L’affaire Pollard au regard de l’histoire et de l’actualité israélienne

Pollard lors de son arrestation en 1985

Le hasard a voulu que la série israélienne consacrée à l’affaire Pollard soit diffusée en Israël la semaine où est décédée Esther Pollard. Ce triste concours de circonstances a permis de mesurer l’écart considérable entre la manière dont Jonathan et sa femme sont perçus par le peuple d’Israël et celle dont il est décrit dans la série.

Pour résumer en une phrase cet écart de perception, nous pourrions dire que Jonathan, considéré à juste titre comme un héros par une grande partie de la société israélienne (il avait été accueilli à l’aéroport de Tel Aviv par le Premier ministre Binyamin Netanyahou en personne, qui lui avait remis sa carte d’identité, le 30 décembre 2020) est dépeint dans la série comme un être bizarre, psychologiquement perturbé, aux motivations difficilement compréhensibles.

Cette série est pourtant intéressante à plusieurs titres. Elle retrace l’itinéraire du jeune Juif américain, fils d’un professeur renommé dont une partie de la famille a été déportée et exterminée dans la Shoah, devenu analyste au sein de la Marine américaine, avant de décider de transmettre des informations vitales à l’État d’Israël, puis d’être arrêté et emprisonné pendant trente-cinq ans.

Jonathan et Esther Pollard z.l. à Jérusalem

L’incompréhension manifeste de plusieurs personnalités interviewées et la tentative de décrire Pollard comme souffrant de troubles psychiques en disent long sur le regard porté par une partie des élites israéliennes sur notre histoire et sur ses héros. Au-delà même des implications politiques de l’affaire Pollard, et des raisons pour lesquelles elle a tellement embarrassé l’establishment politique et militaire israélien, celle-ci nous renseigne en effet sur la perception de l’histoire juive et sioniste par une partie des élites et de la société israélienne en général.

Cette perception pourrait être résumée par le mot fameux prêté au philosophe juif allemand Hermann Cohen, à propos des militants sionistes de son époque : « Ils veulent être heureux… » Selon cette conception, le sionisme aurait normalisé le peuple juif et l’existence juive en Israël. On comprend dès lors la course effrénée à la consommation et l’hédonisme qui règnent sans partage dans une partie de la société israélienne. Dans cette perspective, tout ce qui vient troubler cette course à la normalité et au matérialisme est perçu comme un rappel insupportable de la dure condition juive (le « dur bonheur d’être Juif », comme disait André Neher) et comme une atteinte au droit de vivre « normalement ».

C’est ainsi qu’il faut interpréter le mépris que vouent ces mêmes élites politiques ou culturelles aux Juifs de Judée-Samarie, de Hébron ou du Goush Katif, considérés comme des fous (dans le meilleur cas) ou comme des criminels dans le pire, comme vient nous le rappeler récemment le ministre Bar Lev, obsédé par la soi-disant « violence des Juifs de Judée-Samarie ». Le même mécanisme explique leur attitude envers le Mont du Temple, ce soi-disant « baril de poudre » qui risque de faire exploser leurs rêves de tranquillité et de normalité, bien plus que de faire « exploser le Moyen-Orient ».

Solitude d’Israël

Dans ce contexte, l’affaire Pollard est un rappel insupportable de la condition juive et de la solitude d’Israël. Solitude, car même le « meilleur ami » de l’État juif, les États-Unis, ont refusé obstinément de transmettre à leur allié indéfectible des informations vitales concernant les pays arabes. Quand un patriote juif américain s’est opposé à ce refus de partager des informations vitales, il a été envoyé en prison plus longtemps que tous les espions pro soviétiques et prochinois de l’histoire américaine au vingtième siècle. Ce verdict n’était pas seulement une injustice flagrante, mais aussi et surtout, un rappel difficile à entendre du paradoxe de la relation entre Israël et les États-Unis.

Ce paradoxe apparaît bien dans le second épisode de la série, lorsque l’auteur énonce le principe fondamental de la politique israélienne envers le « grand frère américain »:

« Israël ne mène pas d’activité d’espionnage sur le sol américain ».

Ce principe d’airain est officiellement justifié par le fait que les États-Unis sont un allié – le plus important au monde – de l’État juif. Mais cette loi d’airain a été enfreinte dans l’affaire Pollard (et sans doute à d’autres occasions). Pourquoi ?

