondage pour le savoir…

Générique

La délégation du Hezbollah, alias la Lebanese connection, venue faire part de son soutien à Maduro à l’ambassade du Venezuela à Beyrouth comprenait : le député Mohammed Raad, le responsable des Affaires étrangères, le député Ammar Al-Moussawi et le membre du conseil politique, Mahmoud Qamati.

La femme qui murmurait à l’oreille des journalistes, Kheira Drissi, socialiste, a été conseillère pour les rapatriés au cabinet du ministre français de la Défense. Elle a twitté : « au Venezuela, ce n’est plus un secret pour personne que des cellules du Hezbollah opèrent en toute impunité, aidées en cela par des agents placés aux plus hauts postes de narco-régime de Nicolas Maduro, ce qui facilite leurs opérations criminelles en agissant sous couvert ». Elle aurait mieux fait de parler à son cheval, parce que les journalistes, eux, n’ont pas réagi.

Le vice-premier ministre de Maduro, Tareck Zaidan El Aissami, fils d’un Syrien druze et d’une Libanaise, a été sanctionné par les Etats-Unis en février 2017, pour son rôle essentiel dans un trafic de drogue international. Il est plus que suspect de liens avec l’Iran, la Syrie et le Hezbollah. Il est actuellement ministre de l’Industrie et de la Production nationale du Venezuela (US Dept Treasury, Business Insider). « Tout à la fois maître d’un solide réseau au Moyen-Orient, révolutionnaire cubain d’honneur et très ambitieux chaviste, M. el Aissami est un rêve devenu réalité pour Téhéran et La Havane. Cela fait de lui un homme très puissant au Venezuela. (Ouest France) »

Le trafiquant : l’homme d’affaires Mohammad Noureddine, issu de la diaspora libanaise, collectait l’argent sale des cartels de drogues colombiens et le blanchissait. Ce personnage-clé de la « Lebanese connection » a été condamné à Paris à sept ans de prison ferme. Il devra purger sa peine en France, assortie d’une amende de 500.000 euros (l’Orient le jour).

Le traître : Le général Hugo Carvajal, ex-chef du renseignement militaire sous Hugo Chavez (1999-2013), recherché par les États-Unis pour narcotrafic, a déclaré allégeance à Juan Guaido et appelé l’armée à rompre avec Maduro. « M. Carvajal – qui a pris sa retraite du service de renseignement en 2012, après avoir servi près de 10 ans – a donné un témoignage inédit sur le fonctionnement interne d’un gouvernement dans lequel il affirmait que le trafic de drogue et la corruption étaient monnaie courante, gérés par des personnalités telles que le ministre de l’intérieur Néstor Reverol, le vice-président Tareck El Aissami et el presidente Maduro en personne. ‘’Ceux qui luttaient contre le trafic de drogues étaient aussi ceux qui en faisaient le trafic’’ a-t-il déclaré à propos de responsables vénézuéliens menacés d’inculpation ou de sanctions aux États-Unis. M. Carvajal fait partie des personnes accusées de trafic de drogue par les enquêteurs américains: il a échappé à l’extradition à Aruba en 2014 et a été sanctionné par le Département du Trésor pour avoir aidé des groupes de la guérilla colombienne à faire passer de la cocaïne en contrebande. (New York Times) »

Le 4ème pouvoir a le pouvoir de se taire

Le lecteur attentif aura remarqué que parmi toutes les références ayant servi à rédiger cet article, les seules deux en VF proviennent, l’une de L’Orient-Le Jour, quotidien libanais, et l’autre de Ouest France.

