Le sionisme tel que les Français n’en entendent jamais parler

Jabotinsky présenté par Lurçat

Vladimir Jabotinsky (1880-1940) D.R.

25 septembre 2022

Le public français ne connaît pas, ou à peine, Vladimir Jabotinsky. Wikipedia le présente ainsi :

« Vladimir Ze’ev Jabotinsky, né le 18 octobre 1880 à Odessa, dans l’Empire russe et mort le 4 août 1940, à Hunter, village de l’État de New York aux États-Unis, est le fondateur de la Légion juive durant la Première Guerre mondiale et un leader de l’aile droite du mouvement sioniste (Wikipédia). »

Mais pour aller chercher Jabotinsky sur Wikipedia, encore faut-il savoir qu’il existe !

Pierre Lurçat remédie à cette méconnaissance avec brio en publiant une traduction des textes fondateurs de ce visionnaire, prononcés et/ou publiés entre 1916 et 1929 et, surtout, en les éclairant d’une introduction historique et philosophique si pointue qu’elle pourrait suffire.

Jabotinsky est le père d’un sionisme qui ne se situe pas à gauche de l’échiquier politique. Pour un lecteur français qui s’est fait sa… religion sur l’État juif dans la presse nationale, cette évidence est une surprise : il croit que le sionisme est de droite, d’extrême-droite, même ! Pourtant les faits, si têtus que les médias les évitent quand il s’agit d’Israël, sont incontestables : avant même la déclaration d’indépendance de l’État d’Israël, les premiers émigrants juifs, originaires de Russie, avaient créé des kibboutzim. Le premier kibboutz, unique incarnation du communisme qui n’ait jamais connu de dérive autoritaire date de 1910 (Israel Valley), quand la Palestine était encore une province oubliée de l’empire ottoman.

Le sionisme de Jabotinsky, explique Pierre Lurçat, était « une clairvoyance désabusée… un réalisme pragmatique… associés à un profond respect pour la nation arabe. »

Voici qui va à contre-courant du sens du poil, tel qu’il est brossé par l’idéologie antisioniste la plus répandue. Ah, les faits…

« Ce sont les événements », explique Lurçat, « qui amènent Jabotinsky à une réflexion théorique qui se double, comme toujours chez lui, d’une action concrète ».

Le fait est que l’intéressé définit sa position vis-à-vis des Arabes comme « semblable à {mon} attitude envers tous les autres peuples : une indifférence polie. »

Les faits encore : le 24 août 1929 à Hébron, alors en Palestine devenue mandataire, des Arabes ont massacré 67 Juifs, en ont blessé 53 et ont pillé leurs maisons et leurs synagogues. Quelques semaines plus tard, Jabotinsky publiait en russe dans Rassviet, un article ironiquement titré « La paix » :

« Le camp sioniste entonne à présent d’une voix forte le refrain des pacifistes, qui s’efforcent (en prêchant la morale aux Juifs uniquement) de se réconcilier avec les Arabes… Au lendemain d’un massacre tellement méprisable et abominable, nous devrions reconnaître nos péchés et implorer leur grâce pour qu’ils cessent de nous attaquer. »

Ce texte est écrit en 1929 et il vise les sionistes, pas en 2022 à destination des chancelleries occidentales.

Jabotinsky avait été, en 1906, l’un des rédacteurs du Programme d’Helsingfors, qui définissait ce qu’auraient dû être les droits des minorités au sein de l’empire russe. Le réalisme, explique-t-il en 1929, c’est de vouloir l’égalité avec les Arabes de Palestine, mais aussi de se poser la question de la faisabilité du projet sioniste par des voies pacifiques :

« Cela ne dépend pas de notre attitude envers les Arabes, mais uniquement de l’attitude des Arabes envers le sionisme. »

En effet,

« le monde doit être un lieu où règne la responsabilité mutuelle… Il n’existe pas d’éthique affirmant que le glouton peut manger autant qu’il le désire et que celui qui se contente de peu doit dépérir sous la clôture. »

Les faits, là encore, donnent raison à Jabotinsky en abondance, en nombre égal aux refus arabes opposés aux propositions de paix israéliennes, depuis la première en 1948, dans la déclaration d’indépendance :

« L’État d’Israël sera ouvert à l’immigration des juifs de tous les pays où ils sont dispersés ; il développera le pays au bénéfice de tous ses habitants ; il sera fondé sur les principes de liberté, de justice et de paix enseignés par les prophètes d’Israël ; il assurera une complète égalité de droits sociaux et politiques à tous ses citoyens, sans distinction de croyance, de race ou de sexe »

Seuls 156 000 Arabes de Palestine, sur les 750 000 qui y vivaient à l’époque, acceptèrent ce contrat. Aujourd’hui, ils sont 1,995 million, soit 21,1 % de la population totale et ils ont un parti au gouvernement. LM

Liliane Messika, Causeur


Le Mur de fer – Les Arabes et nous, Vladimir Jabotinsky, traduit et préfacé par Pierre Lurçat

Pour approfondir :
Israël face aux Arabes : Le « Mur de fer » et la postérité
« Dôme d’acier » ou « Mur de fer »? Force et faiblesse d’Israël …


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