La réponse, qui n’est pas clairement énoncée dans la série, est très simple. Israël a dû se procurer des informations vitales pour sa sécurité sur le sol américain, parce que les États-Unis se sont délibérément abstenus de lui transmettre ces informations vitales. “Pourquoi voler ce qu’on vous donne officiellement?” demande l’ancien attaché militaire aux États-Unis Rafi Simhoni. Cette question est un sommet d’hypocrisie, car Simhoni sait parfaitement que les informations transmises par Pollard ne l’avaient pas été par les États-Unis…

Le quatrième et dernier épisode de la série s’intitule “Le prix de la trahison”. De quelle trahison s’agit-il ? De celle de Jonathan Pollard envers son pays natal, les États-Unis. De l’autre trahison – celle des élites israéliennes envers Pollard – il n’est quasiment pas question. Elle apparaît pourtant à plusieurs moments clés de la série, notamment lorsque le conseiller juridique américain Abe Sofer explique que les États-Unis étaient disposés à accorder l’immunité à tous les Israéliens impliqués dans l’affaire Pollard (dont certains ont réussi à conserver l’anonymat jusqu’à ce jour) en échange de leur entière collaboration pour juger et condamner Pollard. Cette trahison des élites demeure jusqu’à ce jour une tache indélébile dans l’histoire d’Israël. Mais le peuple d’Israël, lui, a fait un autre choix, comme en attestait la foule des anonymes venus accompagner Esther Pollard à sa dernière demeure. PL

Pierre Lurçat, MABATIM.INFO


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Un commentaire

  1. La Question Juive de la Trahison est une antienne depuis Judas l’ Iscariote qui poursuit indument Les Juifs mais est réaliste en ce qui concerne une quantité ANORMALE de pleutres chez les juifs…
    Une éducation phobique submitive familialiste extrême…et sans Initiative autre que le savoir et la non prise de risque…en seraient responsables…Rester juif fut d’ailleurs un immense échec (dénié par l’apologétique juive!)car les persécutions n’ont pas exterminé à ce point, les juifs; pour qu’ils se soient réduits à 18 millions en 1939 alors qu’ils étaient, au recensement d’Auguste, 6% des citoyens romains…L’Expulsion de 1492 n’a concerné que la moitié des juifs, soit environ 200.000 Sefardim, l’autre moitié est restée et s’est diluée dans le peuple catholique espagnol à présent :20% d’Espagnol portant les clusters de la population mélangée de ces Sefardim et et sans doute bien d’autres non testés!!!
    (Un ami de la Szlachta (Polonais d’ascendance de Chevalier Wiking I1, porte 6% de clusters Ashkénazes!!!!!!)
    La natalité juive brillante, elle, aurait dû aboutir en 2000 ans à près de 150/200 millions de personnes…la dispersion assimilation constantes a été plus importante que prétendue de même que la génétique démontre depuis 15 ans,…le fallacieux de l’endogamie juive stricte AVANT la Clôture Chrétienne après la fin du 14e siècle (conversion Lituanienne)(Blumenkranz cnrs 1966-68)
    Seul un Résident israélien peut seul espionner légalement…sic Pas Un Juif….Les juifs de Gauche de par le monde, qui ne comprennent rien au goulag ni à l’antijudaïsme athée païen catho Socialiste anticapitaliste… sont justement punis et n’ont qu’à aller se faire voir ….ailleurs.
    Là aussi, il faut changer de Peuple, comme disait Berthold Brecht…Rassembler seulement les juifs authentiques (athées et religieux…) et faire-sens-juif civilisationnel et sans Double Nationalité! …………… »double » comme Agent ou faux-cul….
    Pollard a commis l’erreur optimiste de croire à la nationalité US d’un juif…! Cela n’est pas possible, nulle part et pas davantage dans ce foutoir-menteur de E Pluribus Unum protestant anglo-saxon et antijuif.!
    Pollard Résident permanent dans un monde fondamentalement antijuif (sauf trois Pères Fondateurs et la demi-section d’émules??? pouvait espionner sans risquer une vengeance Néotestamentaire inexpugnable, de la part de ses collègues Goyim de la Navy.

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