Le quotidien français le plus vendu dans notre pays n’appartient pas à la PQN, la presse quotidienne nationale, mais à la PQR, la presse quotidienne régionale. Son indépendance vis-à-vis de la doxa parisienne tient-elle à son éloignement physique de la capitale ? Ce qui est sûr, c’est que le manque de moyens financiers n’est pas un frein à la diffusion de l’information, puisque Ouest France a trouvé l’information chez un média américain. Ses confrères ne doivent pas connaître l’anglais, ou bien ils ignorent qu’il existe une presse libre outre-Atlantique. En tout cas, le quotidien régional s’est retrouvé seul, chez nous, à écrire  : « Tareck el Aissami fait partie des hauts fonctionnaires vénézuéliens impliqués dans d’importants trafics de drogue. ‘’Ils sont soupçonnés d’accepter des pots-de-vin en cash de la part des seigneurs de la drogue colombiens, contre la permission d’utiliser le Venezuela comme base de transit mais on les soupçonne également de participer à des trafics de cocaïne’’ écrit le New York Times. »

Pas besoin d’un complot quand l’autocensure est volontaire

Ouest France a dévoilé les dessous d’une ligne aérienne Caracas-Damas-Téhéran, « Aeroterror » pour les intimes (ce que ne sont manifestement pas les journalistes français), opérée par un couple Carpe et Lapin : Conviasa (alias Air Venezuela) et Iran Air.

La journaliste de Ouest France, Marie Merdrignac, a découvert dans un journal brésilien, Veja (« Voir » en français), que cette ligne coûtait 45,3 millions de dollars par an, alors que la vente des billets n’en rapportait que 15. Cela eût pu mettre la puce à l’oreille de journalistes d’investigation, s’ils n’avaient pas eu piscine ou rendez-vous chez le podologue à cet instant précis. Veja a dévoilé le pot aux roses et Ouest France l’a porté à la connaissance des lecteurs français : les avions quasi-vides « faisaient parvenir des passeports vénézuéliens à des terroristes basé à Damas » et en rapportaient probablement l’argent de la drogue.

Les confrères parisiens de Ouest France n’ont pas besoin que le pouvoir les musèle. S’ils connaissent Gustave Le Bon qui, comme son nom l’indique, n’était pas journaliste, mais médecin, anthropologue, psychologue social et sociologue, ils lui ont certainement emprunté leur devise : « Le besoin de certitude a toujours été plus fort que le besoin de vérité. »

Et comme nous l’avons souvent écrit, rien n’est plus néfaste à la croyance dans l’humanisme des mouvements islamistes que la connaissance de leurs faits et gestes. CA♦

stylo-plume attcCécile Attal, mabatim.info

[1] Star Wars: The Clone Wars, (La Guerre des clones), film d’animation réalisé en images de synthèse par Dave Filoni et sorti au Québec en 2008.

4 commentaires

  1. […] En 2019, quand un homme d’affaires issu de la diaspora libanaise, Mohammad Noureddine, a été condamné, à Paris, à sept ans de prison ferme pour avoir collecté l’argent sale des cartels de drogues colombiens et les avoir blanchis au bénéfice du Hezbollah (l’Orient le Jour), on a compris que, quelle que soit leur origine, les fonds dont dispose Hezbollah S.A. ne sont pas près de se tarir, même après la faillite du Venezuela, dont le démocratique président était l’un de ses souteneurs les plus assidus (Mabatim.info). […]

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  2. Excellente distribution pour un film qui tiendrait de la science-fiction, mais hélas, ce n’est pas de la science-fiction.
    Nous sommes bien dans le réel quand nous savons combien la France a de doux yeux pour le Liban.
    Alors Hezbola, Maduro et Cie, tenant du film « Lebanese connection », que Spielberg n’aurait pas eu le courage de faire aujourd’hui, depuis sa trahison quand il a réalisé « Munich »…
    Est une affaire protégée par la France, que Chirac ne désavouerait pas. Lui qui est gracieusement logé, en France, par ces chers Libanais.

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  3. Incroyable que ces inforlations ne soient pas relayées dans les journaux nationaux.
    Comment trouver le moyen de diffuser ce scandale. Les informer…? Reinformer? Publier sur leurs reseaux sociaux pour les contraidre à en parler ?
    Une chose me rassure quand même : si des journalistes en ont connaissance, les services de lutte contre le trafic de drogue et blanchiment d argent doivent etre au travail…
    Merci à vous de nous avoir informés, pour les explications et pour cette mise en forme typique, ludique, sacarstique de votre style !

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